Luc, est-ce que vous pourriez revenir sur votre partenariat avec Inveniam? Le communiqué de presse dit que vous avez signé un partenariat pour apporter votre technologie de tokenisation des assets à ces spécialistes de l’investissement.
Luc Falempin. – «Ce qu’on voit, c’est que le niveau de confiance augmente sur la blockchain. Il y a moins d’interrogations, comme si nos interlocuteurs voulaient plutôt que ça marche et plus seulement savoir comment ça marche. Il y a des trilliards d’actifs qui utilisent cette technologie.
Expliquez-nous en quoi est une double rupture?
«Cinq millions d’euros, pour des Américains, ce n’est pas beaucoup. En Europe, c’est pas mal. Inveniam est un acteur américain spécialisé dans la valorisation des actifs sous-jacents. Ils sont capables, pour faire simple, de calculer les NAV beaucoup plus facilement et fréquemment, sachant que le prix de l’actif est une donnée très importante, si ce n’est pas la donnée la plus importante, pour amener de la liquidité. L’idée est d’enrichir nos tokens avec les valorisations venant d’Inveniam. Les experts d’Inveniam ont un certain nombre d’investisseurs, dont le groupe Apex, qui gère un trilliard d’actifs. Ils ont commencé à enrôler un grand nombre de clients d’Apex sur Inveniam, qui vont pouvoir tokeniser leurs assets en quelques clics grâce à nos outils. Un grand nombre de tokens liés à des actifs sérieux vont émerger.
Que sont ces actifs, des immeubles?
«Principalement de l’immobilier, oui. Les tokens vont permettre de casser la dynamique de l’œuf et la poule dans le secteur.
La valeur de l’actif, élément-clé
Ça veut dire que vos tokens vont inclure la valeur de départ de l’actif?
«Sur le marché primaire, c’est toujours l’émetteur qui fixe le prix. Après, durant le cycle de vie, le prix des actifs sous-jacents évolue – il est censé croître – et il faut le recalculer régulièrement. Beaucoup de fonds recalculent leur NAV annuellement. Si on commence à dire qu’il y a de la liquidité à n’importe quel moment, parce que, grâce à la blockchain, ils peuvent transférer leurs parts contre une contre-partie, il faut qu’il y ait des indications de prix beaucoup plus précises et beaucoup plus fiables. Ça coûte une fortune de calculer la NAV pour la plupart des fonds. L’idée est d’avoir des tokens qui intègrent cette donnée-là. Dans le token, on a toute la partie ‘compliance’, qu’on faisait déjà, et maintenant, on a aussi toute la partie ‘prix’. La seule chose qui manque est de pouvoir trouver des contreparties. Là, des plateformes vont mettre en connexion des gens intéressés. Nous fournissons des outils et nous créons un réseau pour le marché secondaire, où n’importe quelle entité qui a une audience d’investisseur va pouvoir se connecter par cette infrastructure.
Cela veut dire que les investisseurs mettront leurs tokens sur le marché secondaire et que d’autres viendront regarder ce qui peut les intéresser?
«Oui. Ces plateformes qui ont de l’audience, c’est des brokers-dealers, des exchanges régulés, des bulletin boards, des nouvelles market-places de digital assets qui émergent, tout un tas d’acteurs qui ont des investisseurs et qui veulent leur proposer de nouveaux types d’actifs plus liquides et contrôlés digitalement.
Ces nouveaux acteurs vont «acheter» votre solution?
«Eux, ils ont déjà des clients à qui ils veulent proposer de nouveaux produits. Nous fournissons une infrastructure. Un catalogue d’opportunités d’investissement qui viendra de tous les émetteurs. Ils vont pouvoir les filtrer ou les suivre. Nous sommes spécialisés dans l’immobilier. Le type de clientèle, ce sont seulement des institutionnels.
Pourquoi vous ne le faites pas vous-même, puisque vous avez la technologie au cœur de cette révolution?
«On pourrait devenir nous-mêmes l’exchange… sauf que, déjà, ce n’est pas notre métier; nous sommes fournisseurs de technologie. Mais surtout, nous devrions agréger l’audience. Nous devrions nous mettre en compétition avec ceux qui sont déjà en front office avec des investisseurs. C’est plus intéressant de dire à tous ceux qui veulent aller dans cette direction ‘Ne vous tracassez pas, il y a déjà tous les outils et on va travailler ensemble pour monétiser et nous prendrons une commission sur ce que vous monétiserez’. Nous sommes en train de créer un réseau qui, s’il tokénise avec nos standards, a accès directement au réseau de distribution.
On veut vraiment être le Intel Inside, qui va fournir l’infrastructure pour être sûr que tout marche bien et pour tout le monde.
Un peu comme un Microsoft qui fournirait de la technologie à Amazon?
«On veut vraiment être le Intel Inside, qui va fournir l’infrastructure pour être sûr que tout marche bien et, surtout, il y a différentes classes d’actifs, différents émetteurs, etc. Si on lançait notre propre exchange, on serait obligé de se concentrer sur une classe d’actifs alors qu’on a des émetteurs qui peuvent être intéressés par un exchange régulé de type Euronext ou la Bourse de Luxembourg, d’autres qui veulent aller vers des brokers-dealers ou vers de la distribution digitale ou avoir leur propre tableau d’affichage sur leur site internet.
Et les émetteurs peuvent intégrer vos solutions dans leur propre environnement?
«Nous fournissons tout en marque blanche. Avec le marché primaire. Avec le marché secondaire. Et avec le portfolio pour gérer différents titres. C’est la direction dans laquelle on va, qui va s’ajouter à ce qu’on fait au départ, c’est-à-dire le logiciel pour tokéniser, pour gérer.
Ça fait un moment qu’on dit ‘tokeniser’. On peut redéfinir ce que cela signifie, pour les non-experts, qui restent toujours plus nombreux que ceux qui comprennent directement?
«La définition la plus simple est qu’on représente quelque chose qui a de la valeur sur la blockchain. On crée un token qui représente telle ou telle chose. Ou donne tel ou tel droit.
Le token est un bout de code…
«Oui, c’est vrai que c’est une grosse confusion. On déploie un smart contract du token, une fonction ‘mint’ permet de créer des tokens, une clé qui vient de ce smart contract. Le token est à la fois ce smart contract et la clé qui est dedans. Dans notre cas, si c’est de l’immobilier, on a un acteur centralisé qui dit que c’est de l’immobilier. Ça, c’est la structure financière qu’on a au-dessus et on tokenise cette structure financière. C’est-à-dire que si on a cent parts dans cette entreprise, on va déployer un smart contract représentant ce titre financier et on va ‘minter’ cent tokens qui représentent chacun une part. Ça créé un registre, il faut se méfier parce qu’il y a beaucoup de questions autour de cela. Un registre, ce sont des noms, des adresses et des positions. On utilise juste la blockchain pour tracker les changements et mettre à jour, en dehors de la blockchain, un registre. Les positions du registre sont les positions sur la blockchain.
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Pour revenir à Inveniam et la tokénisation des biens immobiliers. La valeur de départ a une importance capitale, d’accord. Mais comment est-ce qu’on intègre des éléments comme l’amortissement du bâtiment, le fait qu’il ne soit pas construit dans les matériaux les mieux à même par exemple de réaliser des économies d’énergie ou le fait que le quartier dans lequel il est situé peut être tendance pendant vingt ans et complètement has been ensuite?
«Il y a plein de dimensions à prendre en compte. On peut aller plus ou moins dans le détail et intégrer la consommation d’énergie, les travaux à prévoir, les travaux déjà effectués et la localisation. Cela dépend de l’information disponible. Dans certains pays, elle n’est pas disponible. Aux États-Unis, on peut dire exactement ce qui a été vendu et combien, autant de données à agréger. L’idée est de donner une overview et quelques éléments clés qui permettent d’arriver à un prix. Il y a toujours une marge d’erreur; un prix est subjectif. Par contre, c’est basé sur énormément plus de données et de dimensions que juste regarder les comptes.
Cette partie-là n’est pas faite par vous…
«Non, tout ça, c’est la partie Inveniam, avec leurs outils. Ils prennent toute l’information et leurs outils vont créer un rapport avec un prix. Ces données sont timestampées sur la blockchain et liées à nos tokens qui représentent l’actif. Ca permet à un investisseur qui regarde un token d’avoir une preuve que la donnée est exacte. C’était quelque chose qui manquait sur le marché. Pourquoi la DeFi fonctionne si bien? Parce que derrière, ce sont des cryptos, hyper liquides, dont on connaît toujours le prix. On peut faire plein de choses, de la collatéralisation, des liquidations automatiques… Ce qui est assez difficile via la finance traditionnelle.
L’identité et les blockchain à permission dans le radar
Oui, mais le token peut indiquer toujours la même valeur en bitcoin sauf que la valeur du bitcoin a plongé…
«Oui, c’est très volatile.
, à laquelle vous proposez un token de fidélisation, c’est ça?
«BitMex vient d’acheter une banque (Bankhaus von der Heydt, ndlr). C’est le début d’une tendance. Coindesk en fera probablement autant sous peu. Tout le monde pensait que les banques allaient acheter les cryptoplayers et c’est dans l’autre sens. BitMex, c’est assez simple: nous avons fait un utility token, un loyalty token même, sur le modèle de Binance ou FTX. Il n’est pas encore distribué aux utilisateurs. C’est principalement pour fidéliser leurs utilisateurs. En tant que tant que token holder, je vais payer moins cher les transactions, ce genre de choses.
Qu’est-ce que vous regardez dans les tendances?
«On voit que, sur l’identité, ça évolue très vite; du coup, on a beaucoup d’ambitions sur OnchainID. C’est globalement la porte d’entrée des institutionnels pour qu’ils commencent à utiliser la finance décentralisée. Tout ce qui est de permissionner des protocoles, donc de pouvoir assurer que seules les personnes autorisées utilisent un stable coin ou un titre financier, devient important. Après, les asset managers arrivent en force avec de beaux actifs. Ils veulent faire des choses en grand et plus un petit proof of concept.
Les choses en grand, ça veut dire quoi?
«Ca veut dire qu’on commence avec un fonds et si on arrive à faire le cheminement de bout en bout, de la tokenisation au marché secondaire, on mettra tous les fonds dessus.
L’AML et le KYC deviennent des questions centrales…
«Oui, toute la partie compliance. Il faut pouvoir gérer les tokens avec différents acteurs qui ont différents rôles. Ce qui nous manque est le marché secondaire.»
Cette interview a été rédigée pour la newsletter Paperjam Trendin’, le rendez-vous hebdomadaire incontournable pour suivre l’actualité de l’innovation et des nouvelles technologies.