Quel est l’intérêt pour des fonds luxembourgeois d’aller lever des capitaux sur les marchés asiatiques?
Marie-Anne Mandroux (M.-A. M.). – «Outre l’important taux de croissance que connaissent globalement les différents États d’Asie, ce sont des pays qui ont de l’intérêt pour les produits financiers et qui disposent de réglementations qui se structurent de plus en plus dans l’‘asset management’. On y observe aussi des populations qui commencent à vieillir et qui ressentent donc le besoin de financer leurs retraites. C’est une opportunité pour les fonds étrangers d’être insérés dans des produits locaux de financement des retraites. Ce sont aussi des populations qui ont acquis une certaine aisance financière et qui ressentent désormais le besoin d’investir leur épargne.
Le continent asiatique est-il facile à aborder dans le domaine de l’«asset management»?
Marc Noirhomme (M. N.). – «Non, l’Asie reste un marché qui n’est pas évident à aborder pour les non-Asiatiques. Les processus sont relativement longs et coûteux. C’est aussi un marché qui a de plus en plus tendance à créer ses propres produits d’investissement. Les produits venus de l’extérieur entrent donc en concurrence avec des solutions locales. Dans chaque pays, les propositions locales offrent plus d’attrait que les produits hors Asie. Dans un pays comme la Chine, il est d’ailleurs toujours impossible de vendre directement un produit venu de l’extérieur. Il y a donc des possibilités de croissance indéniables, mais qui ne sont pas aussi importantes que dans les pays européens, qui restent le principal marché pour les fonds luxembourgeois.
L’Asie reste un marché qui n’est pas évident à aborder pour les non-Asiatiques.
M.-A. M.: «Dans le cas des fonds Ucits, il faut aussi bien voir que ce sont des marchés fragmentés, au contraire de l’Europe où les règles sont harmonisées. Dans l’UE, si vous disposez du passeport européen, en pratique, en deux jours, vous obtenez l’autorisation d’être vendu dans un autre pays. Dans les pays asiatiques, cette autorisation peut prendre jusqu’à six mois environ. Ceci dit, les Ucits luxembourgeois commencent à être reconnus en Asie. À Hong Kong ou Singapour, par exemple, ils bénéficient de procédures simplifiées.
Les réglementations sont-elles aussi strictes que sur les marchés européens, où les exigences se sont accumulées ces dernières années?
M.-A. M.: «Si l’Europe a connu une inflation de réglementations suite à un besoin croissant de transparence, on a vu le même processus en Asie. Des réglementations similaires à Solvency, par exemple, se sont mises en place, notamment à Hong Kong et Singapour. Au Japon, une nouvelle réglementation devrait être instaurée d’ici 2025.
Ainsi, un fonds étranger, en plus de ses obligations réglementaires liées à l’enregistrement, devra pouvoir proposer des informations aux banques et assurances locales sur leur investissement dans ce fonds afin que ces dernières puissent effectuer leur propre reporting auprès de leurs autorités de tutelle.
M.N.: «Vous n’êtes pas contraint de réaliser certains de ces reportings, mais si vous ne le faites pas, votre impact commercial sera moins important. Chez Deloitte, nous essayons donc d’identifier tous ces besoins pour informer et supporter nos clients dans cette quête de compliance locale. , nous avons listé les tâches principales dont les promoteurs extérieurs devront s’acquitter afin d’être en ligne avec les demandes de reporting des régulateurs locaux. C’est une région qui peut vite se révéler inhospitalière pour qui n’a pas les reins solides pour couvrir ces différentes exigences.
Les règles à respecter sont différentes d’un pays à l’autre.
Quels sont les premiers conseils à donner aux promoteurs de fonds qui veulent être distribués en Asie?
M.-A. M.: «Ils doivent en tout cas réaliser une analyse préliminaire des exigences pays par pays. Les règles à respecter sont différentes d’un pays à l’autre. Vous devez donc disposer d’une équipe compliance solide pour maîtriser les différentes règles et pouvoir communiquer les bonnes informations, qui ne seront pas les mêmes d’un pays à l’autre.
Est-ce que cela veut dire qu’il faut de l’expertise en compliance au Luxembourg ou de bons relais sur place?
M. N.: «Il y a deux solutions: soit, en effet, vous mettez, sur place, les ressources nécessaires, éventuellement avec des tiers; soit vous profitez de l’expertise transfrontalière déjà bien déployée au Luxembourg et un peu partout en Europe. Ce que vous ne retrouvez pas forcément en Asie où l’expérience est toujours et uniquement nationale. Nous pensons donc que les opérateurs ont intérêt à utiliser tout ce qui est mis en place en Europe, et particulièrement au Luxembourg et en Irlande. Il faut profiter de cette culture transfrontalière pour aider les opérateurs à couvrir le marché asiatique de la manière la plus efficace.»