Septembre 2020. La crise du Covid bat son plein. Tout le monde économique est touché, et les artistes plasticiens ne sont pas épargnés non plus. L’Œuvre nationale de secours Grande-Duchesse Charlotte a alors décidé de lancer un concours ouvert à destination d’artistes actifs dans le domaine des arts visuels, dans l’objectif de soutenir la création et de contrecarrer la mise à l’arrêt pendant plusieurs mois de la vie culturelle. Pour cela, elle débloque un budget, et 100.000€ dédiés à la production et l’acquisition de nouvelles œuvres.
«Nous avons également décidé d’une thématique, que nous avons voulu volontairement large», explique Danièle Wagener, présidente de l’Œuvre. «Nous leur avons demandé une réflexion sur la période historique de la pandémie, plus précisément sur l’époque post-confinement et les nouveaux défis auxquels nous avons dû et devons d’ailleurs toujours tous faire face.»
15 artistes ont répondu à cette invitation et ont remis un dossier qui a été examiné par un jury. Le jury était composé de Fanny Gonella, directrice Frac Lorraine, Benoît Lamy de La Chapelle, directeur du Centre d’art contemporain – la synagogue de Delme, , directeur du Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain, Danièle Wagener, alors présidente du jury stART-up et vice-présidente du conseil d’administration de l’Œuvre, et Fanny Weinquin, historienne d’art et commissaire d’exposition indépendante. Cinq dossiers ont été retenus pour une deuxième phase au cours de laquelle les artistes ont été invités à développer le concept de leur œuvre et présenter un budget et les détails techniques de réalisation. Un artiste s’étant retiré, quatre artistes ont finalement présenté leur projet au jury le 29 mars 2021. Après délibération du jury, trois œuvres ont été définitivement retenues, pour un budget total de 105.146,98€.
Il s’agit des œuvres de Carole Melchior, «Faire territoire», celle de Paul Kirps «Two thousand and twenty» et celle de Claudine Arendt, «Ahead of Time, The Times Ahead».
La photographe Carole Melchior a réalisé une série de photographies pendant l’année 2020.
Sa démarche photographique expérimentale et conceptuelle a donné naissance à trois photographies qui font le lien entre la biologie, la société et le corps et portent un regard fin et poétique sur cette période si inhabituelle. Elle propose à travers ses œuvres d’habiter poétiquement les lieux, d’offrir un exercice collectif de l’imagination.
Paul Kirps, lui, a réalisé «Two thousand and twenty», un caisson lumineux qui s’inspire librement des caissons publicitaires rétro-éclairés qu’on trouve dans l’espace urbain. Plusieurs couches d’objets et d’informations y figurent, tantôt techniques et industriels, tantôt graphiques et à caractère plus codé. L’installation combine à la fois les aspects techniques et froids liés au Covid-19 et l’interprétation visuelle de l’expérience collective et individuelle que cette crise a entraînée. Les graphiques et données chiffrées ont occupé une place très importante pendant la crise et trouvent dans l’œuvre un écho avec une réinterprétation graphique et artistique de certaines données, dont celle de l’étude Covid-Kids réalisée par l’Université du Luxembourg avec le soutien de l’Œuvre nationale de secours Grande-Duchesse Charlotte.
Enfin, l’œuvre de Claudine Arendt, «Ahead of Time, The Times Ahead». Il s’agit d’une sculpture-fontaine réalisée en polyester. Si, au premier regard, les formes semblent abstraites, on reconnaît, en prêtant plus attention, des nez surdimensionnés, une jambe de cheval… des narines et lèvres géantes sortent de manière aléatoire des jets d’eau, comme de courts éternuements, déclenchés par un détecteur de mouvement. «Pour ne pas déclencher la fontaine, il faut garder ses distances», s’amuse à préciser l’artiste. La sculpture représente en fait une cavalière aveuglée par son chapeau symbolisant une infirmière qui s’engouffre dans une vague. «Cela me rappelle aussi le personnage de Jean l’Aveugle qui a rempli son rôle malgré le fait qu’il ne puisse pas voir son ennemi», précise l’artiste. Çà et là, des masques bleus viennent recouvrir partiellement les nez et les bouches.