Pour les artisans, Enovos est en train de cimenter sa position dominante qui dépasse son activité historique qui est la fourniture d’énergie.  (Photo: Shutterstock)

Pour les artisans, Enovos est en train de cimenter sa position dominante qui dépasse son activité historique qui est la fourniture d’énergie.  (Photo: Shutterstock)

La Fédération du génie technique et la Fédération des artisans accusent Enovos de fausser la concurrence sur le marché des installations électriques dans les bâtiments. Et en appelle au gouvernement.

L’actuelle stratégie d’Enovos suscite la colère de la Fédération du génie technique (FGT) et de la Fédération des artisans (FDA) qui, par ses rachats successifs, «pénètre agressivement le marché des équipements techniques des bâtiments où des centaines de petites et moyennes entreprises sont actives, ce qui, jusqu’à présent, garantissait aux clients une situation concurrentielle parfaite». 

De fait, Enovos a effectué trois grosses acquisitions sur le marché ces deux dernières années: d’abord Paul Wagner et Fils en juillet 2018; puis Power Panels (le plus grand fabricant luxembourgeois de panneaux de tableaux de distribution, ndlr); avant de prendre, la semaine dernière, une participation majoritaire dans Minusines (fournisseur de matériel électrique, leader sur le marché grand-ducal, ndlr).

«Avec ces acquisitions, Enovos contrôle toute la chaîne de valeur du secteur, en commençant par la vente de matériel, en passant par l’installation, jusqu’à la vente d’énergie. En outre, en raison de sa position de quasi-monopole sur le marché de l’énergie, Enovos détient des informations commerciales d’un énorme réservoir de clients», pointe Marc Thein, le président de la FGT. Et de poursuivre, «en raison de cette politique de concentration et avec des financiers publics, tels que la Banque et caisse d’épargne de l’État (BCEE) au conseil d’administration, Enovos Services détient des avantages imparables en comparaison à toutes les autres entreprises actives sur ce marché».

L’inaction du gouvernement contestée

Une position dominante qui inquiète. La FDA a, dès 2018, déposé une plainte devant le Conseil de la concurrence. Sans résultat. L’association a été déboutée sur un motif de forme: il n’existe pas, en droit luxembourgeois, de contrôle ex ante en matière de concentration. Un contrôle que l’on ne trouve pas non plus dans l’actuel projet de réforme de la loi.

«Il est encore temps de rectifier le tir», estiment la FDA et la FGT. Une interpellation directe envers le gouvernement, également actionnaire majoritaire d’Encevo, la holding qui contrôle Enovos. L’État détient directement 28% des actions et indirectement 46,52%, notamment grâce à la BCEE.

Pour Marc Thein, mettre en concurrence les petites entreprises du secteur et le monstre Enovos va à l’encontre du discours gouvernemental selon lequel une bonne transition énergétique passe par un artisanat diversifié et dynamique dans la mise en œuvre de celle-ci. «Est-ce une volonté concrète du gouvernement ou bien les actionnaires publics ne sont-ils pas intéressés par ce qui se passe chez Enovos?»

Enovos explique sa frénésie d’achat par la volonté de s’adapter à un marché énergétique en pleine transformation en développant de nouveaux services dans le domaine de la transition énergétique.

Mais il entend faire cela en collaboration avec le secteur de l’artisanat. « C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, différents programmes ont été développés ensemble avec la Fédération des Artisans, à travers lesquels le Groupe Encevo veut partager son expertise et faire bénéficier les entreprises qui ne bénéficient pas de grandes structures, car les artisans sont nécessairement un levier important de la mise en œuvre de la transition énergétique. », plaide Encevo qui se met en scène comme un partenaire des PME. 

« Lors des additions récentes au groupe à travers Enovos Services, il a toujours été veillé à ne pas altérer les structures et l’équilibre du marché. Aucun nouveau concurrent n’a été créé puisque ces sociétés existent depuis des décennies, aucune entreprise reprise par le Groupe Encevo n’a disparu. Les structures des entreprises sont restées en place, tout comme la direction et les employés. Les entreprises récemment acquises ont trouvé dans le Groupe Encevo un partenaire qui correspondait à leurs critères. Avant d’intégrer le Groupe Encevo, tous étaient à la recherche de successeurs voire de repreneurs stables, neutres, luxembourgeois et qui garantissent leur pérennité. D’ailleurs, ces entreprises constituent certes des acteurs importants du marché, mais ils s’intègrent dans un marché parfaitement concurrentiel » poursuit le groupe.

Qui conclut en rappelant qu’à ce jour, le conseil de la concurrence n’a relevé aucune distorsion de marché ou abus de position dominante.

La FGT représente près de 500 entreprises actives dans les domaines des technologies électriques, du chauffage sanitaire et de l’information. Elle regroupe les anciennes associations Apel (Association des patrons électriciens), Fiesc (Fédération des installateurs en équipements sanitaires et climatiques) et FDI (Fédération des intégrateurs en télécommunication, informatique, multimédia et sécurité).


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