Que fait un ex-Arthur Andersen quand il rencontre un autre ex-Arthur Andersen? Ils se racontent des histoires d’Arthur Andersen. Mais pas que. «C’était une soirée de retrouvailles personnelles de gens qui ont passé une partie de leur vie professionnelle ensemble il y a plus de 20 ans», dit Raymond Schadeck, un des initiateurs de cette soirée. «Il s’agissait d’un moment de convivialité entre des gens qui ont travaillé dur, ensemble, pendant des années», commente l’un d’eux. «Ça m’a fait plaisir de partager ce moment avec eux», dit un troisième.
En réunir 150 à 200, un vendredi soir, à LuxExpo The Box, alors qu’ils étaient 550 au Luxembourg à la disparition de la société en 2002 témoigne de cette ferveur, régulièrement réaffirmée à plus petite échelle. Quasiment aucune photo n’a circulé de cet événement privé.
Vingt ans après le démantèlement du groupe après le scandale Enron — même si la Cour suprême américaine a blanchi l’entreprise trois ans plus tard — les «double A» pour Arthur Andersen ont souvent réussi ailleurs, dans le consulting, dans l’investissement, dans l’entrepreneuriat ou dans la chose publique. À l’image des Norbert Becker, Raymond Schadeck et Alex Sulkowski, les trois derniers administrateurs d’Arthur Andersen au Luxembourg.
Andersen Global étend sa toile
Régulièrement, la renaissance de cette «marque» a aussi été l’objet d’articles et de fantasmes, comme la tentative de Stéphane Laffont-Réveilhac et Véronique Martinez, en septembre 2014 de relancer le cabinet à Paris, entreprise finalement radiée en 2019. Car un ancien partner américain Mark Vorsatz veille au grain et avait initié un autre mouvement: dès 2003, 23 anciens associés «tax» d’Arthur Andersen ont créé le cabinet WTAS uniquement sur les sujets de fiscalité; en 2014, le groupe adopte la marque Andersen Tax en échange d’un abondement du fonds de pension des anciens associés; en 2020, Andersen Tax devient Andersen Global. «AG» emploie aujourd’hui plus de 2.000 professionnels dans le monde, via plus de 600 partenaires et compte une présence dans plus de 160 pays, selon son site internet.
«Notre marque commune, Andersen, reflète notre culture “d’entreprise unique” et englobe tout ce que nous faisons en tant qu’organisation mondiale», avait déclaré le président mondial d’Andersen, Mark Vorsatz, en 2020, lors du rebranding plus large que la seule référence à la fiscalité. «Cela signifie notre capacité à fournir le meilleur de service de classe et notre profond engagement à investir dans notre personnel. Chacune des entreprises membres et collaboratrices qui font partie de notre organisation encourage l’intendance et maintient la transparence. Notre expansion mondiale continue d’être motivée par les besoins des clients et la reconnaissance que nous pouvons mieux servir les clients avec des services indépendants et synergiques.»
Double emprise au Luxembourg
Au Luxembourg, outre une collaboration avec le cabinet d’avocats CM Law, le réseau a aussi une antenne officielle, Andersen, sous la conduite de Mathias Gutknecht (ex-PwC, EY et Deloitte). La structure appartient à 100% à Prime Alliance Consulting Group, dans laquelle on retrouve Robert Faber, Asbed Chahbazian, Philipp Christ, Michael Probst et Cornelius Bechtel. Seul Robert Faber aura été de l’aventure Arthur Andersen au Luxembourg, entre 2000 et 2002, avant de rejoindre EY puis de lancer Fideo Services en 2006.
L’entité luxembourgeoise, qui a rejoint le réseau Andersen en 2020 pour la partie tax, s’appelait B.A. Trust avec des activités dans le conseil fiscal, dans la création et la gestion de sociétés (Paddock Corporate Services) et dans l’expertise comptable (B.A. Fiduciaire).
Fin 2021, Andersen employait 17 personnes au Luxembourg et a terminé sur une perte de 22.000 euros, avec 1,64 million d’euros de factures non encore réglées.
Même sans «Arthur», jusqu’où la marque Andersen viendra-t-elle chatouiller les Big Four «luxembourgeois», leurs 8.440 employés et un chiffre d’affaires de plus de 1,5 milliard d’euros? C’est tout le mystère de la légende, mais les temps ont changé pour tout le monde.