Vue de l’exposition «Risk Landscape» d’Agnieszka Kurant, au Mudam Luxembourg. (Photo: Mareike Tocha © Mudam Luxembourg)

Vue de l’exposition «Risk Landscape» d’Agnieszka Kurant, au Mudam Luxembourg. (Photo: Mareike Tocha © Mudam Luxembourg)

Le Mudam vient d’inaugurer «Risk Landscape» d’Agnieszka Kurant, une exposition qui mêle technologie, biologie, intelligence artificielle, économie et esthétique. Presque un tour de force.

Agnieszka Kurant, actuellement présentée au Mudam, fait partie de ces artistes qui travaillent avec la technologie et l’intelligence artificielle tout en parvenant à introduire une forte dimension esthétique et des interrogations sur notre monde. Elle s’intéresse aux phénomènes contemporains liés à l’intelligence collective, non humaine ou à l’économie du numérique.

«L’exposition ‘Risk Landscape’ reflète les nouvelles tendances de l’art contemporain et que nous introduisons aussi dans notre collection et notre programme», annonce Bettina Steinbrügge, directrice du Mudam. «À l’automne, nous aurons une autre exposition qui présente le travail de femmes pionnières sur les questions d’art numérique.»

Les œuvres présentées dans l’exposition d’Agnieszka Kurant s’appuient, entre autres, sur les notions de risk management utilisées habituellement dans l’économie des fonds d’investissement. «De nombreux fonds d’investissement, institutions ou sociétés consultent des entreprises spécialisées dans les prédictions pour obtenir des données qui sont par la suite analysées et monétisées», explique Agnieszka Kurant. «Ce processus m’interpelle et je suis étonnée de voir combien d’industries capitalisent sur ce futur, ces éléments spéculatifs.»

Dès la passerelle vitrée qui mène au Pavillon Leir où sont présentées ses œuvres, Agnieszka Kurant interroge cette notion même de futur. «Je me suis aperçue que le futur est perçu spatialement de manière très différente en fonction des cultures. Nous, occidentaux, avons une notion du futur qui est placé devant nous. Mais d’autres peuples le placent au-dessus, en dessous ou même derrière eux.» Elle reproduit alors ce mot futur dans 14 langues non occidentales (vietnamien, malgache…) et invite le spectateur à appréhender le futur autrement.

Le vivant, le collectif, le réseau

Dans la salle principale du pavillon, un ensemble d’œuvres récentes et de nouvelles productions sont exposées. Elles s’articulent autour de l’impact de l’intelligence collective sur l’évolution du vivant, de la géologie ou encore de l’économie. «Chemical Garden» est un aquarium où sont enfermés des métaux utilisés dans la composition de nos ordinateurs ou téléphones portables comme le cobalt, le cuivre, le chrome… Ces métaux produisent des sels qui se cristallisent en formes imprévisibles, en constante évolution et dont l’aspect s’approche de manière troublante de traces de peinture. «Il s’agit également de métaux primitifs, qui étaient présents sur Terre bien avant l’apparition d’organismes vivants», complète l’artiste.

Les visiteurs peuvent aussi découvrir deux sculptures qui sont des empreintes négatives des habitats creusés dans la terre par les termites. Chaque habitat est unique et est le reflet d’une intelligence collective de la colonie d’insectes.

Notons encore «Alien Internet» qui est une installation composée de ferrofluide, une matière inventée par la Nasa, mais qui n’a jamais trouvé de finalité, et dont la forme changeante réagit à un champ magnétique. Ce champ magnétique varie selon des données dictées par le comportement d’animaux «pucés» et reliés à un réseau de surveillance sur internet.

Par ailleurs, les visiteurs seront certainement attirés par «Air Rights 7», une météorite en lévitation qui fait référence au phénomène économique à New York ou dans d’autre mégalopoles de vendre l’espace situé au-dessus d’une propriété. Cette œuvre n’est pas non plus sans évoquer le «space mining» que le Luxembourg connaît bien.

Au sous-sol, on découvre le fascinant triptyque «Risk Landscape» qui a donné son titre à l’exposition. Inspirés des stratégies de gestion des risques financiers, ces tableaux sont en fait des hologrammes qui simulent des scénarios futurs pour trois points géographiques: la bande de Gaza, le Mudam et Lviv en Ukraine.

D’autres œuvres plus ludiques sont également présentées: «Lottocracy» est une machine de loto, mais dont les boules révèlent au hasard du tirage au sort une série de risques et de statistiques. Le titre de l’œuvre fait quant à lui référence à un concept radical d’économie politique qui voudrait remplacer les élections parlementaires par un tirage au sort.

Terminons enfin avec «Futur Anterior», une série de pages du New York Times imprimées avec de l’encre thermosensible et dont les articles sont rédigés sur base de prédictions données par un voyant en 2020. Rétrospectivement, certaines sont restées à l’état de fiction, mais d’autres étaient bien prémonitoires…

«Risk Landscape», jusqu’au 5 janvier 2025 au Mudam.