Ouf de soulagement chez les patrons français, ils accueillent comme un moindre mal l’avis rendu ce mercredi 13 mars par le Conseil d’État. Saisie par le Premier ministre Gabriel Attal à la suite d’une décision de la Cour de cassation, la plus haute juridiction administrative du pays préconise de restreindre à trois ans la rétroactivité des indemnités dues aux salariés privés de l’acquisition de jours de congés payés durant un arrêt maladie.
De l’autre côté de la frontière, cinq semaines de congés payés sont prévues, grâce au cumul de l’équivalent des 2,5 jours ouvrables de travail effectif acquis chaque mois. Problème: jusqu’ici, ce compteur s’arrêtait de tourner en cas d’arrêt maladie (du moins si cette maladie n’était pas professionnelle). Les salariés malades perdaient donc des jours de vacances pour plus tard durant leur absence.
Problème réglé au Grand-Duché
Dans son avis, le Conseil d’État met fin à cette règle, contraire à une directive européenne, dans la contrainte toutefois de quatre semaines de congés payés par an. Les employeurs n’en sont pas ravis, mais ils craignaient d’avoir à débourser des sommes folles aux salariés jusqu’ici privés de leurs congés. En optant pour une rétroactivité de trois ans «seulement», la casse est en partie limitée.
«En vertu de l’article L. 233–11 alinéa 2 du Code du travail, les absences notamment pour cause de maladie ou d’accident ne peuvent être imputées sur la durée du congé à laquelle le salarié a droit. Donc le problème ne se pose en principe pas au Luxembourg», explique l’avocat à la cour spécialisé dans le droit du travail, . «De même, si pendant le congé de récréation le salarié tombe malade de façon à ne plus pouvoir jouir de ce congé, les journées de maladie reconnues comme telles par certificat médical ne sont pas considérées comme jours de congé», poursuit-il.
Pas de perte de droit aux congés
En France, le Conseil d’État s’est également prononcé sur la possibilité de report des congés emmagasinés durant un arrêt maladie, décidant qu’elle devait être d’au moins 15 mois. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), elle, demande que cette durée soit «substantiellement» supérieure à la période de référence pour l’acquisition du droit aux congés. Soit un an.
Cette problématique du report en appelle une autre, celle des congés non pris en raison d’une maladie. Un sujet qui «n’est prévu par aucun texte luxembourgeois», indique Me Guy Castegnaro. «Le Code du travail luxembourgeois prévoit seulement que les salariés ont droit à un congé de récréation de 26 jours, que ce congé doit en principe être pris pendant l’année de référence qui est l’année de calendrier, et qu’un report est possible jusqu’au 31 mars de l’année suivante, en cas d’impossibilité pour le salarié de prendre ses congés pendant l’année de calendrier en raison des besoins de l’employeur», développe le fondateur du cabinet qui porte son nom.
«Néanmoins, les tribunaux luxembourgeois appliquent depuis 2009 la jurisprudence de la CJUE suivant laquelle le travailleur qui n’a pas été en mesure de prendre ses congés, pour des raisons indépendantes de sa volonté, ne perd pas son droit au congé annuel payé à l’expiration de la période de référence et/ou de la période de report», précise encore l’avocat.
15 mois pour «protéger» chacun
«Par dérogation à ce principe, et selon une jurisprudence ultérieure plus nuancée de la CJUE, si le travailleur n’a pas pu prendre ses congés payés en raison de sa maladie pendant plusieurs années consécutives, le cumul des congés ne peut pas être illimité au regard des difficultés d’organisation du travail que cela impliquerait pour l’employeur. Dans ce cas, une période de report limitée à 15 mois a été jugée par la CJUE comme raisonnable, car protectrice aussi bien des droits du travailleur que des intérêts de l’employeur», précise Me Guy Castegnaro.
Ceci posé, «une telle situation ne peut pas se produire en pratique au Luxembourg, étant donné qu’une longue absence pour maladie entraîne généralement soit la résiliation automatique du contrat de travail, soit le droit à l’obtention d’une pension d’invalidité», conclut-il.
L’amendement du gouvernement français dans le cadre d’un projet de loi comportant plusieurs dispositions d’adaptation au droit européen sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du lundi 18 mars.