Sia Partners a lancé son étude sur la maturité digitale des applications bancaires dans le monde il y a maintenant sept ans. Dans cette sixième édition, les applications mobiles de 150 banques réparties dans 19 pays sont passées au crible. «De l’intérieur» précise Anthony Wolf, Head of Financial Services. «C’est ce qui fait la spécificité de notre travail. Nous prenons les banques pour lesquelles nous avons un accès client.» Ce sont les consultants de SIA, sur une base de volontariat, qui répondent à un questionnaire sur la banque dont ils sont clients.
La méthode
Chaque année, ledit questionnaire est revu et adapté aux évolutions technologiques et de marché pour coller à la réalité du terrain. «Certains aspects comme la possibilité de virement devenu un basique passent au second plan et voient leur poids s’alléger dans la notation tandis que de nouveaux critères sont ajoutés. Cette année, la présence de fonctionnalités de Personal finance management (PFM) ainsi que de fonctionnalités liées à l’ESG comme la mesure de l’empreinte carbone des investissements.»
Pour ce qui est de la notation, 50% de la note est liée aux fonctionnalités présentes – ou non – et à leur implémentation. Ces fonctionnalités couvrent tout le spectre de l’activité bancaire: paiements, investissements, gestion financière, crédit, assurance et support client et au-delà. Le Beyond Banking – une offre de services non bancaires comme, par exemple la possibilité de gérer sa mobilité, le cashback, un programme fidélité ou encore la fourniture d’une assistance fiscale – se développe et devient un élément de différenciation. 30% de la note provient de l’expérience utilisateur. Ici entrent en ligne de compte le design de l’app, la réactivité des pages, l’ergonomie et la lisibilité par exemple. Les 20 derniers pour-cent proviennent de la note des apps sur leurs stores respectifs. «Une façon pour nous de pouvoir tenir compte des retours des clients. On constate d’ailleurs une corrélation entre la satisfaction des clients qui est exprimée sur les stores et les résultats de notre étude.»
Le palmarès
Cette année, c’est la banque Intesa Sanpaolo qui arrive en tête avec une note de 81%. En 2022, la banque italienne pointait à la deuxième place du classement avec la note de 82,2%. Sur la deuxième marche du podium, on trouve Bank of America (81%) suivie par KBC (79%), Belfius (77%) et Revolut Metal (76%).
Passé le côté factuel, que retenir? D’abord que l’avantage des noébanques par rapport aux banques traditionnelles faiblit. Revolut Metal qui occupait la première place du classement 2022 a perdu quatre places sur un an. C’est désormais moins le fait d’être une banque née avec l’ère digitale qui compte que «le fait de se projeter dans le futur et d’anticiper la concurrence à venir et notamment celle des Gafam qui ambitionnent de se faire une place dans le monde bancaire. Ce qu’ils ne manqueront pas de faire à un moment ou à un autre.» Et de poursuivre: «Lorsque les noébanques sont arrivées sur le marché, elles avaient une offre très innovante qui a secoué les banques européennes qui ont su s’adapter et s’inspirer de ces nouveaux acteurs».
L’autre point clé que souligne Anthony Wolf est que les banques européennes qui tenaient le haut du pavé depuis le début de l’étude il y a sept ans voient leur avance sur le reste du monde fondre. C’est la première fois qu’Anthony Wolf voit des banques extraeuropéennes dans le top 10. «Il y a un effet de rattrapage et cela ne m’étonnerait pas que d’ici trois quatre ans, on voit arriver sur le podium des banques d’Asie et du Moyen-Orient.»
La Spuerkeess en locomotive
Et au Luxembourg?
Cette année encore, la BCEE arrive en tête avec un score de 68%, suivi par la Bil (56%), BGL BNP Paribas (50%), ING Luxembourg (43%) et Post qui figure pour la première fois dans l’étude (39%).
Le classement SIA fait apparaître quatre catégories de banques. Les «digital leaders», catégorie qui inclut les 10% de banques les plus performantes, puis les «digital challengers», les «digital followers» et les «digital laggards», trois catégories regroupant chacune 30% de l’échantillon. En 2022, la BCEE était proche d’intégrer la catégorie des meneurs. En 2023, si elle reste «digital challenger», elle perd du terrain. 18e l’an dernier, elle est désormais 27e. La Bil est en 84e position, dans la catégorie des «digital followers». BGL BNP Paribas Luxembourg (105e position), ING Luxembourg (136e position) et Post (142e position) sont dans la dernière catégorie, celle des «retardataires».
«La BCEE est surtout récompensée pour les fonctionnalités qu’elle propose, mais en termes d’expérience utilisateur, elle est en deçà de la moyenne luxembourgeoise», détaille Anthony Wolf. Pour qui la Spuerkeess est particulièrement performante dans la partie investissement, et ce dans les trois grandes classes d’actifs traditionnelles que sont les actions, les obligations et les fonds.
«La Bil a un niveau de satisfaction de ses clients élevé malgré le fait qu’elle offre des fonctionnalités assez limitées. Les bases sont bonnes, les services indispensables sont offerts, mais elle pourrait évoluer vers quelque chose d’un peu plus performant. On sait que la Bil a été un peu empêtrée dans de gros projets de transformation depuis quelques années. On voit que depuis l’année dernière, ces projets sont derrière eux et ils peuvent investir un peu plus dans l’évolution de leurs services digitaux. Et cela se ressent.», poursuit-il. «La Bil malgré cela a progressé. BGL est grosso modo restée au même niveau tout comme ING Luxembourg.»
Il convient de noter pour cette dernière que les applications de ses deux banques «sœurs» sont beaucoup mieux loties et terme de fonctionnalités et d’expérience utilisateur si on en croit le classement général. ING Belgium apparait à la 59e (60%) place tandis qu’ING Nederlands pointe au 86e rang (56%). Un retard qui se constatait déjà l’an dernier. La situation est quelque peu identique pour BGL BNP Paribas. L’application française est 33e du classement (67%) tandis que l’app BNP Paribas Fortis est 60e (60%).
Globalement, les acteurs luxembourgeois sont faibles sur l’offre Beyond Banking ainsi que sur les solutions d’assurance. «Aucun acteur aujourd’hui au Luxembourg ne propose une solution d’assurance sur leur app», insiste Anthony Wolf.