Au Luxembourg, le multilinguisme est la norme. (Photo: LaLa La Photo, Keven Erickson, Krystyna Dul)

Au Luxembourg, le multilinguisme est la norme. (Photo: LaLa La Photo, Keven Erickson, Krystyna Dul)

Est-il étrange que vos enfants aillent dans une école dont vous ne parlez pas la langue, en l’occurrence les langues? Une mère de trois enfants nous fait part de son raisonnement et de ses expériences.

«On s’est dit: ‘D’accord, on va essayer’», dit Alyse en riant, en rappelant pourquoi elle et son mari Théo – qui préfèrent ne pas divulguer leurs vrais noms – ont décidé de mettre leurs trois enfants dans les écoles publiques du Luxembourg (filière linguistique locale), même si personne dans la famille ne parlait le luxembourgeois, l’allemand ou le français. «L’inverse – passer d’une école anglaise au système local – aurait été plus difficile», explique-t-elle.

D’un point de vue linguistique, le système public est sans doute le mieux adapté aux élèves dont les parents sont luxembourgeois. L’enseignement en première année se fait en luxembourgeois, puis en allemand, un proche cousin linguistique du luxembourgeois; les élèves commencent à apprendre le français en deuxième année du cycle 2, vers l’âge de sept ans. Dans la plupart des cas, seuls les parents luxembourgeois parlent couramment ces trois langues.

Cependant, les jeunes enfants sont des éponges lorsqu’il s’agit d’assimiler des langues. Les enfants d’Alyse, qui ont entre sept et treize ans, peuvent maintenant en parler cinq, grâce à leur éducation publique et à leurs deux parents. Alyse précise toutefois qu’ils ne maîtrisent aucune de ces cinq langues.

Mais elle ne regrette pas non plus sa décision, car, selon elle, le système public offre la meilleure voie vers l’intégration culturelle. «Mes enfants sont nés et ont grandi ici. L’aîné a la nationalité luxembourgeoise. S’il passait maintenant dans une école internationale – pour l’enseignement secondaire –, il risquerait de perdre son intégrité luxembourgeoise.»

Classique ou général

Dans les écoles publiques luxembourgeoises, les enfants passent un examen à l’âge de 11 ou 12 ans qui, en fonction de leurs performances en classe et de l’avis de leur professeur, détermine la filière dans laquelle ils seront orientés: la filière classique ou la filière générale.

Pour Alyse, cet examen intervient bien trop tôt dans le développement de l’enfant. «C’est vraiment choquant», commente-t-elle, expliquant que, dans son pays d’origine, les élèves ne sont pas répartis dans des filières similaires avant l’âge de 16 ou 17 ans. Même à l’université, ajoute-t-elle, il est possible de changer complètement de filière par la suite. «Dans ce système, on ne se limite pas. Les portes restent ouvertes.»

Étant donné que son aîné avait quelques difficultés avec les langues, son professeur lui a suggéré le général. Alyse et son mari, qui pensaient qu’il pourrait se débrouiller en classique, sont allés à l’école pour s’y opposer. La décision n’étant pas encore arrêtée, ils ont pu la modifier.

Lorsqu’on lui demande ce qu’elle aurait fait différemment, Alyse mentionne le fait d’avoir obtenu plus tôt des cours de langue pour ses enfants. Par exemple, elle avait sous-estimé l’importance de cet examen pour l’avenir de son fils.

Normes locales

Parler cinq langues à un jeune âge peut être considéré comme une force ou une faiblesse, mais ce n’est pas du tout inhabituel ici: une enquête menée par le Service national de la jeunesse a révélé, en 2023, que seul un tiers (34%) des enfants de quatre ans ou moins au Luxembourg vivait dans un environnement familial monolingue. Parmi les enfants capables de parler au moment de l’enquête, 60% utilisaient deux langues ou plus avec leurs parents: le français (59%) et le luxembourgeois (57%) arrivent en tête de liste, suivis de l’anglais (25%).

Ces chiffres donnent l’impression que le pays est une salade chaotique de langues, mais en même temps, le luxembourgeois domine: 49% de la population le considère comme sa langue principale, contre 15% pour le portugais et 15% pour le français, selon un rapport de 2022 de l’office national des statistiques Statec. L’anglais se situe à un peu moins de 4%.

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