Pour Yan Bartosik, qui tente de faire survivre ses restaurants à Bonnevoie, la clé d’une amélioration pour le secteur horeca est un dialogue plus structuré entre le gouvernement et les professionnels du terrain. Ainsi que l’émergence d’une tête de file emblématique du métier. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Pour Yan Bartosik, qui tente de faire survivre ses restaurants à Bonnevoie, la clé d’une amélioration pour le secteur horeca est un dialogue plus structuré entre le gouvernement et les professionnels du terrain. Ainsi que l’émergence d’une tête de file emblématique du métier. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Le patron des restaurants Cyrano et Bergerac s’est retrouvé presque par hasard en tête de file de la première manifestation horeca. Il appelle aujourd’hui au lien entre pouvoirs publics et terrain, et à plus de structure, dans l’espoir de voir enfin la lumière au bout du tunnel…

Quel est votre parcours, Yan?

Yan Bartosik. – «Je suis originaire de Thionville, et après une première expérience dans le secteur de la boucherie, je suis venu travailler au Luxembourg il y a 22 ans, dans plusieurs établissements, au fil du temps. Il y a sept ans, j’ai repris le restaurant Cyrano à Bonnevoie, et il y a deux ans, son voisin d’en face, avec lequel j’ai créé la Brasserie de Bergerac. Dans les deux établissements, j’aime servir – quand cela était possible, en tout cas – une cuisine franche et gourmande, avec beaucoup de suggestions saisonnières à l’ardoise et une approche ‘retour de marché’, car j’aime faire mon propre marché! Au Cyrano, on va plutôt trouver une cuisine traditionnelle française et italienne, avec de belles viandes et de bons poissons frais. Au Bergerac, l’approche est plus ‘brasserie’, teintée de parfums du sud-ouest… 

On vous a vu en première ligne de la première manifestation du secteur horeca, il y a 10 jours. Qu’est-ce qui vous a motivé à rejoindre ce mouvement?

«C’était une décision absolument personnelle. En tant que restaurateur, je pense qu’il est important de montrer qu’on est toujours là et qu’on est toujours vivant, même à peine… J’y suis allé pour moi, mais aussi pour mes employés. Je suis vraiment triste parce que j’arrive au bout de ma trésorerie au bout de ces 10 mois de yo-yo, et je n’ai pu payer mes employés qui sont au chômage partiel que très tard. Et pour le mois prochain, je ne sais pas comment je vais faire… C’est un gros stress de devoir avancer les salaires et d’attendre les remboursements. Je pense que, si l’État les prenait en charge directement, cela pourrait déjà beaucoup aider la profession. Parce que nous avons aussi des plaintes via les syndicats, ce qui est tout à fait normal, mais qui empirent la détresse du moment. Personnellement, la pire des choses dans cette pandémie a été de devoir appeler des collaborateurs fidèles et de devoir leur dire que je n’avais pas les fonds pour les payer. On ressent beaucoup d’injustice et d’impuissance à ce moment-là, c’est un moment horrible…

Quelle serait, selon vous, la première étape idéale pour commencer à voir la lumière au bout du tunnel?

«J’ai la conviction qu’une des clés est le rapprochement entre le gouvernement et les gens de terrain, et que cette volonté de travailler ensemble vient des deux parties, du restaurateur le plus discret aux chefs les plus médiatiques, qui sont aussi des visages charismatiques du secteur et qui ont clairement un rôle fédérateur à jouer. Les restaurants font partie de la solution, et non du problème: nous sommes sans conteste un des métiers les plus habitués, depuis longtemps, à gérer des contraintes sanitaires de sécurité et de traçabilité avec nos produits. Avec une démarche bien structurée, nous pouvons rouvrir très vite! Nous avions de plus investi dans des parois en plexiglas, et nous sommes tout à fait capables non seulement de sensibiliser nos clients aux gestes barrières, mais aussi de les tracer grâce à un formulaire. Je sais que je peux accueillir en toute sécurité 20 personnes par jour. Avec cela et les livraisons, cela pourrait déjà me permettre de réaliser une partie de mon chiffre d’affaires!

Je ne souhaite pas qu’on ouvre et qu’on soit une source de contamination, mais on sait s’adapter et on a besoin de voir les conséquences concrètes de nos fermetures pour lever au moins un peu cette incertitude, cette inertie insupportable et cette incompréhension générale qui règnent aujourd’hui… 

Quel est votre ressenti quant à la mobilisation physique du secteur, après deux manifestations ces deux derniers samedis?

«Tout d’abord, c’est touchant de voir la solidarité du secteur. De voir des patrons aux côtés de leurs employés dans les rangs de la manifestation. Mais il y a encore besoin de plus de structure et de clarté pour que le message soit entendu au mieux. Et il manque aussi une vraie tête de file, un chef emblématique qui monte au créneau pour qu’il soit diffusé le plus largement possible! 

Sur une note relativement plus positive, à quoi pensez-vous quand vous imaginez la réouverture de vos restaurants?

«Je pense à de belles tables joyeuses, avec des gens qui retrouvent le sourire et qui nous regardent avec sympathie, et non plus avec pitié, comme en ce moment. C’est comme ça qu’on aime voir nos clients!»

Cyrano: 22, rue du Laboratoire, Luxembourg (Bonnevoie), T. 27 48 90 87

Brasserie de Bergerac: 1, rue des Trévires, Luxembourg (Bonnevoie), T. 27 48 97 07

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