Antoine Kremer, 50 ans, dirige le bureau conjoint de l’ABBL, l’Alfi et l’Aca à Bruxelles. Avec quatre personnes, l’effectif est modeste en comparaison notamment de la représentation allemande (huit personnes rien que pour l’assurance). (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Antoine Kremer, 50 ans, dirige le bureau conjoint de l’ABBL, l’Alfi et l’Aca à Bruxelles. Avec quatre personnes, l’effectif est modeste en comparaison notamment de la représentation allemande (huit personnes rien que pour l’assurance). (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Depuis 18 ans, Antoine Kremer représente les intérêts des banques et des fonds d’investissement luxembourgeois auprès des institutions européennes. Une mission plus difficile qu’autrefois, à la suite notamment du Qatargate.

En quoi votre travail est-il plus difficile aujourd’hui qu’à vos débuts, en 2006?

Antoine Kremer. – «La réglementation financière s’est considérablement développée: en 20 ans, on est passé d’une poignée de directives et de règlements à une soixantaine de textes. À mes débuts, surtout, il y avait très peu de représentants d’intérêts du secteur financier à Bruxelles: il était donc plus facile d’attirer l’attention de la Commission, des États membres et des eurodéputés. Aujourd’hui, pour être écouté, il faut constamment innover.

L’étiquette de profiteur, voire de tricheur, colle-t-elle toujours au Luxembourg?

«J’entends de moins en moins ce genre de préjugés. Le Luxembourg a quand même fait beaucoup de chemin, comme l’a reconnu l’an dernier le Groupe d’action financière (Gafi) en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Ce satisfecit nous est très utile.

Vous représentez un secteur qui a connu des crises. Terrain glissant?

«Reconstruire la confiance prend du temps. Notre défi est d’expliquer l’utilité de la Place luxembourgeoise pour l’Europe. Notre message: sans nous, l’économie européenne se financerait moins bien.

Quid des préjugés sur l’activité de lobbyiste?

«Les préjugés sont tenaces: on m’a déjà demandé si je me baladais avec des mallettes de billets! Notre quotidien, c’est d’argumenter, de chercher le dialogue et d’expliquer 100.000 fois la même chose. Et nous avons des règles: nous déclarons ouvertement nos activités et nos ressources dans le registre de transparence européen. Quand cette base de données a vu le jour, en 2008, nous avons été parmi les premiers à nous enregistrer.

Le scandale du Qatargate, cette tentative de corruption d’élus européens, a-t-il compliqué votre travail?

«Quand les perquisitions ont eu lieu, en décembre 2022, j’ai immédiatement envoyé un courriel à ma hiérarchie: ‘On n’a rien fait, mais ça va nous retomber dessus.’ Et c’est ce qui s’est produit, avec un net renforce­ment de la transparence au Parlement européen.

Est-ce un problème?

«En soi, absolument pas. Mon inquiétude est que si le fardeau administratif de la transparence devient trop lourd, les décideurs pourraient être dissuadés d’engager le dialogue avec des acteurs plus petits, comme nous. Nous sommes une grande place financière, mais nous sommes toujours perçus comme la place financière d’un petit pays…

Vous représentez les intérêts à la fois des banques, des fonds et – depuis deux ans – des assureurs. Y a-t-il des champs de tension, comme le secret bancaire à l’époque?

«Jusqu’à présent, je n’ai pas rencontré de problème de casquette. Y compris lors de la discussion sur le secret bancaire, qui intéressait une partie des banques, mais n’a pas mobilisé les fonds.

Est-ce à dire que les intérêts des banques, des fonds et des assureurs concordent?

«Nous avons un intérêt structurel commun: nous avons besoin du marché intérieur. Et nous représentons un petit pays dans une grande UE. Cela nous unit également.»

Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de Paperjam paru le 24 avril 2024. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.  

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