Selon Carine Feipel, les entreprises doivent être évaluées sur leurs progrès dans la mise en œuvre des règles de reporting ESG, mais leurs conseils d’administration doivent également s’efforcer de comprendre toutes les facettes de la durabilité.  (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Selon Carine Feipel, les entreprises doivent être évaluées sur leurs progrès dans la mise en œuvre des règles de reporting ESG, mais leurs conseils d’administration doivent également s’efforcer de comprendre toutes les facettes de la durabilité.  (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Le 28 novembre, le Conseil européen devrait adopter la directive sur les rapports de durabilité des entreprises. Bien que l’impact initial n’affecte pas le Luxembourg, les PME ont tout à gagner à en être des adeptes de la première heure selon l’Institut luxembourgeois des administrateurs. 

Dans l’ensemble de l’Union européenne (UE), de nouvelles règles de reporting établies par la future directive «Corporate Sustainability Reporting Directive» (CSRD), censées combler les lacunes en matière de divulgation d’informations non financières, devraient concerner environ 50.000 entreprises.

Le texte impose aux grandes entreprises européennes de rendre compte des aspects non financiers de leurs stratégies de développement durable ainsi que de leur mise en œuvre. Toutes les entreprises cotées sur un marché règlementé de l’UE doivent ainsi présenter des rapports réguliers si elles remplissent deux des trois critères définis par la proposition: un bilan de plus de 20 millions d’euros, des ventes nettes supérieures à 40 millions d’euros et plus de 250 employés.

L’impact initial de la directive ne se fera guère sentir au Luxembourg, déclare , présidente de l’Institut luxembourgeois des administrateurs (ILA), mais il pourrait devenir un défi si les entreprises ne commencent pas déjà à mettre en place des stratégies de durabilité et de reporting.

Les informations imprécises coûtent du temps

L’un des obstacles que les entreprises rencontreront dans la mise en œuvre de la directive est que les concepts auxquels elle fait appel ne sont pas encore clairement définis. «Nous parlons d’investissements durables, mais il n’y a toujours pas de définition claire de ce que c’est», illustre Carine Feipel. , CEO ad interim et membre du comité de direction de l’ILA, ajoute: «Tout d’abord, vous devez définir ce sur quoi vous allez faire des rapports – ce qui n’est pas très clair. Mais pour rendre compte, il faut aussi mesurer. Comment mesurer? Et quelles sont les mesures communes?»

La directive s’appliquera à partir du 1er janvier 2024 pour les grandes entreprises d’intérêt public, les premiers rapports étant attendus en 2025. Mais, selon Karen Wauters, il faudra du temps pour que les entreprises mettent en place des stratégies et des infrastructures, surtout lorsque les informations non financières sont difficiles à obtenir.

On ne peut pas non plus s’attendre à ce que les entreprises soient parfaites en matière de durabilité dès le départ, et elles doivent donc être reconnues pour leurs efforts et considérées dans leur contexte, déclare l’ILA à propos de la directive.

Les PME doivent s’engager

Les entreprises qui ont du temps devraient l’utiliser pour aller prendre de l’avance, car la directive CSRD aura probablement un effet en aval. Selon Carine Feipel, la directive étendra progressivement son champ d’application. Mais même si l’UE veut épargner les PME, «en tant que petite entreprise, vous allez devoir appliquer certaines de ces normes pour pouvoir être choisie comme faisant partie de la chaîne d’approvisionnement des grandes entreprises qui en font état», ajoute Karen Wauters.

En tant que petite entreprise, vous allez devoir appliquer certaines de ces normes pour pouvoir être choisie comme membre de la chaîne d’approvisionnement des grandes entreprises qui en font état.
Karen Wauters

Karen WautersCEO ad interim et membre du comité de directionInstitut luxembourgeois des administrateurs

Selon l’ILA, il est donc essentiel que les PME commencent non seulement à élaborer des stratégies, mais aussi à mettre en place des mesures d’incitation et de soutien afin de commencer à mettre en œuvre des pratiques de reporting ESG. Ces mesures pourraient prendre la forme d’incitations fiscales ou d’un centre de soutien, suggère Karen Wauters.

Les conseils d’administration doivent s’éduquer

Quelles devraient être les premières étapes pour les entreprises dans leur ensemble? «C’est l’état d’esprit qui doit d’abord changer», affirme Mme Feipel. Les conseils d’administration doivent prendre du recul, évaluer et comprendre où ils en sont en termes de durabilité.

Pour être en mesure de comprendre la durabilité et toutes ses facettes, ils doivent également élargir leurs connaissances en la matière. «Les administrateurs ne sont pas nés avec les connaissances qu’ils doivent aujourd’hui avoir pour redéfinir la stratégie de leur entreprise dans une optique de durabilité», explique Carine Feipel. «La formation est primordiale et on ne peut pas imaginer que c’est quelque chose que quelqu’un peut simplement lire et penser que c’est suffisant.»

Les administrateurs ne naissent pas avec ces connaissances qu’ils doivent aujourd’hui avoir pour redéfinir la stratégie de leur entreprise de manière durable. […] La formation est primordiale.
Carine Feipel

Carine FeipelprésidenteInstitut luxembourgeois des administrateurs

Les membres du conseil d’administration devraient donc participer à des ateliers et à des sessions de formation, afin de pouvoir décider d’une stratégie de conformité ESG sans tomber dans des pièges – comme le greenwashing par exemple. Ce n’est qu’ensuite que les entreprises pourront définir ce que doivent être leurs indicateurs clés de performance non financiers.

Quelle que soit la taille de leur entreprise, les conseils d’administration «doivent prendre conscience qu’il s’agit d’un sujet qui n’est pas seulement une tendance qui va disparaître. Il restera avec nous. C’est important et c’est pertinent. Les gens doivent être à la hauteur et suivre l’évolution de la situation», conclut Carine Feipel.

Cet article a été rédigé par  en anglais, traduit et édité par Paperjam en français.