Quelle est la place de l’acier dans un monde décarboné ? Comment évoluent vos procédés technologiques et votre production face aux enjeux de durabilité actuels et à venir ?
Henri Reding : L’acier est omniprésent dans notre vie quotidienne, dans nos téléphones, nos appareils électroménagers, et plus largement dans les transports, les travaux publics, la construction, etc. Surtout, il s’agit d’un matériau 100 % recyclable, qui peut être réutilisé à l’infini. Aujourd’hui, grâce au développement continu de nos procédés, les aciers produits sont plus légers, plus résistants, ce qui permet d’optimiser leur utilisation dans de nombreux domaines. Par ailleurs, nos systèmes de production, à partir de fours électriques, permettent déjà de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans un rapport de 1 à 6 comparé à des hauts fourneaux classiques. Ce rapport passera de 1 à 8 lorsque nous pourrons les alimenter avec une électricité 100 % verte. Nous investissons en permanence dans une production sidérurgique performante et durable avec l’ambition de réduire nos émissions de CO2 de 35 % en Europe d’ici 2030, et d’être neutre en carbone d’ici 2050. Cette transformation profonde de la sidérurgie est en cours. L’utilisation de l’hydrogène vert est aujourd’hui la piste privilégiée pour accélérer la réduction de ces émissions, mais d’autres innovations peuvent encore faire leur apparition. Nous aurons besoin d’ingénieurs et de techniciens pour nous accompagner dans cette nouvelle révolution industrielle au cours de ces 25 prochaines années…
Quelle place occupe le Luxembourg dans la stratégie d’Arcelor Mittal aujourd’hui ?
En matière de production, le Luxembourg compte toujours 3 grandes usines productrices à Belval, Differdange et Rodange, que nous réunissons aujourd’hui sous l’appellation de « produits longs Luxembourg ». Sur ces 3 localités, on retrouve deux aciéries électriques avec coulée continue et 4 laminoirs, qui ont une capacité de production totale de l’ordre de 2,2 à 2,3 millions de tonnes par an. Pour vous donner un ordre de grandeur, à la grande époque de la sidérurgie luxembourgeoise, c’était près de 30.000 personnes qui produisaient environ 6 millions de tonnes par an. 3 de ces 4 laminoirs sont leaders mondiaux dans leur spécialité. Nous avons aussi une tréfilerie à Bissen et un atelier central à Dommeldange. Le « Headquarter » et le département R&D pour la partie « produits longs Europe » sont à Esch-sur-Alzette. Enfin, le siège mondial de l’entreprise est toujours basé à Luxembourg-ville.
Quels sont vos projets au Luxembourg pour 2024 ?
Ils sont conséquents. Nous allons améliorer notre aciérie à Belval, avec notamment un nouveau four électrique arrive à Belval, pour un investissement total de l’ordre de 100 millions d’euros. L’État apporte 15 millions d’euros dans le cadre des aides en matière de réduction de la consommation énergétique. Cet investissement va nous permettre d’augmenter notre production de 15% pour atteindre 2,5 tonnes par an au Luxembourg. Nous pourrons ainsi alimenter le laminoir de Rodange avec une matière première produite localement, ce qui n’était pas le cas auparavant. La volonté est de devenir autosuffisant au Grand-Duché, avec un acier produit et laminé au Luxembourg, avec de la ferraille de récupération locale. Un 2e investissement remarquable de 16 millions d’euros concerne l’usine de Differdange où nous allons installer une immense hotte au-dessus du laminoir et de notre four poche, en plus de nos systèmes déjà existants, afin d’aspirer les poussières qui s’en dégagent. Cela va permettre de réduire de 80 % les émissions diffuses de nos installations. Ce projet n’a d’autre but que de réduire nos impacts vis-à-vis de nos riverains et non d’améliorer notre productivité ou nos résultats. Il est le témoin de notre engagement pour le bien-être des habitants. ArcelorMittal va bien au-delà des standards européens dans ce domaine et va continuer à s’investir dans les années à venir en faveur d’une production responsable, dans le respect de toutes les parties prenantes. Enfin, toujours en 2024 la construction du nouveau siège mondial du groupe va se poursuivre au Kirchberg. La volonté est d’en faire une vitrine de ce que nos aciers permettent de réaliser en matière de durabilité, dans un esprit « cradle-to-cradle ». Nous espérons pouvoir y emménager début 2026.
Notre ambition est de réduire nos émissions CO2 de 35% en Europe d’ici 2030 et d’être neutre en carbone en 2050 au niveau mondial.
Alors que votre secteur s’attend à une nouvelle « révolution industrielle », quelle place occupe le Luxembourg dans le domaine de la recherche ?
Outre l’activité de recherche et développement menée à Esch, nous venons de renouveler notre partenariat avec le Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST), avec lequel nous travaillons sur deux axes : la réduction de notre consommation énergétique et la décarbonation de nos activités. Différents projets sont en cours. L’un des challenges est de récupérer l’énergie qui se dégage de nos usines au quotidien, de réduire le gaspillage, et de travailler ensuite sur le développement de la production zéro émission. Ce sont des défis de taille et il est évident que la sidérurgie est à la recherche de nouveaux talents qui souhaitent s’investir dans une industrie qui se réinvente. ArcelorMittal, entreprise mondiale dont le centre de décision est au Luxembourg, peut offrir de très belles opportunités, avec la possibilité de voyager et de découvrir de nouveaux métiers tout au long de sa carrière.