La banque néerlandaise Amsterdam Trade Bank NV (ATB) a déposé le bilan le 22 avril. «Les sanctions britanniques et américaines ont entraîné des difficultés opérationnelles», a déclaré l’établissement sur son site web. Bien que non sanctionnée par l’Union européenne, l’ATB s’est retrouvée parmi les six filiales de la banque russe Alfa Bank à faire l’objet de sanctions de la part du département du Trésor américain.
Le jour de la mise en faillite de l’ATB, la banque centrale des Pays-Bas, De Nederlandsche Bank (DNB), a envoyé une lettre à la ministre néerlandaise des Finances, Sigrid Kaag, confirmant que les trains de sanctions occidentaux ont provoqué la faillite de l’ATB. «Les conséquences de ces sanctions ont affecté l’ATB de manière directe et indirecte, causant une grave perturbation de ses opérations commerciales. En conséquence, l’ATB a décidé de mettre fin à ses activités bancaires.»
La missive de la DNB indique que «plusieurs prestataires liés au Royaume-Uni ou aux États-Unis ont mis fin à leurs services ou ont menacé de le faire». De même, plusieurs employés de la banque ont démissionné. L’ATB a dès lors vécu une interruption de ses opérations commerciales.
En raison des sanctions, des fournisseurs de licences de logiciels, notamment américains, ont par exemple annoncé la résiliation des accords avec l’ATB à partir du 6 mai. Ces licences sont pourtant essentielles au fonctionnement des activités bancaires de l’organisation. «L’ATB n’aura plus accès aux systèmes, au personnel, aux informations et aux services qui lui sont indispensables pour remplir ses obligations envers ses déposants et autres contreparties», note la DNB.
Deux holdings au Luxembourg
L’institution bancaire compte plus de 23.000 titulaires de comptes privés, dont la majorité réside aux Pays-Bas et 6.000 en Allemagne. Les dépôts s’élevant à 700 millions d’euros, la DNB indique que le montant pour compenser les titulaires peut être entièrement financé par le fonds de garantie des dépôts néerlandais jusqu’à hauteur de 100.000 euros.
Selon le rapport annuel de 2020 publié par l’ATB, Alfa Bank détenait 76,4% du capital de l’ATB. Pour rappel, Alfa Bank constitue banque systémique russe avec 5,4 trillions de roubles sous gestion. Le reste du capital de l’ATB étant ventilé à 12,3% dans une entité appelée ATB Holdings SA et à 5,6% dans une seconde, ABH Holdings SA. Toutes deux sont enregistrées au Luxembourg.
Une recherche au Registre des bénéficiaires effectifs (RBE) révèle qu’aussi bien dans ATB Holdings SA que dans ABH Holdings SA se trouve Mikhail Fridman, mentionné dans la liste des sanctions européennes, qui détient respectivement 36,47% et 32,86% des parts. Une autre personnalité, Andrei Kosogov, ne faisant l’objet d’aucune sanction internationale, possède également 40,96% des actions de ABH Holdings SA.
Une recherche au Registre de commerce et des sociétés (RCS) montre que Mikhail Fridman et Andrei Kosogov ont démissionné de leurs postes d’administrateurs d’ABH Holdings SA en mars dernier. Sans pour autant être mentionné comme bénéficiaire effectif, un dénommé Petr Aven, aussi sanctionné par l’Union européenne, a démissionné de son poste d’administrateur d’ABH Holdings SA en mars. Aucun d’entre eux ne semble par contre avoir de rôle de gestion dans ATB Holdings SA.
Aussi bien Mikhail Fridman qu’Andrei Kosogov, tous deux cofondateurs d’Alfa Bank, et Petr Aven, ancien dirigeant du groupe bancaire, en mars de toutes leurs fonctions au sein de la société d’investissement internationale LetterOne, basée au Luxembourg. Cette décision avait été prise après que Mikhail Fridman et Petr Aven s’étaient retrouvés sur la liste européenne des personnes sanctionnées le 28 avril.
La pandémie et les matières premières
Selon les comptes annuels consolidés d’ABH Holdings SA, une partie importante des activités de l’entité est réalisée en Fédération de Russie, principalement par l’intermédiaire d’Alfa Bank. La société possède également des filiales, actives pour le compte d’Alfa Bank, en Ukraine, au Kazakhstan, aux Pays-Bas et en Biélorussie.
Symboliquement basée depuis 1994 à Amsterdam, un centre financier et maritime historique, l’ATB est depuis lors essentiellement active dans le financement international des matières premières, dont les céréales, les métaux et l’énergie, ainsi que dans le transport maritime. Ce qui n’est pas sans rappeler que, au-delà des risques découlant des sanctions, les banques établies en Europe restent exposées à d’éventuels futurs points de rupture sur les marchés des énergies et des matières premières, selon du 29 avril de la Banque centrale européenne (BCE).
La BCE estime cependant que «les filiales des banques russes en Europe sont parmi celles qui ont été significativement affectées par la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie, y compris leur impact sur leur réputation». Elle illustre la manifestation de cet impact par la déclaration de Sberbank Europe AG et de ses filiales en Croatie et en Slovénie comme défaillantes, le 28 février, en raison d’une grave détérioration de leur situation de liquidité.
Le rapport annuel 2020 de l’ATB notait, notamment à cause de la période de pandémie, «des résultats opérationnels négatifs» et «des limites de solvabilité». Ce constat avait amené la banque à «cesser ses activités dans certains de ses segments». La banque expliquait alors que «le ratio de solvabilité est inférieur aux exigences minimales au 31 décembre 2020», tout en précisant qu’un allègement avait temporairement été autorisé par les autorités de supervision dans le contexte de la crise sanitaire.
En 2017, les autorités fiscales néerlandaises, le FIOD, ont perquisitionné l’ATB, soupçonnée de manquements à la loi anti-blanchiment.