Le marché de la construction fait aujourd’hui face à de nombreux défis aussi bien liés à la pénurie de matériaux qu’à la limitation des quantités de déchets mis en décharge pour éviter la saturation de ces dernières. « Au Luxembourg, ce problème est particulièrement présent. S’interroger sur la réutilisation des matériaux comme solution pour y remédier est donc important », explique Guillaume Dubois, Ingénieur cadre dirigeant chez Schroeder & Associés.
La déconstruction, consistant à identifier les matériaux pouvant être réutilisés constitue dès lors une alternative à privilégier. Elle permet d’utiliser les bâtiments existants comme source de matière première pour la construction de nouveaux projets. Malgré certains freins comme le manque de place disponible pour stocker les matériaux ou les législations entourant le transport de déchets, les ambitions du pays sont élevées.
Privilégier les ressources existantes
Le bureau d’études Schroeder & Associés a quant à lui pour objectif de mettre en pratique l’économie circulaire dans le secteur de la construction en activant son réseau. « Lors du projet de déconstruction du Jean Monnet au Kirchberg nous avions identifié plusieurs sources de matériaux : le béton (recyclé/concassé), l’aluminium et le verre. Le tri sélectif et le recyclage de ces matériaux avaient pu être mis en pratique et nous savons maintenant ce qui fonctionne bien (le béton, l’aluminium, l’acier) et ce qui est plus compliqué (le verre) ». Pour la gare d’Ettelbrück nous retrouvons ces mêmes matériaux ainsi que d’autres : les pierres de taille. Ce sont des matériaux présentant un fort intérêt à être récupérés lors de démolitions pour rénover des maisons. « Il existe deux sortes de pierres que nous ne trouvons plus ici, le grès rouge et le schiste traditionnel, car les carrières se font plus rares. Or, pour restaurer des linteaux par exemple, nous avons besoin de matériaux semblables. Nous devons donc nous rendre en Allemagne », déclare Jo Goergen, Architecte urbaniste au sein de l’entreprise familiale Mola.
Créer des réseaux avec de bonnes habitudes
Pour encourager cette réutilisation, le projet de recherche Interreg « Digital DeConstruction » vise à développer un logiciel permettant de créer une base de données des matériaux potentiellement réutilisables. « Ce logiciel consiste à créer un scan 3D d’un bâtiment devant être démoli puis d’en créer un modèle BIM grâce en partie à l’IA. Le logiciel identifie alors les éléments démontables et stocke ces informations dans une base de données permettant ainsi aux intéressés d’acheter ou de vendre », commente Guillaume Dubois. C’est une application concrète du concept d’urban mining. Les objectifs que le consortium s’est fixé sont très ambitieux : atteindre un taux de 25% de réemploi sur les chantiers grâce à cette technologie est en effet espéré.
Contacté par le LIST qui faisait partie de l’équipe porteuse du projet, le bureau d’études a décidé de rejoindre ce consortium réunissant le Luxembourg, les Pays-Bas, la Belgique et la France pour créer le lien entre les développeurs informatiques et les acteurs de terrain. « Notre rôle a été de proposer un projet pilote au Grand-Duché pour tester ce logiciel en lien avec le terrain et de communiquer nos retours afin d’améliorer et calibrer les modèles de fonctionnement. Nous avons choisi la gare d’Ettelbruck et allons confronter la manière dont cet outil conçoit la déconstruction de la gare et la réalité. Nous devons comprendre comment le logiciel va estimer la réutilisabilité des pierres par exemple ».
Grâce à l’automatisation de la collecte des données, cet outil devrait permettre de gagner du temps et pourrait intéresser différentes entreprises comme Mola, partie prenante du projet de déconstruction de la gare. « Ce logiciel peut nous aider à concevoir une base de données et définir le nombre d’encadrements que nous pourrions restaurer. Il pourrait en outre constituer une plateforme de communication et d’échanges nous permettant d’être informés sur les matériaux à notre disposition. Il existe en effet d’anciennes pierres en très bon état qui risquent toutefois d’être concassées. Il est donc possible de valoriser ces éléments et de leur donner une nouvelle vie », conclut Jo Goergen.
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