Quand la machine est à l’arrêt, il suffit de remettre un jeton pour qu’elle reparte… C’est ce qu’a affirmé la ministre de la Famille (DP), qui a présenté ce mardi, en commission de la famille et de l’intégration, son adaptation à l’arrêté rendu en avril dernier par la Cour de justice de l’UE, qui avait retoqué la réforme des allocations familiales de 2016.
Rattacher le droit au travailleur, et plus à l’enfant
En conclusion, si la proposition aboutit, les enfants qui vivent sous le toit d’un travailleur frontalier n’auront pas droit à une allocation grand-ducale s’il n’existe pas de lien de parenté qui les unit. C’est ce que la Cour reprochait au Luxembourg. L’astuce? Ne plus rattacher le droit aux allocations à l’enfant, comme c’était le cas, mais au travailleur.
Tentons d’expliquer la situation. Un enfant qui vit actuellement sous le toit d’un ou de plusieurs travailleur(s) frontalier(s) a droit à une allocation familiale du Grand-Duché, outre celle perçue dans son pays de résidence. C’est ce que l’on appelle le «complément différentiel». La loi luxembourgeoise prévoit cependant que l’enfant d’un conjoint travaillant au Luxembourg, mais domicilié à l’étranger, soit exclu de cet octroi s’il n’existe pas de lien de parenté entre eux. Ces enfants n’ont en effet dans ce cas de figure ni de lien avec le Luxembourg, ni avec celui qui y travaille.
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Le cas de figure se présente souvent dans les familles recomposées. Marie et Jean vivent ensemble en Belgique. Marie travaille au Luxembourg, mais pas Jean. Mathieu, le fils de Marie, a droit aux allocations luxembourgeoises. Tout comme Pierre, le fils que le couple a eu ensemble. Mais pas Marc, qui est le seul fils de Jean. Alors que tout le monde vit sous le même toit. Or, l’allocation est versée à tous les enfants qui résident au Luxembourg, peu importe leur statut dans la famille.
Des frontaliers y ont vu une discrimination, et obtenu gain de cause.
Un risque pour 340 enfants qui en profitent actuellement
Suite à cet arrêt, le ministère a travaillé pour trouver une «solution viable», a indiqué la ministre. Et cette proposition prévoit de ne plus rattacher le droit aux prestations familiales aux enfants, mais aux travailleurs. Dès lors, les enfants n’ayant aucun lien avec le Luxembourg et n’ayant pas de lien de filiation avec le travailleur non-résident continueraient à être exclus de la prestation familiale. Toutefois, cette exclusion ne reposerait plus sur le critère de résidence tel que critiqué par la Cour de justice européenne, a répondu la présidente du conseil d’administration de la Caisse pour l’avenir des enfants à une question d’un député. Ainsi, l’égalité entre travailleurs résidents et non-résidents serait garantie, assure le ministère.
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Problème: environ 340 enfants qui profitent actuellement du droit d’allocations familiales seraient exclus. Il s’agit notamment des ménages où les deux parents sont étudiants et ne sont pas affiliés à la Sécurité sociale, les personnes fortunées qui ne travaillent pas, et les fonctionnaires européens (qui sont soumis à un régime plus favorable). Afin de ne pas léser ces personnes, le texte soumis aux députés prévoit une phase de transition pour les personnes bénéficiant déjà d’une allocation familiale.
Éviter une situation ingérable et coûteuse
Plusieurs députés se demandent si cette nouvelle manière de faire ne suscitera pas de nouvelles actions en justice. Le ministère réplique que, de toutes les solutions étudiées, celle qui a été présentée est aussi celle qui «tient le mieux la route». La volonté était de trouver une solution «qui était réaliste et contrôlable». Ouvrir l’allocation familiale à tous les enfants vivant dans le même ménage d’un travailleur non-résident – enfants propres et ceux du conjoint – «mènerait à une situation ingérable et coûteuse».
La présidente du conseil d’administration de la Caisse pour l’avenir des enfants a aussi expliqué que son administration n’a aucun moyen pour effectuer des contrôles dans les différents pays. En d’autres termes, en suivant l’avis de la Cour de justice européenne, il serait possible pour un travailleur frontalier de déclarer par exemple six enfants dans son ménage, même si ces enfants ne vivent pas chez ce dernier et n’ont aucun lien avec lui.
À l’heure actuelle, 600 dossiers pour l’octroi des prestations sont en suspens, parce qu’ils ne sont pas éligibles selon les modalités actuellement en vigueur, mais ne peuvent pas être traités suite à l’arrêt européen.