Le deputy manager partner du Big Four et leader technology and transformation, Olivier Carré, et le partner en advisory et leader durabilité de PwC, Michael Horvath, cosignent un rapport pour favoriser le reporting de durabilité des entreprises. (Photos: PwC. Montage: Maison Moderne)

Le deputy manager partner du Big Four et leader technology and transformation, Olivier Carré, et le partner en advisory et leader durabilité de PwC, Michael Horvath, cosignent un rapport pour favoriser le reporting de durabilité des entreprises. (Photos: PwC. Montage: Maison Moderne)

Alors que la nouvelle Commission européenne n’a pas écarté un «omnibus» qui revoit différentes législations dans un souci d’allègement bureaucratique et administratif, PwC publie ce mercredi son «All hands on deck», ou comment piloter la mise en œuvre de la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD) pour en dégager de nouvelles opportunités.

Si la planète est face au mur du réchauffement climatique et de ses conséquences avec les catastrophes climatiques qui s’enchaînent, les entreprises européennes sont face au mur de la législation sur la durabilité des entreprises (CSRD), à laquelle elles souscrivent globalement philosophiquement, s’interrogeant sur la manière de la mettre en œuvre.

Alors que 11.000 premières entreprises – les compagnies d’assurances basées en Europe, les banques européennes, certaines grandes entreprises européennes et certaines entreprises non européennes, mais listées en Europe – vont devoir, en 2025, reporter sur la mise en œuvre de la CSRD en 2024, le challenge pourrait très vite concerner bien d’autres entités, qui n’y sont pas toutes préparées de la même manière.

«L’intention est née des accords de Paris. Il y a un défi autour du climat. Nous devons en quelque sorte être capables de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré et c’est plus ou moins le cœur de cette directive sur les rapports de durabilité des entreprises», explique le partner en advisory et leader durabilité de PwC, Michael Horvath, qui signe avec le deputy manager partner du Big Four et leader technology and transformation, , . «Les entreprises doivent comprendre qu’elles font des rapports financiers depuis des années maintenant, mais qu’il y a un deuxième angle à cela qui est le reporting non financier, où elles n’ont pas encore de normes au niveau de l’entreprise et tout cela n’est pas non plus figé au niveau européen, ce qui signifie qu’il y aura évidemment des difficultés… D’autant que les deux rapports seront considérés au même niveau», assure-t-il.

Des chaînes de valeur à examiner

Pour l’instant, «de nombreuses entreprises se demandent si elles seront dans le scope ou non» dès l’an prochain, avance-t-il. Après cette première étape, pour laquelle les entreprises sont déjà les mieux rodées à reporter, en 2026 pour l’année 2025, devront s’y conformer les entreprises européennes qui remplissent deux des trois conditions (plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, plus de 25 millions d’euros d’assets et/ou plus de 250 employés); puis, en 2027 pour l’année 2026, toutes les entreprises cotées en Europe; et l’année suivante, les entités non européennes qui ont un chiffre d’affaires supérieur à 150 millions d’euros ces dernières années et qui remplissent une autre condition.

«Il faut regarder les chaînes de valeur», explique M. Horvath. «Vous pourriez très bien avoir une grande chaîne de distribution, obligée de reporter. Une fois qu’elle aura mis en œuvre les processus, elle va s’interroger sur la manière d’améliorer son bilan. Que va-t-elle faire, elle va examiner tous ceux qui sont dans la chaîne, du client final aux producteurs en passant par la logistique?», explique-t-il. Forcément, si la chaîne de distribution veut verdir son bilan, elle va devoir discuter avec ses parties prenantes, dans un jeu de soft power, pour les inviter à elles-mêmes verdir leur bilan si elles ne l’ont pas déjà compris.

L’évaluation de la double matérialité, moment-clé

Car le point central, dit encore le partner de PwC, sera d’établir une évaluation de la double matérialité, qui «marche» sur deux jambes: la matérialité financière (comment les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) impactent la performance financière et économique de l’entreprise) et la matérialité d’impact (comment les activités de l’entreprise affectent son environnement, la société ou ses parties prenantes). «C’est un effet externe similaire à ce que nous avons en partie avec Dora et c’est quelque chose dont vous entendrez de plus en plus parler sur le marché. Les gens n’en sont pas particulièrement fans, car cela implique potentiellement de devoir prendre en compte un grand nombre d’activités différentes au sein de vos groupes, ce qui rend la gestion extrêmement complexe. Et il n’est pas possible de l’exclure», prédit-il. «La définition du périmètre est l’une des grandes questions, car cela peut être fait correctement ou de manière erronée. Et, en filigrane de tout cela, je pense que c’est probablement l’aspect le plus important: tout cela est audité à la fin.»

Ces données devraient se retrouver entre les mains de la Commission européenne, qui pourra alors benchmarker des pans entiers de l’économie, tandis que le management devra forcément tenter de limiter les impacts de l’entreprise pour rester dans les acteurs les plus vertueux.

Des données à consolider, des systèmes de gestion à organiser

Les données sont d’ailleurs un point sensible mis en évidence par l’enquête jointe au rapport: 55% des entreprises interrogées disent avoir des difficultés à avoir des données de qualité et fiables, pendant que 45% ne sont pas convaincues qu’elles ont assez de ressources pour répondre à leurs obligations. Près d’une entreprise sur deux (48%) a mis en place des programmes complets d’entraînement de ses équipes, tandis qu’une sur trois s’est contentée d’entraînements spécifiques. Quatre entreprises sur cinq vont adopter de la technologie, si ce n’est pas déjà fait, pour pouvoir reporter correctement, une responsabilité qui revient majoritairement au directeur financier (29%) et au CEO (27%) pour celles qui sont déjà en train de finaliser leur premier rapport, tandis que la deuxième «promotion» l’a déléguée au directeur financier (34%) ou à un directeur chargé de superviser la stratégie de durabilité et de responsabilité environnementale, sociale et de gouvernance ou CSO (22%) – un rôle qui n’existe pas encore partout.

«Si les challenges d’avoir des données de qualité et consistantes sont anticipés, les demandes pour un reporting ESG précis et en temps réel représentent une opportunité de croissance», ajoute Olivier Carré. «Les entreprises doivent investir dans de robustes systèmes de gestion de données et de reporting pour franchir les obstacles.»

Et le rapport montre aussi que les entreprises, même si elles auront des difficultés à y aller, y voient une opportunité: moins d’une sur cinq dit n’attendre aucun effet de cette directive européenne.