Alexandre Mars a commencé sa carrière d’entrepreneur à 17 ans. Ses succès lui ont apporté la sécurité financière nécessaire pour alimenter son ambition sociale: être utile. Il a d’abord créé Epic, une fondation mondiale qui aide à autonomiser et à protéger les enfants, les jeunes et notre planète en comblant le fossé entre les organisations à but non lucratif qui ont un impact et les individus et les entreprises qui cherchent à mettre en œuvre un changement positif. Il a également créé INFINITE, une EdTech sociale qui soutient les étudiants issus de milieux défavorisés dans leur accès aux écoles et universités les plus réputées et au monde professionnel grâce à une offre innovante de prêt étudiant. Des prêts que ces étudiants remboursent en finançant d’autres étudiants. «Un schéma de Ponzi vertueux», comme il le décrit. Sa passion pour le sport et son engagement pour une plus grande justice sociale l’ont également conduit à devenir ambassadeur et membre du conseil d’administration des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. On lui doit également plusieurs ouvrages. Pour Vanity Fair, il est l’un des 50 Français les plus influents.
Comment un entrepreneur devient philanthrope?
Alexandre Mars. – «Je ne pense pas qu’il y ait un lien forcément logique entre l’un et l’autre. La question est plutôt de savoir comment un citoyen, qu’il soit entrepreneur, salarié ou intrapreneur, devient un philanthrope. Il suffit juste d’ouvrir les yeux et se rendre compte que le secteur privé doit faire beaucoup de choses pour les autres, tout simplement. Il ne faut pas penser que le secteur public va tout faire.
Vous utilisez l’expression ouvrir les yeux. Qu’est-ce qui vous a fait ouvrir les yeux?
«Ma maman. Depuis longtemps. J’ai grandi avec une maman extrêmement altruiste qui s’occupait souvent des gens. En fait, j’ai baigné dans cet état d’esprit et aider est quelque chose qui me paraît très naturel. L’éducation joue un grand rôle, c’est sûr. Et puis votre entourage, votre femme, vos meilleurs amis… Ce sont les gens autour de vous qui parfois vont vous aider à trouver cette trajectoire de vie.
Vous êtes aussi connu en tant qu’entrepreneur à succès. Comment transforme-t-on une activité philanthropique en business case?
«C’est vrai qu’Epic, start-up à but non lucratif dont l’objectif est d’amplifier la capacité des personnes et des entreprises à avoir un impact grâce au don est devenu un business case. En 2019, la Harvard Kennedy School a publié une étude sur Epic, soulignant son nouveau modèle innovant d’impact social.
Ceci dit, nous sommes une association sans but lucratif, c’est-à-dire que nous n’avons aucun modèle économique. Cela prouve que c’est faisable. Nous avons tous grandi dans une vision très ‘Milton Friedman’, ce grand économiste qui disait que la responsabilité sociale d’une entreprise, c’est de faire des profits. Aujourd’hui, on se rend compte que l’on peut certainement avoir un impact différemment qu’uniquement en pensant purement bas de ligne dans son compte de résultat. Avoir un impact positif sur la société, sur les salariés, c’est faisable. On peut parler de sujets sociétaux et de sujets business au même moment.
Quels sont alors les KPI d’une organisation sociale?
«Les KPI, cela va être globalement le nombre de trajectoires de vie que tu pourras influencer positivement. De quelle manière tu vas compenser une naissance dans une ville qui ne devait pas être celle-là, dans un pays qui n’est pas une démocratie ou dans une famille qui n’a pas les moyens... Moi, mon KPI dans ma vie, ce sera le nombre de personnes auprès desquelles j’aurais permis, grâce aux innovations et aux plateformes que j’aurais pu développer, d’avoir une vie différente, une trajectoire de vie qui n’était pas celle à laquelle ils étaient prédestinés, une trajectoire de vie plus positive.
Avec votre vécu, quels messages adresseriez-vous aux apprentis entrepreneurs?
«J’évoque ce sujet dans mon livre ‘Pause’. Je pense qu’à un moment, il y a un risque à prendre. Je vois encore souvent des entrepreneurs qui hésitent parce qu’il y a forcément un risque d’échec. Mandela avait eu cette phrase merveilleuse pour expliquer qu’il n’y avait jamais de véritable échec: ‘Moi, je n’échouais jamais. Soit je gagnais, soit j’apprenais.’ Il faut avoir cette mentalité-là qui est une mentalité de résilience.
Et puis il faut être capable de travailler quand même beaucoup. Vous allez devoir mettre de côté d’autres choses. Alors parfois ça va être des soirées avec vos amis, parfois ça va être des soirées sportives, parfois ça va être des soirées Netflix. À un moment ou à un autre, il est difficile de pouvoir tout faire. Il faut assumer cela comme il faut assumer les échecs. Moi, j’assume mes échecs. J’ai eu des échecs tous les jours. En arrivant tout à l’heure ici, j’ai eu quelqu’un qui m’a dit: ‘Non, ce projet je ne le ferai pas.’ C’est la vie. Ma vie, c’est d’avoir des gens qui me disent non. Pourquoi? Parce que j’ai demandé. Il faut assumer le fait que lorsque vous demandez, tout le monde n’est pas forcément totalement en phase.
Il faut assumer. La résilience, c’est un sujet.
Puisque nous parlons de succès et d’échec, quel est votre plus grand succès?
«Mon plus grand succès, c’est ma famille. Le succès, c’est aussi d’arriver à être aligné entre ses valeurs et ses actions, ce qui est quand même très compliqué. C’est un travail au quotidien.
Dans le prolongement de la question précédente, quel est votre pire souvenir, l’échec qui vous a marqué?
«La perte de mon frère. C’est mon plus grand échec. Face à la perte de quelqu’un que tu aimes beaucoup, tu te dis que tu aurais pu faire les choses différemment.
Mis à part Epic et Infinite, quels sont les projets qui vous tiennent actuellement le plus à cœur et sur lesquels vous voulez mobiliser les gens?
«Démontrer que la finance positive n’est pas un oxymore. C’est un sujet sur lequel j’ai travaillé depuis des années, un sujet qui me fait me lever le matin, qui me fait me dépasser, qui me fait essayer de convaincre les gens au quotidien. Et qui me fait travailler plus que de raison. Pour moi, nous vivons dans un monde ultralibéral. Il faut donc qu’il soit aussi super social. Il n’y a pas d’autres choix.
Et puis cet été, il y a les Jeux Olympiques de Paris 2024 pour lesquels je suis ambassadeur et administrateur. Il y a désormais 8 ans, j’ai intégré un comité qui s’appelait sport et société et dont l’objectif était de démontrer que le sport avait un effet de levier considérable aussi bien sur le handicap que sur les femmes, la jeunesse, la conversion des athlètes. Nous allons assister à des jeux différents, des jeux beaucoup plus alignés, en phase avec les défis sociaux d’aujourd’hui.»