«On a l’impression que le Luxembourg n’a pas de problème quant aux pensions, parce qu’on a 30 milliards d’euros de réserves... mais le système a des risques cachés», a annoncé Claudia Halmes-Coumont, directrice chez Lalux-Vie. Elle a indiqué que, selon les projections réalisées par l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS), une économie luxembourgeoise connaissant une croissance de 3% n’empêcherait pas l’utilisation des réserves pour payer les pensions dès 2028, alors qu’elles pourraient être épuisées d’ici 2047.
Mme Halmes-Coumont pense que les changements démographiques avec une population vieillissante, des périodes de retraite plus longues et des périodes de cotisation plus courtes, couplés à des paiements de pension élevés par rapport aux cotisations (75% du salaire moyen au Luxembourg contre 44% pour l’Allemagne), contribueront à l’épuisement de ces réserves.
De plus, Mme Halmes-Coumont a noté que le nombre de travailleurs soutenant chaque retraité diminue. Ce problème n’est pas propre au Luxembourg, mais se retrouve dans tous les pays développés d’Europe dotés d’un système par répartition.
«Si le Luxembourg ne va pas bien, nous avons un problème partout»
À l’échelle mondiale, il existe un important déficit de protection des pensions – estimé à 51 milliards de dollars, selon la Global Federation of Insurance Associations –, «l’Europe représentant 25 à 30% de ce déficit», a expliqué Anne de Lanversin, CEO de Generali Global Pension. Elle a expliqué que le fossé représente la différence entre l’épargne nécessaire pour un remplacement de 70% du revenu à la retraite et les rentrées attendues des systèmes actuels.
«L’espérance de vie globale était de 47 ans après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, dans l’OCDE, elle est largement supérieure à 80 ans», a ajouté Gad Amar, responsable de l’Europe occidentale chez Natixis Investment Managers International. L’allongement de l’espérance de vie ne fait qu’exacerber ce problème, rendant insoutenables les structures de pension existantes conçues pour des durées de vie plus courtes.
Diversifier les solutions pour préserver son niveau de vie à la retraite
Mme Halmes-Coumont a rappelé que, comme pour beaucoup d’autres pays, le Luxembourg a trois piliers: le premier pilier est le système légal de retraite par répartition, le deuxième pilier concerne les régimes de retraite des employeurs et le troisième pilier est lié à l’épargne individuelle.
En Europe, seulement 30% de la population épargne volontairement.
La directrice générale adjointe et conseillère générale de l’Association luxembourgeoise des fonds d’investissement (Alfi), , a affirmé que le développement de solutions de pension dans le cadre du deuxième pilier est crucial et a été mis en œuvre avec grand succès dans des pays tels que la Suède et les Pays-Bas. Ces pensions professionnelles peuvent permettre de réaliser des économies importantes si les employeurs proposent ces produits et si les employés y participent par le biais de l’épargne sur le lieu de travail. En outre, le deuxième pilier est considéré comme un levier essentiel pour amener davantage d’épargne sur les marchés financiers et pour remédier à la non-viabilité des systèmes par répartition.
Les obstacles à la croissance des pensions du deuxième pilier
Un obstacle important est d’atteindre les personnes qui ont besoin de ces régimes, tant au niveau des entreprises que des particuliers. «En Europe, seulement 30% de la population épargne volontairement», a indiqué Mme de Lanversin. Elle estime que la sensibilisation à la nécessité de l’épargne à long terme est insuffisante et que le manque de canaux de distribution efficaces et de confiance dans les produits proposés empêche une adoption généralisée.
Un autre obstacle est le niveau relativement élevé des versements des pensions du premier pilier dans certains pays, qui peut masquer la nécessité pour les individus d’épargner et d’investir de manière indépendante. «Le Luxembourg obtient un score très faible [parmi les pays de l’OCDE] pour le deuxième pilier en raison de l’importance du premier pilier», a fait remarquer Mme Halmes-Coumont. Cela réduit également l’importance de l’épargne du troisième pilier, car «ils se sentent très en sécurité sur le premier pilier».
Les procédures administratives complexes pour les employeurs découragent également la mise en œuvre de régimes de pension complémentaires. Les petites entreprises, contrairement aux grandes multinationales, n’ont souvent pas les ressources nécessaires pour mettre en place des régimes de pension pour leurs employés. En outre, Mme Lamesch a noté que le protectionnisme local et les obstacles liés au droit du travail et au droit social ont également entravé le développement de produits de retraite transfrontaliers efficaces.
Caractéristiques des régimes de retraite du deuxième pilier réussis
«De plus en plus de caractéristiques standards des produits de gestion de patrimoine sont appliquées au deuxième pilier», a déclaré Mme de Lanversin. Elle a expliqué que la simplicité est essentielle dans la conception des produits et a proposé une gamme d’options d’investissement, comme les plateformes de gestion de patrimoine, permettant aux clients d’apporter des contributions personnelles et de sélectionner des fonds.
L’administration numérique est également essentielle, offrant un accès facile aux informations et à la gestion des comptes «parce que les gens ont tendance à épargner davantage lorsqu’ils ont accès à leurs comptes et qu’ils voient comment leur épargne se comporte», a observé Mme de Lanversin.
Par ailleurs, cette dernière a indiqué que l’adhésion automatique au niveau de l’entreprise et de l’employé, les contributions de l’entreprise et les accords de participation aux bénéfices sont des mécanismes puissants pour accroître la participation et peuvent inciter davantage à l’épargne.
Les leçons de l’étranger
M. Amar estime que les incitations fiscales sont cruciales pour le succès des pensions des deuxième et troisième piliers. Il établit des parallèles avec des modèles réussis tels que le 401K aux États-Unis et le régime enregistré d’épargne-retraite (REER) au Canada. La contribution des employeurs aux cotisations des employés, combinée à l’effet des intérêts composés, peut générer des économies importantes à long terme, atteignant environ 13.000 milliards de dollars et 1.500 milliards de dollars canadiens.
«Une allocation de fonds correctement diversifiée qui offrira, disons, environ 6% à 7% en moyenne par an. Tous les 10 ans, vous doublez votre capital… Le temps joue donc en faveur des investisseurs. Il s’agit de rester investi sur le marché aussi longtemps que possible.»
Quelques propositions
Comme principe de prise en compte des règles fiscales nationales, Mme Halmes-Coumont a suggéré un traitement fiscal des cotisations au niveau de l’employeur, sans imposition des prestations à la fin. «Ce qui est essentiel, c’est d’avoir des règles simples, transparentes et prévisibles à l’échelle internationale.»
Mme De Lanversin et M. Amar ont ajouté que les avantages fiscaux peuvent également être utilisés pour orienter les investissements vers des classes d’actifs spécifiques, couvrant tout le spectre des investissements, du capital-investissement aux marchés cotés, de l’actif au passif. M. Amar a suggéré qu’encourager les investissements dans les actifs européens pourrait également fournir un financement crucial pour les entreprises et l’innovation européennes, évitant ainsi leur délocalisation vers des régions disposant de capitaux plus facilement accessibles. «Investir en espèces n’est pas une solution durable.»
Cet article a été rédigé initialement , traduit et édité pour le site de Paperjam en français.