Toutes saisons confondues, un peu plus de 3.000 accidents de trajet avaient été enregistrés en 2022 sur les routes luxembourgeoises. (Photo: Shutterstock)

Toutes saisons confondues, un peu plus de 3.000 accidents de trajet avaient été enregistrés en 2022 sur les routes luxembourgeoises. (Photo: Shutterstock)

Quelle est la responsabilité de l’employeur qui oblige un salarié à se rendre au bureau alors que les autorités préconisent de «rester chez soi»? Et celle du collaborateur qui prendrait le volant en dépit de consignes contraires? La loi permet d’y voir plus clair.

Établissements scolaires et administrations fermées, transport public perturbé, autoroute à vitesse (ultra-) limitée, activité au ralenti… C’est peu dire que les pluies verglaçantes ont paralysé le pays ce mercredi 17 janvier. Certes brutal, l’épisode d’intempéries n’a toutefois pris personne par surprise. «Restez chez vous», avaient alerté dès la veille au soir les autorités, dans un SMS adressé aux résidents. Consigne à prendre au pied de la lettre pour les employeurs et les salariés n’ayant ni posé un jour de congé ni demandé en amont à télétravailler? «Dans le secteur privé, c’est avant tout l’employeur qui décide et non pas l’État ou le gouvernement», répond l’avocat à la cour spécialisé dans le droit du travail, .

«Néanmoins, en vertu du Code du travail, l’employeur est responsable de la santé et de la sécurité de ses salariés. Ceci est une obligation de résultat», ajoute le fondateur du cabinet qui porte son nom, expliquant: «Il incombe dès lors à l’employeur de juger si la présence physique des salariés est vraiment nécessaire et si cette présence peut constituer un risque pour leur santé ou leur sécurité.»

En effet, «l’employeur est toujours obligé de mettre en place des mesures préventives au sein de l’entreprise afin d’éviter tous risques et de les combattre de façon efficace, sinon de les réduire au maximum». La question avait particulièrement occupé les esprits lors de la tempête sanitaire de 2020 et du retour au bureau après le confinement. Afin de se «protéger», «l’employeur doit anticiper la situation en prenant des mesures», comme l’envoi d’un message proposant le travail à distance, abonde Me Lorraine Chéry, du cabinet Arendt & Merdernach.

La question du droit de retrait

«Dans le même contexte, le Code du travail luxembourgeois accorde aux salariés un droit de retrait», précise Me Guy Castegnaro. Pour en bénéficier, «le salarié doit rapporter la preuve d’un danger grave, immédiat qui ne peut être évité», rappelle-t-il. «Ceci semble avoir été le cas avec les intempéries de ce matin», considère l’avocat. «Si cette preuve est rapportée, le salarié aura le droit de s’absenter de son lieu de travail sans risquer de mesures disciplinaires telle qu’un licenciement.»

«La question sera de savoir si l’employeur a mis inutilement en danger la santé et la sécurité de son salarié.
Guy Castegnaro

Guy CastegnaroavocatCastegnaro Ius Laboris

Ceci exposé, quid d’un accident de circulation dont serait victime un collaborateur contraint par son employeur de se rendre au travail, en dépit des alertes des pouvoirs publics? «Un accident du travail sera toujours un accident du travail s’il a eu lieu lors de l’exercice d’une activité professionnelle», tranche Me Guy Castegnaro. «La question sera de savoir si l’employeur a mis inutilement en danger la santé et la sécurité de son salarié et s’il aurait éventuellement pu l’éviter.» 

A contrario, que risque un salarié qui prendrait sa voiture pour venir au bureau malgré les préconisations de son employeur à rester en télétravail? «Il s’agira dans ce cas vraisemblablement d’un accident de trajet couvert par l’assurance accident. En principe, dans un tel cas ni le salarié ni l’employeur ne peuvent se retourner l’un contre l’autre», développe l’avocat.

Plus de 3.000 accidents de trajet à l’année

Dans ses textes, l’Association d’assurance accident (AAA) souligne que «la loi qualifie d’accident de trajet celui survenu sur le trajet de l’aller et du retour entre la résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité, ou tout autre lieu où l’assuré se rend de façon habituelle pour des motifs d’ordre familial et le lieu du travail», ainsi qu’«entre le lieu du travail et le restaurant, la cantine ou, d’une manière plus générale, le lieu où l’assuré prend habituellement ses repas». Elle précise, dans le cas du covoiturage, pratique privilégiée par un grand nombre de salariés ce 17 janvier, que «le trajet peut ne pas être le plus direct lorsque le détour effectué est rendu nécessaire dans le cadre d’un covoiturage régulier».

L’AAA ajoute que «l’accident de trajet n’est pas pris en charge lorsque l’assuré l’a causé ou auquel il a contribué par sa faute lourde; si le trajet a été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l’intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de l’activité assurée». Et ce, quelles que soient les conditions météo, exceptionnelles ou non.

Dans son dernier rapport annuel en date, l’AAA indiquait avoir reconnu 17.163 accidents du travail en 2022 (dont 11 mortels), parmi lesquels 3.095 accidents dits «de trajet». Un chiffre reparti à la hausse après la parenthèse Covid (2.446 accidents de trajet en 2020 et 2.589 en 2021, contre 3.649 avant la pandémie, en 2019). Sans étonnement, alcool et vitesse étaient les premiers responsables des accidents survenus en 2022, selon le ministère de la Mobilité. Le verglas n’était pas cité.