Imaginez-vous en train de commander un plat au restaurant sur un écran tactile… mais sans toucher l’écran. Votre doigt se trouve à 14 centimètres de la borne, pourtant il la dirige. La scène paraît sortie tout droit d’un film de science-fiction, mais cette technologie existe déjà. Elle a été développée par Inui Studio et porte un nom:
L’entreprise avait prévu de l’utiliser pour mettre en place des vitrines interactives chez les commerçants. Elles devaient être lancées début 2020. Avec le Covid-19, elle a totalement redirigé sa production vers des kiosques sans contact, comme décrits plus haut.
Une vingtaine de précommandes
Olivier Raulot, fondateur d’Inui Studio, a démarré les recherches en 2014. «Après trois ans de travail acharné, nous avons déposé des brevets aux États-Unis et en Europe. En 2016, nous avons signé un accord avec Samsung, qui a financé le marketing pour le lancement du produit sur le marché européen.» À l’époque, l’AirxTouch Bar première génération, installé dans les vitrines des commerçants. Inui Studio en a vendu 70 depuis septembre 2017 pour «explorer le marché». Parmi ses clients: Ikea, PMU ou encore Moët & Chandon. Sur cette base, Inui Studio a retravaillé le produit pour sortir l’AirxTouch Bar 2.
«Nous n’avions pas prévu de faire des kiosques. Nous avons commencé à en parler en janvier. En mars, le besoin est devenu évident. Plus personne ne veut utiliser de bornes tactiles.» Le lancement des vitrines a donc été décalé au premier trimestre 2021. L’objectif à la place: livrer 1.000 kiosques sans contact pour septembre 2020.
Une vingtaine de précommandes ont déjà été passées depuis leur ouverture lundi. L’entrepreneur a aussi reçu 80 demandes d’informations, qu’il espère voir se concrétiser. «Il y a un réel intérêt», estime-t-il. Évidemment, ces kiosques évitent de toucher les écrans tactiles, véritables nids à bactéries. Les premiers clients sont «essentiellement des revendeurs». Inui Studio a reçu des demandes de la part de Transdev, pour la vente de tickets de bus et de métro en France, de restaurateurs ou encore d’agences immobilières. Si 70% viennent d’Europe et 30% du reste du monde, aucune du Luxembourg pour l’instant. «Je pense que ça va venir», prévoit Olivier Raulot.
1,2 million d’euros de R&D
L’entrepreneur a réussi à baisser les coûts de production unitaires de l’AirxTouch Bar, de 2.600 euros au départ à moins de 800 aujourd’hui. Il vend ensuite le produit à 5.000 euros. Comptez 1.200 euros tous les trois ans pour les frais de maintenance. Inui Studio propose ensuite l’installation de logiciels, mais les clients peuvent aussi choisir de les développer eux-mêmes. Le matériel est fabriqué en Chine et en Pologne, avant d’être assemblé par Inui Studio. La société réfléchit à sous-traiter cette partie.
Développer une telle technologie a un coût: 1,2 million d’euros de recherche et développement. Inui Studio a pu compter sur les 650.000 euros d’une convention «recherche» de l’État. «Nous avons mis le complément nous-mêmes», ajoute Olivier Raulot. «Nous avons mis toute notre trésorerie dedans, c’est à la fois une vraie opportunité et un vrai risque.» Inui Studio, créée en 2010, réalise un chiffre d’affaires annuel entre 500.000 euros et 1 million d’euros grâce à son activité de base, le développement de logiciels. La vente des AirxTouch Bar première génération avait généré 280.000 euros. La société compte huit salariés.
À la recherche de 4 millions d’euros
Pour l’instant, Inui Studio n’a pas les capacités de produire plus de 1.000 unités d’ici septembre. L’entreprise hébergée au Technoport de Foetz tente de lever 4 millions d’euros pour monter en puissance. «L’objectif est plutôt de ne pas être rachetés. Mais nous ne sommes pas à l’abri d’être repris par un grand groupe», semble s’inquiéter Olivier Raulot.
«Nous sous-performons dans notre relation avec les fonds d’investissement. Notre projet disruptif hardware/software représente un risque plus important pour eux qu’un projet simplement software», justifie-t-il.
Alors que, par ailleurs, «nous surperformons avec les groupes industriels comme Samsung», note-t-il. L’entreprise est en contact avec d’autres acteurs internationaux, comme un producteur japonais de caisses autonomes pour les supermarchés, qui souhaiterait intégrer la technologie AirxTouch à ses propres produits. «Une option serait de lui proposer sous forme de licence.»
Beaucoup de projets. Mais si dans un an, on n’entend plus parler du Covid-19, quel sera l’intérêt de ces kiosques? «Je me suis posé la question. Je pense qu’il y aura toujours un intérêt. Ma technologie n’est pas moins efficace que le tactile pour un prix un tout petit peu plus élevé. Indépendamment du Covid, c’est quand même beaucoup plus propre», répond Olivier Raulot. Le marché a d’ailleurs été plus simple à trouver que pour les vitrines: «Je propose une innovation de remplacement.»
Dans le futur, l’entrepreneur s’imagine réaliser 80% de son activité grâce aux kiosques et 20% avec les vitrines. Dans ce cas, pourquoi ne pas les laisser tomber? «Je reste convaincu que ce marché a un intérêt. Elles permettent aux enseignes de vendre 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.»
Alors, à quand des commandes et des achats sans contact au Grand-Duché?