Selon l’enquête «Biolandbau in Luxemburg» («L’agriculture biologique au Luxembourg») publiée fin 2022 par le ministère de l’Agriculture, 7.700 hectares de superficie agricole sont actuellement cultivés en agriculture biologique (6.900 hectares en 2021), l’objectif étant d’atteindre 25.000 hectares en 2025. Cela représenterait environ 5,8% de la surface totale utilisée (5,2% en 2021), les données s’arrêtant en juillet 2022.
En février 2023, selon le ministère, on serait désormais à 6,3% soit environ 400 exploitations bio. 123 exploitations sont en voie de conversion, soit environ 1.457 hectares (la conversion se déroulant sur trois années). N’entrent pas dans ce décompte les apiculteurs bio, ainsi que d’autres petites entreprises (petits éleveurs ou producteurs de fruits). La part des exploitations bio dans l’agriculture a bien connu un essor entre 2008 et 2018, passant de 2 à 5,2%, mais stagne autour de ce chiffre depuis cinq ans.
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De faibles intentions de conversion au bio
L’enquête réalisée en 2021 auprès de 544 établissements a demandé aux exploitations conventionnelles d’estimer la probabilité d’une conversion totale ou partielle en agriculture bio, sur une échelle de 1 à 5 (1: «très peu probable» à 5: « très probable»). Sur 399 réponses valables, la conversion complète a obtenu une valeur moyenne de 1,87. 400 exploitations ont estimé en moyenne la probabilité d’une reconversion partielle à 2,35. Les deux valeurs sont donc assez basses, mais une conversion partielle en bio semble plus envisageable, bien que sur des surfaces limitées, puisque la note d’intention moyenne est à 2,8 sur 5 sur des surfaces de moins de 10 hectares.
Au Luxembourg, l’agriculture biologique a été stimulée par une demande croissante de produits biologiques au cours des deux dernières décennies. La part des fermes bio dans l’ensemble du secteur agricole luxembourgeois reste cependant très faible en comparaison européenne. Selon les derniers chiffres d’Eurostat, qui datent de l’année 2020, le pays se situait à la 20e place sur 27 dans l’UE, la moyenne de surface cultivée en bio dans l’UE se situant à l’époque à 9,1%.
Une demande supérieure à l’offre au Luxembourg
La nouvelle Politique agricole commune (PAC) de l’UE est entrée en vigueur le 1er janvier 2023 pour cinq ans. Dans ce cadre, le Luxembourg vise 20% d’agriculture bio d’ici 2025. Le ministre de l’Agriculture a bien dû admettre qu’il restait du chemin à parcourir. «La part de la surface exploitée selon les principes de l’agriculture biologique au Luxembourg ne correspond pas aux objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés dans le cadre du plan d’action national “Agriculture biologique”. Sur la demande (des consommateurs, ndlr), le Luxembourg est en troisième position dans l’UE et en 23e position pour la production. Dans la plupart des secteurs, cela ne suffit donc pas, pour répondre à cette forte demande», a-t-il déclaré.
La part de la surface exploitée selon les principes de l’agriculture biologique au Luxembourg ne correspond pas aux objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés.
«Je ne suis pas en mesure de vous dire si nous atteindrons l’objectif fixé. De nombreux produits bio doivent être importés, notamment les fruits et légumes, la volaille, les œufs, le fromage et les produits carnés. Nous observons que ce pourcentage augmente lentement mais sûrement, mais qu’en même temps, le secteur primaire reste prudent quand il s’agit d’opter pour la conversion vers l’agriculture biologique dans le contexte des crises actuelles, et en attendant la mise en pratique de , qui est en procédure légale.»
Une conjoncture peu incitative
Du côté des organismes de certification, on ne constate pas une baisse des demandes, mais une progression trop lente, voire une stagnation des demandes de certification en exploitation bio. La première cause serait conjoncturelle. «Les changements drastiques sur les marchés agricoles depuis le début de la guerre en Ukraine ont provoqué une incertitude chez les agriculteurs», analyse Daniela Noesen, directrice de Vereenegung fir Biolandwirtschaft Lëtzebuerg (Association pour l’agriculture biologique au Luxembourg).
Cette association est responsable du contrôle et de la certification des marques collectives légalement protégées Bio Lëtzebuerg et Demeter. «Le marché de la production bio locale stagne visiblement. Ce sont de mauvaises conditions pour que les agriculteurs se convertissent au bio. Un soutien important au secteur bio luxembourgeois de la part du monde politique serait maintenant très important pour que, d’une part, le bio existant puisse survivre à la crise et que, d’autre part, il soit réaliste que le gouvernement tienne son objectif de 20% de bio d’ici 2025.»
Des exploitations fragiles
La deuxième raison à cette progression trop lente de l’agriculture bio tiendrait à la nature même des structures d’exploitation, toujours selon Daniela Noesen: «Le Luxembourg, en tant que petit pays, a de petites structures et peu d’entreprises de transformation, car les coûts sont élevés pour les petits lots. Les effets d’échelle ne peuvent pas être utilisés, de sorte que les produits importés bon marché et en quantité sont vendus prioritairement. Les structures existantes au Luxembourg sont plutôt petites et coûteuses, ce qui a des conséquences particulièrement négatives en cette période de crise.»
Pour l’année culturale 2021, la prime pour l’agriculture biologique a été augmentée de façon conséquente, passant notamment pour les exploitations fruitières de 1.200 à 2.500€/ha, ce qui en fait la plus avantageuse des en matière d’aides publiques agricoles. La probabilité de conversion reste particulièrement faible pour les fermes laitières, qui représentent un bon tiers de toutes les exploitations participantes, mais également la majorité des exploitations au Luxembourg. Celles-ci disposent en principe de beaucoup de surfaces agricoles, or l’enquête indique que plus la taille de l’exploitation augmente, plus la volonté de se convertir diminue.