Les années 2022 et 2023 auront été riches en avancées en matière de digitalisation dans le domaine de la santé. Voilà la principale conclusion à tirer de la présentation du rapport d’activité de l’agence eSanté, ce mercredi matin. L’occasion aussi de présenter les nouveaux visages de l’agence: le nouveau directeur Ian Tewes nommé en septembre et le nouveau président du conseil de gérance Marc Hostert nommé en juin.
179.000 assurés ont activé leur compte eSanté. Et parmi les avancées concrètes des deux dernières années, le lancement du Dossier de soins partagé (DSP) et du Carnet de vaccination électronique (CVE) révèle, selon l’agence qui a célébré ses dix ans en 2022, «un réel intérêt de la part des patients et des professionnels de santé. Plus de 27.000 CVE ont été créés, et plus d’un million de DSP, dont les deux tiers contiennent déjà des documents, ont également été activés. Il s’agit en grande partie de documents relatifs à des résultats d’examens biologiques (plus de 7 millions de documents de ce type dans les DSP actifs)», a détaillé le nouveau directeur. S’est ajoutée en 2022 l’application mobile MyDSP, «une facilité pour les patients, qui favorisera aussi les échanges transfrontaliers.»
Le tiers payant version luxembourgeoise se déploie
Autre avancée marquante et qui se poursuivra dans les mois et années à venir: le déploiement du PID pour «paiement immédiat direct», que l’on peut aussi qualifier de tiers-payant à la luxembourgeoise. «Aujourd’hui, trois ou quatre éditeurs l’implémentent déjà. Certains de ces éditeurs représentent 300 à 400 médecins. Ces derniers ont tout intérêt à l’utiliser: eux perçoivent leur paiement immédiatement, et le patient ne paie que le reste à charge», a expliqué le président Marc Hostert.
Par rapport aux professionnels de santé, plusieurs objectifs ont été atteints, indique l’Agence. C’est le cas pour la télémédecine par exemple, avec 3.125 praticiens de santé susceptibles d’assurer des consultations à distance. Autre élément clé, le service de pseudonymisation de santé dont le code source est devenu propriété de l’agence eSanté, lui permettant de le redévelopper en interne. Un apport fort en matière de renforcement de l’identitovigilance, et donc la sécurité des patients. «Il s’agit d’un des prérequis fondamentaux pour le traitement correct des données de santé et pour leur utilisation secondaire, demande qui devient de plus en plus présente dans le contexte d’innovation technologique et scientifique».
Dans ce contexte, l’Agence veut plus que jamais se positionner comme facilitateur vis-à-vis des établissements de santé, en leur permettant la pseudonymisation des données d’identité de leur patientèle. «Je revois actuellement tous les services que nous proposons, car nous pouvons toujours faire mieux», a indiqué Ian Tewes selon qui le succès de la digitalisation implique une planification précise. «Une organisation performante ne peut pas dire oui à tout. Mais nous avons besoin de tout l’écosystème pour y parvenir», a-t-il ajouté.
L’agence eSante a fait l’acquisition de premiers outils nécessaires pour assurer son rôle d’émetteur d’une certification ou d’un agrément pour des solutions applicatives dans le domaine de la santé afin de pouvoir certifier qu’elles sont conformes aux standards de sécurité et d’interopérabilité. «L’agence se doit aussi d’assurer à l’avenir la mise en place d’un Security operations center, c’est-à-dire d’une plateforme permettant la supervision et l’administration de la sécurité des systèmes d’information de l’écosystème santé.» Dans la même logique, le réseau Healthnet a fait l’objet d’un nouveau marché en vue de son actualisation et sa modernisation. Ce qui permettra à terme à des applications et autres solutions externes productrices de données médicales, à l’instar des objets connectés de santé, de se connecter et de partager ces données sur un nouveau réseau.
Vers un DSP plus intelligent avec l’apport de l’IA
«Notre principal défi reste le déploiement de la digitalisation, mais surtout le changement de mentalité par rapport à cela. On ne doit plus voir seulement le danger de la digitalisation, mais ses opportunités, autant pour les professionnels de santé que pour la patientèle et pour les hôpitaux. Ça n’est pas simple, car nous sommes en train de transformer quelque chose qui est historique, quelque chose qui fonctionnait avec différentes idéologies ou obédiences derrière», pense Marc Hostert.
«Malheureusement, on s’attarde souvent sur les exceptions. Je crois qu’il faut voir les choses d’un autre angle. Il faut certe mesurer les risques, mais il ne faut pas perdre de vue les bénéfices» a défendu Ian Tewes qui plaide pour la création d’un département de santé digitale au sein du ministère de la Santé pour développer une vision à long terme et avoir un schéma directeur, ainsi qu’une vue plus globalisée.
Pour l’année 2024 qui se dessine et celles qui suivront, les nouveaux dirigeants de l’agence eSante qui emploie une quarantaine de personnes, comptent généraliser le service d’ePrescription, dont le référentiel pour la prescription dématérialisée de soins ou d’examens d’imagerie devrait être mise en service fin 2024, au même titre que pour les examens de biologie médicale et les médicaments. Afin de rendre l’actuel DSP encore plus intelligent, l’agence projette de mettre en place des outils d’IA qui viendront piocher automatiquement dans les Datalake DSP.
Le nouveau directeur en appelle aussi à une plus grande mutualisation des acteurs du secteur. Pour rappel, l’AMMD ne siège plus au conseil de gérance de l’agence bien qu’il fasse toujours officiellement partie des membres du GIE. «Il nous fait aujourd’hui relier l’écosystème, car des relations se sont détériorées. Il faut aussi y intégrer les patients», a insisté Ian Tewes qui rappelle la mise en place du helpdesk pour accompagner à la création du DSP ou du carnet de vaccination électronique. Il est possible de le joindre par mail à [email protected] et de bénéficier d’un accompagnement en cinq langues.