La vidéo de Jacopo Miliani,  Deserto  (2017) est présentée dans l’exposition «After Laughter Comes Tears» au Mudam Luxembourg.  (Still: Jacopo Miliani)

La vidéo de Jacopo Miliani, Deserto (2017) est présentée dans l’exposition «After Laughter Comes Tears» au Mudam Luxembourg.  (Still: Jacopo Miliani)

Le Mudam a dévoilé sa toute nouvelle exposition, «After Laughter Comes Tears», un projet expérimental qui marque la deuxième édition de la Mudam Performance Season lancée en 2021.

Une exposition chorale (pas moins de 34 artistes y participent) en quatre actes, qui prend pour point de départ la colère d’une génération devant le modèle capitaliste qui engloutit – et risque de perdre – la société contemporaine.

Trois questions à Clémentine Proby, l’une des deux curatrices à l’initiative de ce projet.

Comment est née l’exposition «After Laughter Comes Tears»?

Clémentine Proby . – «Au départ, il y a eu l’envie de faire une exposition autour de la notion même de performance, de l’exposer et d’en proposer une définition qui aille au-delà des postulats habituels. Nous avons voulu évoquer les enjeux de la performance, mais aussi qu’elle s’incarne et devienne la voix d’une génération. Pour ce faire, nous sommes parties du corps, qui se déroulait comme un fil rouge, parce qu’il permettait de tout lier; la performance comme occupation de l’espace par le corps, quelque chose d’à la fois universel et personnel, l’enveloppe de l’humanité.

Nous avons voulu également adopter ce ton tragi-comique, cette ambivalence entre drame et humour, au cœur même de la condition humaine. En ce sens, ‘’After Laughter Comes Tears’’ se fait la voix d’une génération, de l’urgence qui la caractérise, dans la mesure où elle ne sait pas si elle va perdurer. Le rire comme seule réponse face à une situation dramatique.

 

Pourquoi avoir choisi une forme théâtrale, composée d’un prologue et de quatre actes?

«Nous avons voulu partir de points de références abordables: c’est une exposition très expérimentale. Les formats que nous avons utilisés, les sujets abordés peuvent être déroutants. Opter pour une forme théâtrale permettait de créer un point d’ancrage pour les visiteurs, une référence commune.

Ensuite, le théâtre ramène la performance à son essence, ses origines, la raison d’être de cette exposition.

Enfin, cette exposition est plutôt intuitive dans sa forme: la présenter sous forme d’actes qui se succèdent permet in fine de raconter une histoire, avec un début, un climax et une chute.

 

Soudain la lumière se tamise, les vidéos projetées se coupent. Les haut-parleurs diffusent une musique douce, apaisante – un slow – qui contraste avec l’atmosphère dérangeante qui émane des œuvres exposées. Un moment à la fois hors du temps et paisible, fascinant, peut-être même gênant…

 

Nous avons orchestré ces transitions comme des mini-performances au cœur même de l’exposition, une sorte de mise en abyme. Ainsi faisant, durant quelques minutes, les visiteurs ne se concentrent plus sur les œuvres ni les installations, mais sur leur ressenti, leurs émotions, comme lors d’une méditation.

«After Laughter Comes Tears» fait écho à une chanson de la chanteuse américaine Wendy Rene de 1964, «After Laughter»; le titre de l’acte 4 est un clin d’œil à la chanteuse Amy Winehouse, «Tears Dry Their Own»: en quoi était-ce important pour vous d’inclure des références à la pop culture dans cette exposition?

«Je pense que c’est très générationnel, nous sommes toutes les deux nées dans les années 1990, et pour nous, il n’y a pas de hiérarchie entre une culture dite savante et une autre plus populaire. Nous souhaitons créer des ponts entre les deux, les entrechoquer.

Insérer de nombreuses références à la culture populaire permet également de dialoguer davantage avec le public ; ce sont des mediums répandus qui permettent de capter une cible plus large, et surtout plus jeune. La nouvelle génération, grâce à la digitalisation, s’est aussi approprié ces codes, elle connaît ces références : ils peuvent ainsi se retrouver dans les messages que nous véhiculons. Enfin, la pop culture nous permet de casser l’image du musée intimidant, voire sacré. Le Mudam est une cathédrale de verre, éthérée, épurée : cela peut effrayer. Nous avons tenté d’y insuffler plus de légèreté pour le rendre moins dramatique, plus abordable.  

«After Laughter Comes Tears» – Une exposition performative en quatre actes.

Commissaires: Joel Valabrega et Clémentine Proby, assistées par Nathalie Lesure et Fanny Wateau, à voir au Mudam (galeries niveau 0 et Grand Hall) du 13 octobre 2023 au 7 janvier 2024.