Le président de la Cour constitutionnelle et de la Cour supérieure de justice a livré un aperçu de l’année 2020 qui placera encore la justice sous les projecteurs, tandis que Martine Solovieff, procureur général d’État, et la ministre de la Justice Sam Tanson sont revenues sur le cadre légal en matière de protection des données. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Le président de la Cour constitutionnelle et de la Cour supérieure de justice a livré un aperçu de l’année 2020 qui placera encore la justice sous les projecteurs, tandis que Martine Solovieff, procureur général d’État, et la ministre de la Justice Sam Tanson sont revenues sur le cadre légal en matière de protection des données. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

La Cité judiciaire a à son tour livré ses vœux pour 2020 après une année riche en émotions et en actualité, notamment avec l’affaire du «casier bis» sur laquelle la procureur général d’État est largement revenue.

Comme chez Déi Gréng la semaine dernière, le pot de Nouvel An de la justice a débuté sur une note nostalgique puisque le malaise cardiaque qui a failli coûter la vie au vice-Premier ministre  (Déi Gréng) et lui impose une convalescence longue et difficile reste dans tous les esprits l’événement majeur et malheureux de 2019. En particulier dans la «famille judiciaire», rappelle le président de la Cour supérieure de justice .

La procureur général d’État, , souligne de son côté la longue liste des projets évoqués par le ministre Déi Gréng lors du pot début 2019.  (Déi Gréng), qui a repris «quasiment au pied levé» ce complexe ministère, selon les mots de M. Wiwinius, a donné des nouvelles encourageantes de M. Braz pour l’avoir vu récemment, notant comme le Premier ministre  (DP) que son prédécesseur «plaisante» volontiers et progresse chaque jour.

Un juge supplémentaire à la Cour constitutionnelle qui a permis d’évacuer une affaire au long cours, une Cour de cassation qui a «enrichi» la motivation de ses décisions sur le modèle de sa cousine française: 2019 a été une année mouvementée et le sera peut-être moins que 2020, qui verra plusieurs magistrats de haut rang prendre leur retraite dans les différentes juridictions du pays. Le procès «Bommeleeër» et la visite des Cours suprêmes américaine et chinoise donneront de la visibilité à la Cité judiciaire.

Nous n’avons pas découvert la protection des données avec le RGPD.

Martine Solovieffprocureur général d’État

M. Wiwinius se languit toutefois de voir la naissance du Conseil suprême de la justice insérée dans la révision de la Constitution puisque celle-ci ne sera pas votée en bloc, mais saucissonnée d’après un ultime compromis à la Chambre des députés.

Mme Solovieff est, elle, largement revenue sur le sujet  pour la justice: «le débat sur la protection des données», né d’une simple affaire de candidature malheureuse auprès du Parquet. «Nous n’avons pas découvert la protection des données avec le RGPD», attaque-t-elle d’emblée, énumérant les dispositions déjà insérées dans le cadre légal depuis les années 1970 pour réglementer l’accès aux données collectées et leur conservation. Depuis la loi d’août 2018 transposant le RGPD en droit luxembourgeois, la justice s’est dotée d’un data protection officer «à tous les niveaux» et d’un coordinateur au niveau du Parquet général.

« parce que cela participe à la transparence de la justice et conditionne la confiance des citoyens dans la justice», plaide la procureur général d’État. Et d’énumérer les différentes banques de données, dont les plus vastes: Jucha (chaîne pénale), Cellule du renseignement financier, Jusur (surendettement), Juper (perquisitions, rattachée au cabinet d’instruction)… Autant d’outils dont l’accès est strictement encadré pour les besoins de la justice.

Nous n’avons pas dans nos banques des données sur les gens, où ils partent en vacances et avec qui.

Martine Solovieffprocureur général d’État

Mme Solovieff cite encore 19 traitements de données plus restreints (interdictions de conduire provisoires, sursis probatoires, caméras de surveillance…) et accessibles aux fonctionnaires munis d’une carte Luxtrust. Puis encore 47 catégories de données conservées en format papier uniquement, du registre des recours à la Cour de cassation aux documents relatifs à la nomination de magistrats.

«Nous n’avons pas dans nos banques des données sur les gens, où ils partent en vacances et avec qui», clame Mme Solovieff, toujours aussi indignée par le tsunami de questions et de reproches qu’elle a dû essuyer au nom de la justice l’an dernier – ce qui l’avait conduite à rédiger  diversement appréciée à la Chambre des députés avant l’.

Jucha, l’application permettant de retracer le parcours d’une affaire du protocole rédigé par la police à l’exécution de la peine, a en effet son utilité, rappelle-t-elle, citant l’exemple d’un procès en révision nécessitant de retrouver des documents de procédure. «L’application a d’ailleurs été présentée comme une ‘best practice’ par la sixième évaluation du Luxembourg sur la mise en œuvre des décisions Eurojust», souligne-t-elle encore. Sans oublier les autres dossiers d’actualité, de la 5G qui annonce des méthodes de cryptage plus complexes à déchiffrer au projet «Paperless Justice» qui commence à devenir visible avec la récente mise en ligne de 43.000 décisions anonymisées.

Un projet de loi sur les contrôles d’honorabilité avant Pâques

Mme Tanson a pour finir précisé les points qui lui tiennent à cœur au-delà de ce que prévoit l’accord de coalition: «la protection des plus vulnérables», englobant à la fois les enfants concernés par la protection de la jeunesse, qu’ils soient victimes ou qu’ils aient déjà eu affaire à la justice, et également les personnes âgées ou nécessitant une tutelle, sans oublier les victimes de traite d’êtres humains. Et également celui de l’efficacité de la justice, qu’elle avait détaillé .

Rebondissant sur les allusions à la protection des données, Mme Tanson a indiqué qu’un premier texte précisant la base légale pour les contrôles d’honorabilité sera livré avant les vacances de Pâques. Ces contrôles sont prévus pour le recrutement d’agents de sécurité ou bien pour délivrer une autorisation d’adoption. «Pour le citoyen, c’est important de savoir ce que l’on va faire de ses données», rappelle-t-elle. La ministre Déi Gréng a encore évoqué la nécessaire réforme de l’assistance judiciaire avec l’introduction de paliers à définir, et donc de frais d’avocats qui pourraient être partiellement pris en charge par l’État selon le revenu du justiciable.