Dans quelle mesure la technologie constitue-t-elle un allié indispensable en matière de gestion des exigences réglementaires?
Romain Swertvaeger. – «Les sociétés régulées font face à des enjeux de plus en plus complexes, découlant des nouvelles exigences réglementaires. Plus que jamais, elles doivent pouvoir opérer un suivi de leurs transactions dans l’optique de contribuer à la lutte contre la fraude et le financement du terrorisme. Considérant le volume croissant de données à traiter, ou encore les nouveaux risques qu’il faut désormais appréhender, les méthodes traditionnelles d’analyse des données ou de production de rapports ne fonctionnent plus. Il est désormais nécessaire de s’appuyer sur la technologie, avec les possibilités qu’elle offre en matière d’automatisation ou d’identification de comportements frauduleux via l’intelligence artificielle, afin de parvenir à répondre à une pression réglementaire croissante.
Comment les acteurs de la finance parviennent-ils à mettre en œuvre ces technologies?
«L’adoption de la technologie est un enjeu-clé. Si, d’une part, on voit émerger des solutions efficientes dans le domaine de la regtech, notamment au Luxembourg, elles peinent encore trop souvent à être déployées. Le véritable frein réside dans l’intégration de ces solutions au niveau des environnements informatiques des acteurs de la finance. À leur niveau, il faut parvenir à faire évoluer les systèmes, pour plus d’agilité, mais aussi la culture et les compétences à l’échelle de l’entreprise. Les institutions financières doivent s’engager plus intensément dans des dynamiques de transformation et d’innovation, en collaborant mieux avec les acteurs de la regtech.
Si, d’une part, on voit émerger des solutions efficientes dans le domaine de la regtech, notamment au Luxembourg, elles peinent encore trop souvent à être déployées.
Quel est l’avantage de s’appuyer sur des solutions regtech?
«Les acteurs de la regtech, s’appuyant sur leur maîtrise des possibilités offertes par la technologie, mettent en œuvre des solutions adaptées aux défis réglementaires actuels. À travers une regtech, l’entité régulée accède directement à des outils efficients d’analyse des données, s’appuyant sur l’intelligence artificielle ou le machine learning pour la détection des fraudes ou encore la maîtrise des risques. Elle peut beaucoup plus facilement améliorer ses processus, pour la production de rapports réglementaires par exemple. En ayant la possibilité d’intégrer facilement ces solutions, un acteur financier peut considérablement réduire ses coûts de mise en conformité et de gestion de la compliance pour gagner en efficacité.
Comment se développent les acteurs de la regtech au Luxembourg?
«Alors que le marché luxembourgeois est idéal pour permettre à des acteurs majeurs d’émerger, l’adoption de ces solutions est encore trop timide. Si bien que les représentants de la regtech, bien que prometteurs, peinent à accéder à des financements ou à des clients. Nous comptons tout de même quelques structures figurant dans le top 100 des regtechs mondiales, comme Scorechain, LUXHUB ou Governance. Mais on peut faire mieux. Il y a chez nous beaucoup de petits acteurs et de super solutions que nous devons aider à grandir à l’échelle européenne pour faire de ce domaine un vrai relai de croissance pour l’économie du pays.
Alors que le marché luxembourgeois est idéal pour permettre à des acteurs majeurs d’émerger, l’adoption de ces solutions est encore trop timide.
L’autre intérêt d’une regtech est qu’elle apporte une solution efficiente à un enjeu réglementaire commun à l’ensemble des acteurs…
«Si le cadre européen est commun, des différences persistent entre chaque pays, dans la manière d’établir un rapport réglementaire destiné aux autorités de surveillance par exemple. Pour toute solution, des adaptations devront toujours être apportées en fonction du pays. Mais cet enjeu est accessoire et ne doit pas gâcher le potentiel énorme qu’il y a à voir émerger des champions dans le domaine de la regtech.
N’y a-t-il pas un intérêt à voir se développer des initiatives de marché?
«Si, certainement. L’exemple de LUXHUB montre la pertinence du modèle. Plusieurs banques ou entités régulées se regroupent pour trouver et mettre en œuvre une solution à un problème commun, qu’elles peuvent même proposer à d’autres structures. On voit aussi émerger des approches de managed services dans le domaine de la compliance, à l’instar de la plateforme que nous déployons au niveau d’EY. Les acteurs régulés ont la possibilité de s’appuyer sur des prestataires tiers, qui pourront eux-mêmes s’appuyer sur des solutions regtech, pour la gestion de processus en lien avec la compliance, comme la production de rapports ou l’analyse KYC. Plusieurs modèles vont se développer à l’avenir, entre solutions de marchés, services externalisés et intégration de solutions regtech au cœur de ses propres systèmes.»