Dès la parution de la circulaire 781 émise par l’Administration de l’enregistrement et des domaines (AED) le 30 septembre 2016, circulaire qui instaurait un assujettissement à la TVA des administrateurs indépendants, l’institut luxembourgeois des administrateurs était monté au créneau pour contester cette décision. Une décision qui «ne tenait aucun compte des réalités du métier d’administrateur» selon , .
Pour résumer l’affaire, la directive TVA prévoit qu’«est considéré comme assujetti quiconque accomplit d’une façon indépendante et à titre habituel des opérations relevant d’une activité économique généralement quelconque». Et sur base de ce texte, l’administration considérait que les administrateurs indépendants de sociétés devaient s’acquitter de la TVA. Ce qu’a contesté en justice un administrateur indépendant devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg le 26 janvier 2021.
Tribunal qui a posé à la CJUE deux questions: «Une personne physique, membre d’un conseil d’administration d’une société anonyme de droit luxembourgeois, exerce-t-elle une activité économique au sens de l’article 9 de la directive et est-ce que les tantièmes perçus par cette personne sont à considérer comme une rétribution obtenue en contrepartie des services fournis à cette société»? Le tribunal demandait également à la Cour si «une personne physique, membre d’un conseil d’administration d’une société anonyme de droit luxembourgeois, exerce son activité de façon indépendante au sens des articles 9 et 10 de la directive TVA?».
Suivant en cela les conclusions de l’avocat général déposées le 13 juillet dernier, la Cour dans l’arrêt C-288/22 du 21 décembre a répondu oui à la première question et non à la seconde. Exonérant de facto les administrateurs indépendants d’un assujettissement à la TVA.
Une taxation unique en Europe
Une décision qui réjouit l’actuelle présidente de l’ILA, pour qui l’assujettissement des administrateurs à la TVA – «fait unique en Europe» – . Cette décision, c’est un peu un cadeau de Noël avant l’heure. «Elle va dans le sens de ce que dit l’ILA depuis 2016, à savoir que les services fournis par un administrateur, même indépendant, ne pouvaient pas être considérés comme une activité économique indépendante vu que l’administrateur était membre d’un organe statutaire. C’est une bonne nouvelle pour nos membres qui auront moins de travail administratif à fournir et pour les sociétés qui ont recours à leurs services et qui ne pouvaient répercuter cette TVA.» La présidente de l’ILA espère même que cette «clarification» incitera les sociétés à recourir plus souvent à des administrateurs indépendants.
L’affaire n’est pas tout à fait close. Il va falloir parler maintenant restitution de l’impôt indu. Un impôt perçu depuis 2017.
L’impact sur les finances publiques encore inconnu
L’Administration de l’enregistrement a, dans la foulée de la publication de l’arrêt, sorti une dans laquelle elle indique que dès qu’interviendra la décision du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, l’administration veillera à une «régularisation non bureaucratique» de la taxe dans le chef des administrateurs jusqu’au délai de prescription. Une circulaire détaillée sera émise à ce moment. Elle s’adressera également aux sociétés dans la TVA été facturée par leurs administrateurs.
«Nous allons travailler sur tout ce volet régularisation et notre souhait est de la faire en collaboration avec l’administration pour rendre effectivement cette étape moins bureaucratique et aussi pragmatique que possible. Si on doit régulariser cinq années de TVA, il va falloir trouver une solution qui soit réalisable pour tout le monde», poursuit Virginie Lagrange qui souhaite obtenir dès le début de l’année un rendez-vous avec l’administration.
L’arrêt n’est pas une bonne nouvelle pour l’AED qui non seulement va devoir rembourser le trop-perçu, mais perd également une source de recettes. Car logiquement, les effets de la circulaire 781 sont suspendus avec effet immédiat. De quels montants parle-t-on? Virginie Lagrange ne peut les estimer. Interrogé sur les conséquences prévisibles de l’arrêt, le ministère des Finances s’est borné à faire la déclaration suivante: «il est encore trop tôt pour se prononcer sur le trop perçu voire les sommes à rembourser par l’État».