Vous venez d’arriver au Luxembourg avec l’ouverture du restaurant Miel et Safran. Mais votre parcours est déjà bien rempli. Pouvez-vous nous expliquer quelle a été votre trajectoire?
Adil Soudani. – «J’ai fait l’école hôtelière à Marrakech, puis j’ai travaillé là-bas dans un hôtel. Par la suite, je suis arrivé à Metz et je devais trouver un travail. J’ai alors postulé pour la cafétéria du supermarché Cora, au département traiteur. Par la suite, je suis devenu chef de rayon traiteur, charcuterie et fromage où j’ai appris une autre culture de la cuisine. En 2011-2012, je suis parti en Irak pour ouvrir le premier Carrefour dans ce pays. À mon retour, j’ai voulu revenir à mes premières amours et j’ai ouvert mon restaurant.
D’où vient votre goût pour la cuisine?
«Quand j’étais petit, ma mère travaillait toute la journée, de 6h du matin à 20h le soir. Elle me donnait l’équivalent de deux euros pour que j’aille acheter les ingrédients de nos repas et que je cuisine pour mes frères et sœurs. J’allais alors sur le marché, à la fin de la vente, pour avoir les produits le moins cher possible et je cuisinais avec ce que j’avais pu acheter sur le marché.
Et ma mère était toujours surprise, car j’inventais des choses, au-delà de ce qu’elle m’avait montré ou que j’avais appris avec ma grand-mère. Je me souviens par exemple que j’étais le premier dans la famille à servir des carottes en lamelles. Habituellement chez nous, nous mangeons les carottes en morceaux ou râpées, mais pas en lamelles. Mais avec un économe, j’avais trouvé cette autre façon de préparer les carottes.
En 2014, vous avez ouvert votre restaurant à Yutz.
«Quand on arrive en tant que Marocain dans le milieu de la restauration en France, on a toujours une connotation de couscousserie. Mais je voyais les choses autrement. D’un point de vue économique, je devais trouver la formule pour atteindre les 20-80, c’est-à-dire les 20% de clientèle qui me rapportent 80% de mon chiffre d’affaires. Ce sont ceux qui cherchent le couscous.
Mais par la suite j’ai fait évoluer la carte, en ajoutant des tajines de poissons, et d’autres sortes de tajines que les gens ne connaissaient pas encore, puis les tanjia, les grillades… J’ai essayé de faire voyager les gens à travers toute la cuisine marocaine et pas uniquement à travers le couscous.
Pouvez-vous nous expliquer un peu plus ce qu’est la tanjia?
«C’est une jarre en terre cuite qui nous sert à cuire la viande pendant 12 à 13h. J’ai ajouté du safran, du cumin, du beurre – rance, de préférence –, du citron confit. Et on laisse le mélange mijoter sur des braises durant toute une nuit. La base de notre travail est la cuisine mijotée, à côté du feu, à basse température.
Parlez-nous de votre plat signature qui est proposé dans votre restaurant de la rue Notre-Dame.
«On en a plusieurs à vrai dire, comme le poulpe grillé et ses haricots blancs au safran. Le poulpe est en fait cuit de trois façons, d’abord à la vapeur, puis plongé dans un bain d’huile et finalement grillé, ce qui amène à la fois le moelleux à l’intérieur et le croustillant à l’extérieur. Et toutes les sortes de tanjia, tout comme les pastilla bœuf, poulet ou souris d’agneau.
Pourquoi avoir choisi d’ouvrir un restaurant à Luxembourg, alors que vous aviez déjà la clientèle luxembourgeoise à Yutz?
«L’ouverture est liée à la rencontre avec , qui est mon partenaire pour ce restaurant. Nous nous sommes rencontrés grâce à des amis en commun. Son rêve a toujours été d’ouvrir un restaurant. Il connaissait mon restaurant en France et m’a proposé d’avoir une seconde adresse ici. Il disposait déjà d’un local, ce qui a facilité le développement.
Tout seul je ne l’aurais jamais fait, car après la crise sanitaire, il y a maintenant l’inflation qui ne simplifie pas notre travail. Je dois vous avouer que c’était le dernier de mes soucis d’ouvrir une nouvelle adresse. Mais avec le bon partenaire à mes côtés, j’ai accepté de relever le challenge.
Vous avez, je crois, d’ailleurs déjà d’autres ambitions ensemble…
«On réfléchit en effet à développer l’activité, à la fois au restaurant, en proposant par exemple de la vente à emporter et un service traiteur. Mais nous voulons prendre le temps de bien concevoir cela. Ne réfléchissons aussi à nous rapprocher de la clientèle de Belval et de celle du Nord du pays.»
Miel et Safran, 15, rue Notre-Dame à Luxembourg. T. 26 67 50
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