«C’est aux adultes de se contraindre afin que les enfants puissent être le plus libres possible», explique Alain Massen, président de la Représentation nationale des parents. (Photo: Andrés Lejona/Maison Moderne/archives)

«C’est aux adultes de se contraindre afin que les enfants puissent être le plus libres possible», explique Alain Massen, président de la Représentation nationale des parents. (Photo: Andrés Lejona/Maison Moderne/archives)

Alors que les mesures sanitaires dans les écoles ont été renforcées récemment, et que la vaccination des 5-11 ans a débuté mardi 14 décembre, Alain Massen, président de la Représentation nationale des parents, fait le point sur la situation et sur les solutions qui pourraient être mises en place.

Le conseil de gouvernement a décidé, le 26 novembre dernier, d’un ajustement des mesures sanitaires en vigueur dans les écoles. Quelle a été la réaction des parents d’élèves?

Alain Massen. – «On observe, particulièrement au niveau du fondamental, une hausse assez sérieuse du nombre d’infections ces dernières semaines. Dans les lycées, l’augmentation est moins importante parce qu’il y a plus de jeunes qui peuvent se faire vacciner. Beaucoup commencent à s’inquiéter, et il y a des mouvements de parents qui demandent des mesures plus sévères, pour le port du masque en permanence à l’école, par exemple. Et il y a une autre fraction de parents qui sont à l’opposé de cela, qui pensent que l’on a déjà des mesures trop limitatives, qu’il faudrait laisser les enfants tranquilles, que la vaccination des enfants est peut-être dangereuse, etc. Comme dans la société, on a les deux positions opposées. Chacune devient de plus en plus dure, et nous ressentons cela en tant que représentants. Je suis énormément sollicité, et la difficulté est de les représenter tous.

Je pense qu’il est maintenant temps pour les aînés de protéger les enfants.
Alain Massen

Alain MassenReprésentation nationale des parentsprésident

Quelle est votre position au sein de la Représentation nationale des parents?

«Nous, nous avons une position qui ne se retrouve dans aucun de ces deux extrêmes. Nous sommes bien d’accord sur le fait qu’il faut mettre en place une certaine sécurité et qu’il ne faut prendre aucun risque inutile. Dans le même temps, nous pensons aussi qu’il est important que les enfants puissent retrouver une certaine ‘normalité’ dans leur quotidien. Il ne faut pas oublier que, pendant un an et demi de pandémie, on a finalement demandé aux enfants de se sacrifier: on a fermé les écoles, on a fait de l’enseignement à distance, ils avaient le masque en permanence à l’école, ne pouvaient plus faire de sport... On a mis en place beaucoup de mesures, mais pourquoi? Parce qu’on leur a dit qu’ils devaient protéger leurs aînés.

Que souhaitez-vous à présent?

«Je pense qu’il est maintenant temps pour les aînés de protéger les enfants. C’est pour cela que j’ai du mal à demander une généralisation tous azimuts de mesures plus sévères, telles que, par exemple, le port du masque toute la journée pendant les mois à venir. Et je ne souhaite pas que les enfants soient une nouvelle fois ceux qui sont le plus limités dans leur développement, dans leur comportement social. L’apprentissage des langues, notamment, est beaucoup plus compliqué avec le port du masque, et c’est essentiel dans notre pays multilingue d’apprendre correctement les langues. Pourquoi serait-ce encore aux enfants de se sacrifier alors que les adultes qui disposent du CovidCheck peuvent aller partout, enlever le masque, faire la fête avec des centaines de personnes, alors qu’ils peuvent être porteurs du virus? Si l’on veut protéger les enfants, et éviter qu’il y ait beaucoup d’enfants malades, c’est aux parents et aux adultes de prendre leurs responsabilités, et de faire tout ce qui est possible pour les protéger, en se faisant éventuellement vacciner, en gardant le masque malgré le CovidCheck, en continuant à faire des tests avant les rencontres sociales. Donc, c’est aux adultes de se contraindre afin que les enfants puissent être le plus libres possible.

Que pensez-vous de l’annonce faite visant à lancer la vaccination des 5-11 ans mardi 14 décembre?

«Je ne fais pas de discours pour ou contre le vaccin, parce que c’est à chacun de faire son choix, mais je trouverais horrible qu’en janvier, on en arrive à mettre la pression aux parents pour qu’ils vaccinent leurs enfants, tout simplement parce qu’une partie de la population ne se vaccine pas. Il y a des parents qui ne veulent pas faire vacciner leurs enfants, d’autres qui veulent le faire, et je pense que cela est de la responsabilité de chacun. Mais je pense qu’il ne faut à aucun moment exercer une pression quelconque, ni sur les enfants, ni sur les parents, comme cela a pu être fait au lycée.


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C’est-à-dire?

«Nous avons eu des rapports d’adolescents qui, dans leur classe, ont été mis sous pression par leurs enseignants, ou, disons, par le système scolaire. Pour participer à telle excursion, on ne prend que les vaccinés, etc. Cela revient à de la discrimination, et je ne le tolérerai pas dans le fondamental.

Quelle est votre position sur le port du masque?

«Sur la question du port du masque, on tombe rapidement dans un discours pour ou contre, et nous sommes d’avis que la situation n’est pas la même dans toutes les écoles du pays. Dans certaines, il y a effectivement beaucoup d’infections, mais dans d’autres, il n’y en a quasiment jamais eu. C’est pour cela que l’on ne souhaiterait pas un port du masque généralisé pour tous les enfants du fondamental du pays. Il faudrait développer un modèle où l’on calcule en quelque sorte l’incidence par école, et qu’on la vérifie toutes les semaines ou deux fois par mois. Et si l’incidence dépasse un certain seuil défini par le ministère de la Santé, faire porter pendant deux semaines le masque à tous et réaliser des tests rapides tous les jours jusqu’à ce que la situation se calme. Quand le seuil est retombé, les libertés reprennent. Comme ça, on pourrait gérer le niveau d’infection sans être trop laxistes non plus, donc c’est une position intermédiaire qui prend bien en compte la situation de risque au niveau local.

C’est une proposition que vous avez faite au ministère de l’Éducation?

«Oui, on en parle depuis un an déjà. L’idée est d’avoir un modèle qui réagit rapidement sur la base du risque d’infections, avec un éventail de mesures selon les situations et les écoles, au lieu d’avoir une loi qui change tous les trois mois.

Il ne faut pas qu’une culpabilisation s’installe dans la tête des enfants; les enfants doivent retrouver le droit de redevenir des enfants.
Alain Massen

Alain MassenReprésentation nationale des parentsprésident

Y a-t-il des mesures auxquelles vous étiez favorable parmi celles prises le 26 novembre?

«Relever la fréquence des testings était quelque chose qui était important pour nous, il faut aussi motiver les parents à y participer. Je pense qu’ils ne nuisent à personne, ils ne sont pas invasifs, et c’est un bon moyen pour avoir une information rapide, même s’ils ne sont pas forcément fiables à 100%.

Le gouvernement a notamment envoyé aux parents une attestation de consentement pour ces testings, beaucoup de parents refusent…

«Je n’ai pas le chiffre exact, mais je crois que l’on est au-delà des 90% d’autorisations, donc je pense qu’il y a une acceptation qui est plus importante maintenant qu’il y a quelques mois.

Vous avez l’impression qu’auparavant, les parents étaient davantage contre?

«Ils étaient plus sceptiques, et la situation était plus calme. Je pense qu’entre-temps, chacun a utilisé assez d’autotests pour se rendre compte que cela ne faisait rien. Il y avait beaucoup de craintes, mais qui maintenant se sont dissipées.

Vous qui êtes psychothérapeute de métier, comment percevez-vous les parents et les élèves à bientôt deux ans de pandémie?

«Je pense que tout le monde en a marre, tout le monde veut tourner la page, mais, malheureusement, la réalité nous rattrape, les infections reprennent. Les gens ont une lassitude, une démotivation qui s’installe. Au niveau des enfants, cela leur rappelle aussi à tout moment que l’autre peut être dangereux pour eux, et surtout les jeunes enfants. Au début de la pandémie, quand les restrictions étaient encore plus strictes avec des petits groupes, qu’il ne fallait pas qu’ils se touchent entre eux, jouer avec les mêmes jouets… c’était très grave. On leur apprenait que leurs amis étaient des dangers pour eux, et pour leurs familles. Et il ne faut pas qu’une culpabilisation s’installe dans la tête des enfants; les enfants doivent retrouver le droit de redevenir des enfants, c’est avant tout l’insouciance et l’innocence qui devraient les guider dans le quotidien.»