En 2020, les ménages ont vu leur patrimoine croître de 35.000 milliards d’euros (+9,7%). (Photo: Shutterstock)

En 2020, les ménages ont vu leur patrimoine croître de 35.000 milliards d’euros (+9,7%). (Photo: Shutterstock)

Les actifs financiers des ménages, portés par la bonne santé des bourses et l’épargne forcée due au Covid, franchissent pour la première fois la barre symbolique des 200.000 milliards d’euros, soit 300% du PIB mondial.

Selon l’édition 2021 de l’«» consacrée au patrimoine des ménages, sur un an, les actifs de ces derniers ont progressé de 35.000 milliards d’euros en 2020 (+9,7% sur un an). Une progression due à une «épargne forcée» et au soutien indirect des politiques économiques et monétaires prises face au Covid.

«L’épargne forcée» liée au Covid s’est traduite par le gonflement des bas de laine de 78% au niveau mondial, soit 5.200 milliards d’euros. Un record absolu qui s’explique par les effets du confinement et la baisse drastique des possibilités de consommation.

Au Luxembourg, selon le Statec, . Un record.

Dans le même temps, la croissance des actifs financiers a été portée par les bonnes performances des marchés boursiers, dopés par les politiques monétaires et budgétaires accommodantes. Les valeurs mobilières ont progressé de 10,9% et les actifs des assurances et des fonds de pension de 6,3%. Et cela ne devrait pas s’arrêter. Allianz estime que la croissance des actifs financiers, «sans correction boursière majeure», devrait atteindre 7% en 2021.

Le décalage entre la richesse et la croissance économique a rarement été aussi prononcé qu’en 2020: les actifs financiers mondiaux ont augmenté de 11,6% de plus que la production économique, relève l’étude.

L’Amérique en leader, l’Asie en outsider

Les ménages d’Amérique du Nord détiennent près de la moitié du total des actifs financiers privés dans le monde, et leur part est restée stable au cours de la dernière décennie. Fin 2020, les actifs financiers moyens par habitant s’élevaient à 260.580 euros aux États-Unis, soit un facteur de 7,2 supérieur à la moyenne mondiale de 35.970 euros. Il était de 7 en 2000.

En Europe occidentale, la richesse financière moyenne par habitant atteint 99.270 euros. Avec une tendance, le report avec la moyenne mondiale passant de 3,5 en 2000 à 2,8 en 2020.

En Asie, par contre, les actifs financiers par habitant ayant été multipliés par plus de cinq en moyenne depuis 2000. Ce n’est pas pour rien que la région est devenue un marché prioritaire pour les banques privées et gestionnaires d’actifs.

La clé de la croissance élevée des actifs réside dans la structure du portefeuille, c’est-à-dire dans le comportement d’épargne. Les épargnants américains détiennent près de 55% de leurs actifs financiers sous forme de titres, principalement des actions, et ont donc pu profiter largement du boom boursier de ces dernières années. En Europe occidentale, par contre, cette proportion est d’un peu moins de 28% et au Japon de 16% seulement.

Le succès de cette stratégie d’investissement peut être clairement quantifié. Au cours des cinq dernières années, l’augmentation de la valeur des actifs détenus a représenté 70% de la croissance totale des actifs aux États-Unis. Pour l’Europe occidentale, ce ratio est de 46%.

La menace d’une bulle de l’épargne

Toute cette masse d’épargne accumulée en 2020 n’est pas forcément une bonne chose pour l’économie.

Cette progression de 78% contraste avec les reculs successifs du PIB mondial de 0,1% en 2019 et de 3,3% en 2020, créant ainsi un risque de bulle. 

Du côté des banques, dans l’actuel contexte de taux négatifs, ce surplus de dépôts pose un réel problème. Le secteur bancaire a attiré plus de 50% de cette manne, les nouveaux dépôts ayant presque triplé (+187%) sur la période.

Il est «commercialement» difficile de répercuter des taux négatifs à ses déposants. Les banques le font indirectement en jouant sur les frais, mais peu osent le faire frontalement. Répercuter pose un véritable problème: les dépôts sont la principale source de financement des banques. Les taxer pourrait leur faire perdre ce flux. Les banques se surveillent donc les unes les autres. Ce n’est que si toutes sautaient le pas que cette répercussion deviendrait une norme assumée de marché.

L’autre menace, c’est l’ampleur d’un éventuel mouvement de «désépargne» suite à un rétablissement de la confiance. La consommation de rattrapage qui s’ensuivrait pourrait alimenter l’actuel rebond de l’inflation actuellement due à des goulets d’étranglement et rendre l’actuelle inflation – que la quasi-totalité des observateurs et des décideurs qualifie de transitoire – réellement structurelle. Ce qui engendrerait une remontée des taux d’intérêt beaucoup plus problématique à gérer par les banques centrales.