C’est le 21 décembre 2012 qu’a été votée la première loi sur les multi-family offices au Luxembourg, faisant du pays l’un des seuls à encadrer cette activité. Cette initiative a permis de déterminer les conditions permettant d’exercer ce métier, notamment à travers l’obtention d’un agrément de la CSSF. «Cet agrément ne permet pas aux multi-family offices de faire de la gestion d’actifs au sens strict. Ceux-ci s’attachent à fournir un conseil sur la structuration d’opérations d’investissement complexes, de co-invest ou autres club deals, ainsi que sur l’allocation d’actifs, la consolidation ou encore le reporting par rapport à toute classe d’actifs», rappelle Pascal Rapallino, président de la LAFO (Luxembourg Association of Family Offices). «En ce sens, un family office ne va donc jamais venir concurrencer directement le travail des banques ou des gestionnaires d’actifs.»
Cette mise au point ne vaut toutefois que pour les pure players, c’est-à-dire les family offices qui n’exercent que cette seule activité. «Sur la base de la loi de 2012, les avocats, notaires, banques, experts-comptables ou certains PSF peuvent aussi étendre leurs activités aux services de family office sur simple demande à la CSSF», poursuit Pascal Rapallino. «On se retrouve alors dans une situation où ces autres professionnels du secteur financier peuvent en effet concurrencer le travail des family offices. Cela dit, il y a encore de la place pour tout le monde sur le marché luxembourgeois, et la concurrence s’avère plutôt saine et créatrice de valeur pour le client.»
Où trouver la croissance?
Cette concurrence incite les sociétés bénéficiant de l’agrément de multi-family office à se distinguer pour sortir du lot et maintenir leur croissance. Pour y parvenir, différentes stratégies sont déployées. «On peut développer de nouveaux services afin d’accroître ses revenus. On peut, par ailleurs, réaliser des acquisitions qui permettent de récupérer à la fois les forces vives et la clientèle de la société qui a été achetée. Enfin, il est possible d’explorer des marchés de niche – private equity, club deal, investissements verts, etc. – pour obtenir une vraie croissance organique. Mais grandir à travers l’acquisition de nouveaux clients est clairement l’option la plus délicate aujourd’hui», estime le président de la LAFO. Or, avec le retour de l’inflation et la hausse des taux d’intérêt, certaines familles sont plus précautionneuses dans leurs investissements.
Cela les incite-t-il à chercher aussi, en plus d’un service de haute qualité, des prix plus attractifs? S’agit-il là d’un autre élément de différenciation?
«Je pense que les clients font peut-être plus attention aux frais qui leur sont facturés aujourd’hui, mais je crois aussi que lorsqu’ils ont trouvé le partenaire qui leur offre toute la confiance souhaitée, ce n’est pas là l’élément principal», commente Pascal Rapallino. D’ailleurs, encore faudrait-il pouvoir offrir des honoraires réduits, considérant que les coûts des multi-family offices, comme ceux de l’ensemble des acteurs régulés du monde financier, ont considérablement augmenté en raison des nouvelles réglementations mises en place au cours des dernières années. «Diminuer les frais pour attirer les clients est délicat dans ce contexte, car il faut veiller à assurer la pérennité de l’entreprise. Il y a une vraie pression sur les marges, qui entraîne un phénomène de consolidation comparable à celui que l’on connaît au niveau des banques», ajoute Pascal Rapallino.
Plus ou moins de family offices grâce à la loi?
Selon le président de la LAFO, la loi de 2012 contribue au développement de cette activité. Elle rassure des clients étrangers qui, sans cela, hésiteraient peut-être à positionner la gestion de leurs affaires familiales dans un pays qu’ils ne connaissent pas forcément, comme le Luxembourg. «Cela dit, il reste difficile d’évaluer la contribution de cette loi à l’attraction des family offices au Luxembourg, explique-t-il.
«Si elle fixe un cadre apprécié, elle engendre aussi des coûts importants pour les sociétés qui veulent s’installer au Luxembourg, ce qui en rebute certaines.» Pascal Rapallino fait référence au coût significatif – plusieurs centaines de milliers d’euros – qu’impliquent la demande d’agrément auprès de la CSSF et la gestion de l’entité régulée, une fois celui-ci obtenu. «Le Luxembourg reste toutefois compétitif, car l’écosystème local est très riche pour les familles qui ont besoin d’une base en Europe. La seule chose qui mériterait d’être améliorée est la difficulté à ouvrir un compte bancaire pour créer une société au Luxembourg. Mais je pense que le problème est désormais bien connu du monde politique. Espérons que les choses changent rapidement à ce niveau», conclut le président de la LAFO.
Cet article a été rédigé pour le supplément de l’édition de parue le 29 mars 2023. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.
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