Cela permettra de franchir une «étape historique», écrit l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans son communiqué de presse. Mardi 11 juillet, 138 pays et juridictions (dont le Luxembourg), représentant plus de 90% du PIB mondial, se sont accordés sur une «déclaration de résultat» pour la mise en œuvre de la réforme du système fiscal international, qui vise à lutter contre l’évasion fiscale des multinationales.
Quel contexte?
. On a surtout parlé du pilier 2, qui vise à introduire un impôt mondial minimum de 15% sur les sociétés. Sont concernées celles qui réalisent un chiffre d’affaires d’au moins 750 millions d’euros. De quoi rapporter 150 milliards de dollars de recettes fiscales mondiales supplémentaires par an.
Le pilier 1 doit quant à lui «garantir une répartition plus équitable entre les pays des bénéfices des entreprises multinationales les plus grandes et les plus rentables». Ceci en réattribuant certains droits d’imposition sur les multinationales depuis leurs pays d’origine vers les marchés dans lesquels elles exercent et réalisent des bénéfices, qu’elles y aient ou non une présence physique. Sont ici concernées les entreprises dont le chiffre d’affaires mondial dépasse 20 milliards d’euros et dont la rentabilité est supérieure à 10%. Ce sont 25% de leurs bénéfices au-delà de ce seuil de 10% qui doivent être réalloués. L’OCDE prévoit 125 milliards de dollars de bénéfices réattribués par an, grâce à ce pilier 1.
Alors, qu’y a-t-il de nouveau?
Si l’implémentation du pilier 2 est déjà en cours dans une cinquantaine d’États – – des détails techniques restaient à éclaircir pour le pilier 1. Après 20 mois de négociation et un an de retard par rapport à ce qui était prévu, les pays viennent d’acter comment ils vont, concrètement, le mettre en place.
Que prévoit le nouvel accord?
Cela passe par une «convention multilatérale» (CML), incluse dans la «déclaration de résultat», qui détaille «la portée et le fonctionnement du droit d’imposition autorisé, les mécanismes d’allégement de la double imposition et une procédure garantissant la sécurité juridique en matière fiscale». Des dispositions visent aussi à «tenir compte des circonstances particulières des pays en développement».
Certains États avaient pris de l’avance en instaurant leurs propres taxes sur les services numériques. Le texte prévoit de les suspendre entre le 1er janvier et le 31 décembre 2024 ou, si elle arrive plus tôt, lors la date d’entrée en vigueur de la CML (qui prévoit les modalités de suppression de ces taxes nationales ensuite). La suspension s’appliquera seulement si au moins 30 juridictions, représentant 60% des entités mères des multinationales entrant dans le champ d’application du pilier, signent la CML avant fin 2023.
Une bonne nouvelle pour les plateformes numériques. 15 d’entre elles avaient demandé l’accélération de l’adoption de ce pilier par l’OCDE dans une lettre ouverte, s’inquiétant des taxes nationales notamment en France,
La déclaration de résultat précise aussi le cadre pour «l’application simplifiée et rationalisée du principe de pleine concurrence aux activités de commercialisation et de distribution». Et la «règle d’assujettissement à l’impôt (RAI)», pour l’application du pilier 2 dans les pays en développement. Ceux qui ont des taux inférieurs au taux minimum le mettront en œuvre dans le cadre de conventions bilatérales avec d’autres pays en développement, au minimum à 9%.
La préparation d’un plan d’aide à la mise en œuvre de l’accord en deux piliers est aussi évoquée.
Quel calendrier?
Prochaine étape: les pays doivent encore ratifier la CML sur laquelle ils se sont mis d’accord. Une cérémonie de signature sera organisée d’ici la fin de l’année, pour une entrée en vigueur en 2025.
Des travaux doivent se poursuivre jusqu’à la fin d’année concernant le second point (l’application simplifiée et rationalisée du principe de pleine concurrence aux activités de commercialisation et de distribution). L’OCDE veut l’intégrer dans ses «principes applicables en matière de prix de transfert» d’ici janvier 2024.
Enfin, la documentation pour la RAI doit être publiée la semaine prochaine et l’instrument multilatéral de sa mise en œuvre sera ouvert à la signature à partir du 2 octobre.
Plus globalement, la déclaration de résultat (qui regroupe tous les points mentionnés ci-dessus) sera présentée aux ministres des Finances et gouverneurs de banques centrales des pays du G20 lors de leur prochaine réunion en Inde, les 17 et 18 juillet.
Avant cela a lieu, ces jeudi 13 et vendredi 14 juillet, une réunion des ministres des Finances européens à Bruxelles. Celle du Luxembourg, (DP), y participe. «Je me réjouis de l'accord conclu hier», commente-t-elle, après publication de l’article. «Depuis le début, le Luxembourg soutient pleinement la solution mondiale visant à relever les défis fiscaux liés à la numérisation de l'économie.» Elle «créera un environnement plus équitable où la fiscalité ne constituera qu’un facteur parmi plusieurs dans la compétitivité d'un pays.»
, où sont implantées plusieurs entreprises internationales, notamment Amazon. Pour la ministre, «il est difficile de mesure précisément l’impact de cette réforme».