Le projet CBCR a été déposé en 2016 par la Commission Juncker en réponse à LuxLeaks et aux Panama Papers. (Photo: Jock Fistick/SIP)

Le projet CBCR a été déposé en 2016 par la Commission Juncker en réponse à LuxLeaks et aux Panama Papers. (Photo: Jock Fistick/SIP)

Après cinq années de blocages, les institutions européennes sont parvenues à un accord final sur le reporting fiscal pays par pays des multinationales.

Le projet de directive CBCR (Country-by-Country Reporting) relatif à la création pour les multinationales d’un reporting fiscal pays par pays avait été déposé en 2016 par la Commission Juncker. Ce texte, considéré comme central dans la lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscales, était une réponse politique européenne aux scandales des Panama Papers et des LuxLeaks.

À partir de 2023, il imposera aux entreprises implantées dans l’UE et affichant plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires de rendre publique toute une série de données fiscales et comptables (soit la nature des activités de l’entreprise, le nombre d’employés à plein temps, le montant des bénéfices ou des pertes avant impôt sur le revenu, le montant des impôts sur le revenu accumulés et payés ainsi que des bénéfices accumulés) en les ventilant dans chacun des 27 États membres où elles exercent. Ces informations devront être disponibles sur internet, dans un format unique et lisible par une machine.

Le Parlement européen souhaitait que ces données concernent tous les pays dans lesquels les multinationales ont une activité et pas uniquement l’UE. Ce ne sera que partiellement le cas, les entreprises devant fournir ces données «seulement» pour leurs activités dans les pays figurant sur les listes noire et grise des paradis fiscaux de l’UE. Les «juridictions non coopératives», selon le jargon communautaire. Pour le reste du monde, seules des données agrégées seront demandées.

Plusieurs ONG, dont Oxfam et Transparency International, dénoncent un échec: «Alors qu’une seule filiale permet de faire de l’évasion fiscale, il est indispensable que les reportings couvrent tous les pays du monde pour pouvoir analyser les transferts artificiels de bénéfices», soulignent-elles dans un communiqué commun. Pour les défenseurs du projet, une fois les plus grandes entreprises obligées de révéler leurs profits et leurs impôts par pays d’opération, l’évasion fiscale sera virtuellement impossible.

Malte, Chypre, l’Irlande et les Pays-Bas sous pression

Le communiqué de presse du Parlement européen souligne que «même si les députés souhaitaient des dispositions plus fortes pour lutter contre le transfert de bénéfices vers des paradis fiscaux hors UE, les nouvelles règles permettront tout de même de faire la lumière sur les impôts perdus au profit des paradis fiscaux».

De fait, 80% des pertes d’impôts des grandes compagnies européennes sont dues aux paradis fiscaux européens. Avec ce projet de directive, les transferts de profits vers Malte, Chypre, l’Irlande et les Pays-Bas seront particulièrement scrutés.

La semaine risque d’être encore forte en émotions pour les multinationales. Les ministres des Finances du G7, réunis à Londres ces 4 et 5 juin, pourraient s’entendre sur un taux minimal commun d’impôt sur les sociétés de 15%.

Le texte doit encore être approuvé par la commission des affaires économiques et monétaires, la commission des affaires juridiques et par le Parlement dans son ensemble, ainsi que par le Conseil. Le vote en plénière devrait se tenir après la pause estivale.

Une clause de sauvegarde a été prévue: elle permettra de revoir les règles dans quatre ans et de les élargir après une évaluation.