L’investissement en private equity a connu un essor conséquent ces dernières années. «Sur la dernière décennie, cette classe d’actifs enregistre un gain net de 22%, ce qui constitue une progression impressionnante. En 2024, à l’échelle mondiale, les opérations de rachat d'entreprises (buy-out deals) ont augmenté de 37%, tandis que les reventes de sociétés (exits) ont également progressé de 34% (pour 468 milliards, ndlr)», commente Susanne Weismüller, Senior Vice President Legal au sein de l’Alfi.
Si les dernières années ont été agitées pour le secteur, en raison de la multiplication des turbulences économiques, les progressions enregistrées en 2024 confirment l’attrait croissant pour cette classe d’actifs dans une perspective à long terme.
«Les gestionnaires sont encore confrontés à des problématiques de levées de fonds, dont le volume mondial s’est réduit d’environ 25% ces dernières années, poursuit Susanne Weismüller. Cette situation n’est toutefois pas propre au private equity, mais touche l’ensemble des actifs alternatifs. Elle s’explique notamment par le fait que, depuis la crise du Covid, les dividendes versés aux investisseurs ont été réduits. Ces derniers disposent donc de moins de liquidités à réinvestir, ce qui rend les levées de fonds plus complexes pour les gestionnaires.»
Rendements et diversification
L’attrait du private equity s’explique également par les performances de cette classe d’actifs sur le long terme. «Les investisseurs recherchent des rendements supérieurs, liés à une prime de risque et d’illiquidité plus élevée», détaille la responsable de l’Alfi, qui rappelle la logique de création de valeur propre à ce secteur: «les fonds de private equity visent des prises de participations dans des petites et moyennes entreprises ayant besoin de financements pour développer leurs activités. Il s’agit d’accompagner ces acteurs au moyen de ressources financières afin d’activer leur potentiel de croissance ou encore d’améliorer leur rentabilité.»
Création de valeur, réduction des coûts, amélioration de la performance opérationnelle: tels sont les maîtres-mots qui doivent permettre, après quelques années, une sortie du capital avec plus-value, en vue de rémunérer les investisseurs.
Au-delà des rendements attractifs espérés, les investisseurs perçoivent également le private equity — et plus généralement l’ensemble des actifs alternatifs — comme un levier intéressant de diversification. Leurs performances, décorrélées de celles des marchés traditionnels, permettent de réduire les risques liés à la volatilité.
Le Luxembourg, hub européen du PE
Alors que les investisseurs cherchent à diversifier leur portefeuille, la place financière luxembourgeoise a très tôt adopté une démarche similaire pour accompagner ces évolutions. Dès le début des années 2000, bien avant l’adoption de la Directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, un travail conséquent de consultation a été mené, sous l’égide de l’Alfi, afin de comprendre les besoins spécifiques des gestionnaires de fonds private equity et y répondre.
«Cela a largement contribué à établir un cadre propice au développement des activités inhérentes à cette classe d’actifs au départ du Luxembourg, explique Susanne Weismüller. Aujourd’hui, 18 des 20 plus grands gestionnaires d’actifs de capital-investissement y sont présents. Le cadre réglementaire mis en œuvre, avec des véhicules flexibles tels que les Fonds d’Investissement Spécialisé (Fis), les Fonds d’investissement alternatif réservé (Fiar) ou encore les Limited Partnerships, offre une grande souplesse en matière de structuration.»
Préserver l’attractivité de la place financière
Le défi pour les années à venir est de maintenir cette attractivité, en anticipant les évolutions réglementaires et en adaptant le cadre juridique aux attentes des parties prenantes. En 2023, le Luxembourg a actualisé son cadre législatif relatif aux fonds d’investissement afin de renforcer sa compétitivité et consolider son leadership.
«Parmi les principaux changements: le seuil d’investissement pour être reconnu comme“investisseur averti”a été abaissé de 125.000€ à 100.000 €. La période pendant laquelle le capital minimum doit être constitué a été portée de 12 à 24 mois pour les fonds Sicar, Sif, OPC (partie II) et Raif. Les fonds OPC partie II peuvent désormais adopter de nouvelles formes juridiques», explique Susanne Weismüller.
Des actifs plus accessibles
L’une des évolutions majeures de ces derniers mois concerne la nouvelle mouture (2.0) des Fonds européens d’investissement à long terme (Eltif).
«Ce cadre rend le capital-investissement, mais aussi d’autres catégories d’actifs alternatifs, accessibles aux investisseurs particuliers. Par exemple, le ticket d’entrée minimum de 10.000 € a été supprimé», précise Susanne Weismüller. «En général, l’objectif des autorités est de mobiliser des fonds (qu’il s’agisse d’investisseurs institutionnels ou privés) pour soutenir des investissements stratégiques, au service de la croissance européenne, de la transition vers une économie durable ou encore du renforcement de la défense — un sujet revenu au cœur des priorités ces derniers mois.»
Ces fonds, dans une optique de long terme, s’inscrivent dans une logique de prévoyance, avec la volonté d’inviter chacun à investir pour subvenir à ses besoins au-delà de la retraite, poursuit-elle. «On observe d’ailleurs un réel engouement sur la place financière pour ce nouveau programme, avec une multiplication des véhicules créés ces derniers mois», ajoute Susanne Weismüller.
Performance et éducation financière
Au-delà des opportunités, d’autres défis doivent être relevés pour accompagner le développement du private equity.
«Dans ce contexte, les acteurs doivent constamment s’adapter, en s’appuyant sur la technologie, afin de gagner en performance, conclut Susanne Weismüller. L’autre grand défi concerne l’éducation financière de la population, surtout si les investisseurs privés souhaitent investir dans des catégories d’actifs qui comportent des risques plus élevés et des périodes de détention plus longues: il est essentiel que chacun, dès le plus jeune âge, puisse comprendre les possibilités qu’offre l’investissement au-delà de la simple épargne.»