Lennart Duschinger: «L’idée était de créer un accélérateur afin d’aider les gestionnaires dans la phase de lancement de nouveaux fonds à impact positif pour ­l’environnement» (Photo: Maison Moderne)

Lennart Duschinger: «L’idée était de créer un accélérateur afin d’aider les gestionnaires dans la phase de lancement de nouveaux fonds à impact positif pour ­l’environnement» (Photo: Maison Moderne)

Créé en 2017 afin de soutenir le financement de la lutte contre le changement climatique, l’International Climate Finance Accelerator accompagne le lancement de fonds d’investissement à impact positif pour l’environnement. Après un an et demi d’activité, les premiers projets se concrétisent et les candidatures se multiplient.

Initiative portée par neuf entités privées du secteur financier ainsi que par le ministère des Finances et le ministère de l’Environ­nement, du Climat et du Développement durable, l’International Climate Finance Accelerator (ICFA) est le fruit des discussions menées dès 2015 dans le cadre de la Climate Finance Task Force, dont le but était de promouvoir des idées innovatrices et des alliances stratégiques en matière de financement de la lutte contre le changement climatique.

«L’idée était de créer un accélérateur afin d’aider les gestionnaires dans la phase de lancement de nouveaux fonds à impact positif pour ­l’environnement, confie Lennart Duschinger, ­agent de l’ICFA. Mettre en place de tels fonds exige du temps, de l’argent et beaucoup d’énergie. Il faut notamment compter un an et demi à deux ans pour voir un tel projet se concrétiser. Mais aujourd’hui, nous commençons à ressentir les premiers résultats de notre action.»

Première levée de fonds réussie

Après la mise en place d’une plate-forme d’investissement entre le gouvernement luxembourgeois et la Banque européenne d’investissement (Luxembourg-EIB ­Climate Finance Platform), la création d’un label dédié ainsi que du , l’accélérateur est la 4e initiative menée dans ce contexte.

Elle doit permettre de mettre en valeur les compétences et l’expertise présentes à Luxembourg en matière de véhicules d’investissement à impact environnemental et social, et de développer et financer des projets innovateurs à impact élevé et mesurable en termes de mitigation ou d’adaptation pour faire face aux effets du changement climatique, et ce à la fois dans les pays développés et dans les pays en développement.

Ces nouveaux projets en sont à des stades différents.
Lennart Duschinger

Lennart Duschingeragent de l’ICFA

En mai 2018, les quatre premiers candidats retenus étaient présentés lors du Luxembourg Sustainable Finance Forum. L’un d’entre eux, Empower New Energy, société d’investissement offrant des solutions de financement d’énergie propre dans les pays en développement, vient de ­clôturer une première levée de fonds pour un montant de 8 millions d’euros. Les ­premiers investissements sont lancés au Kenya et au Rwanda.

L’équipe prévoit une ­deuxième clôture mi-2020 pour 50 millions, et une autre en 2021 pour 150 millions. ­Uberis Capital, dont l’action se concentre sur des projets à fort impact en Asie du Sud-Est, clôturera, elle aussi, un premier tour de table d’ici la fin de l’année.

«En parallèle, The Lightsmith Group, société d’investissement spécialisée dans les technologies environnementales qui a reçu le titre ­d’ambassadeur ICFA en 2018, profite du soutien de la Luxembourg-EIB ­Climate Finance Platform, autre initiative en faveur de la finance verte», poursuit ­Lennart Duschinger.

The Lightsmith Group recevra prochainement un investissement de 30 millions, dont 5 millions provenant de l’État luxembourgeois et 25 millions de la BEI, à la condition de réunir 30 autres ­millions en provenance de portefeuilles privés. «Un objectif sur le point d’être atteint», rassure notre consultant.

Toujours plus de candidats

En juin 2019, une nouvelle cohorte de quatre nouveaux projets a été retenue pour rejoindre l’ICFA parmi 32 manifestations d’intérêts. «Ces nouveaux projets en sont à des stades différents. Add Value, dont le but est d’investir dans les cultures et techniques agricoles afin de permettre aux petits exploitants d’Amérique latine de mieux s’adapter au changement climatique, mène actuellement des recherches sur le terrain afin de définir sa stratégie d’investissement et de déterminer les indicateurs-clés pour mesurer l’impact de leurs investissements», raconte Lennart Duschinger.

Le plus avancé est Spark+Africa, fonds d’investissement à impact créé par Sima et la Clean Cooking Alliance, la principale organisation faîtière qui s’emploie à mettre en place une industrie de la cuisson propre et inclusive à grande échelle. Il a obtenu le soutien de la Banque africaine de développement et devrait concrétiser son action au début de l’année prochaine. «Ce Fonds veut faciliter l’accès aux solutions énergétiques de cuisson propres et efficaces pour les communautés rurales, périurbaines et urbaines en Afrique subsaharienne», détaille l’agent de l’ICFA.

Notre volonté est de sélectionner deux cohortes par an, composées de quatre à cinq gestionnaires de fonds sélectionnés par notre comité indépendant, sur base de la qualité des profils.
Lennart Duschinger

Lennart Duschingeragent de l’ICFA

Maintenant que les premiers résultats concrets font leur apparition, une 3e cohorte de candidats sera dévoilée d’ici la fin de l’année par l’ICFA. «Notre volonté est de sélectionner deux cohortes par an, composées de quatre à cinq gestionnaires de fonds sélectionnés par notre comité indépendant, sur base de la qualité des profils. Un effort particulier est également mené pour assurer une représentation équitable des différentes stratégies ainsi que des pays et régions dans lesquels les projets des gestionnaires contribueront à la lutte contre le réchauffement climatique», précise Lennart Duschinger.

Une aide financière appréciable

Destiné à créer les structures nécessaires qui appuient le financement climatique, l’International Climate Finance Accelerator offre son support à des gestionnaires de fonds d’investissement, naissants et innovateurs, qui souhaitent investir dans des projets efficaces avec un impact mesurable dans la lutte contre le changement climatique.

«Chaque candidat sélectionné reçoit un préfinancement sous forme d’une enveloppe de 80.000 euros afin de procéder au lancement du fonds. Il est libre d’utiliser cette somme auprès de nos partenaires privés pour tout ce qui concerne la mise en place du fonds, que ce soit du point de vue juridique, de la compliance, du risk management, de l’évaluation de l’impact ou de la gestion proprement dite, etc.», précise Lennart Duschinger.

Les candidats ont ensuite accès à un ­crédit de 200.000 euros, accordé en partenariat avec la BCEE et entièrement garanti par l’État. «Ce prêt est dédié à couvrir le ­working capital, les salaires de l’équipe, les loyers, les voyages… L’un des principaux freins à la mise en place de tels fonds reste en effet ­l’accès au financement, témoigne le consultant de l’ICFA. Or, dans la phase de lancement, qui peut durer entre 18 et 24 mois, il faut de l’argent pour construire des bases solides et partir à la recherche des investisseurs.»

Nous abordons ­différentes questions, comme la mise en place d’une stratégie d’investissement d’impact, du début à la fin du projet, ou encore la définition de l’impact souhaité, dans toutes ses dimensions.
Lennart Duschinger

Lennart Duschingeragent de l’ICFA

Au-delà de cette manne financière, l’accélérateur aide les gestionnaires sélectionnés à trouver un coach, qui va les accompagner à toutes les étapes de leur projet. «Il peut s’agir d’avocats spécialisés en finance durable ou d’experts en fonds d’investissement, des personnes qui comprennent le secteur et qui sont prêtes à consacrer du temps pour aider chaque fonds à se développer. Nous mettons également des bureaux à la disposition des gestionnaires, de façon gratuite. Ils peuvent y rencontrer partenaires et potentiels investisseurs.»

Un workshop organisé sur cinq jours permet également aux gestionnaires de se familiariser aux différentes thématiques qu’ils seront amenés à gérer dans le futur. «Cette formation, donnée par nos différents partenaires privés, est d’une aide précieuse pour les gestionnaires. Nous abordons ­différentes questions, comme la mise en place d’une stratégie d’investissement d’impact, du début à la fin du projet, ou encore la définition de l’impact souhaité, dans toutes ses dimensions», ajoute Lennart Duschinger. L’ICFA et ses conseillers apportent par ailleurs leur support dans l’étape cruciale de la collecte des fonds.

Impacter l’avenir des fonds d’investissement

Trouver des investisseurs, voilà bien le principal défi que se lancent les candidats retenus par l’ICFA – des candidats qui viennent d’horizons différents et doivent convaincre de l’impact de leur projet sur l’environnement tout en assurant une rentabilité aux personnes prêtes à les suivre.

«Les gestionnaires qui nous envoient leur candidature, toujours plus nombreux au fil des mois, ont des profils très variés. Certains ont travaillé dans le secteur bancaire et veulent changer leur façon d’investir, témoigne Lennart Duschinger. D’autres sont des scientifiques, des ingénieurs, des gens qui ont travaillé dans l’industrie, qui détiennent un savoir-faire et cherchent un partenaire pour monter un fonds. Nous sommes très attachés à cette notion d’impact. Avant que le fonds ne soit en place, nos gestionnaires savent quel résultat ils veulent atteindre dans le pays ou la région visé(e), le nombre d’emplois qu’ils vont créer, les émissions de CO2 qu’ils réduisent, etc.»

Dans tous les cas, derrière ces fonds d’investissement se cachent de belles histoires, vécues sur le terrain, au plus près des Hommes et de leur quotidien. Surtout, ces solutions alternatives sont aujourd’hui absolument nécessaires. «Nous devons trouver, tous ensemble, 100 milliards par an pour financer la transition énergétique afin de créer une économie à faible émission de carbone. Des initiatives voient le jour, mais on est loin de cet objectif. Nous sommes toutefois convaincus que les fonds d’impact sont l’avenir de la finance. La conscience écologique des nouvelles générations est bien plus développée que celle de nos parents. Le monde financier va devoir s’adapter et l’ICFA, initiative innovatrice et unique au monde, fait les premiers pas dans ce sens.»