Me Noémie Haller - Avocat à la Cour, Senior Associate - CASTEGNARO-Ius Laboris Luxembourg. (Photo: Castegnaro-lus Laboris)

Me Noémie Haller - Avocat à la Cour, Senior Associate - CASTEGNARO-Ius Laboris Luxembourg. (Photo: Castegnaro-lus Laboris)

L’absentéisme habituel pour raisons de santé peut, sous certaines conditions, constituer un motif valable de licenciement. Qu’en est-il lorsque l’absentéisme est lié à une dépression en raison du stress au travail? La Cour d’appel a récemment eu l’occasion de rappeler les règles applicables dans une telle situation.

Dans le cadre des relations de travail, la présence du salarié au travail est le principe, tandis que les absences sont l’exception, le salarié ayant l’obligation de travailler en contrepartie du salaire qu’il perçoit1.

Ainsi, selon une jurisprudence constante, l’absentéisme pour raisons de santé, caractérisé par des périodes longues ou nombreuses et répétées, peut être une cause sérieuse de rupture du contrat de travail, lorsqu’il apporte une gêne indiscutable au fonctionnement de l’entreprise et que, au vu de ces absences, l’employeur a de justes raisons d’admettre qu’il ne peut plus compter désormais sur la collaboration régulière et efficace de son salarié2

L’affaire commentée concernait un salarié qui occupait une fonction de «Accounting & risk management» ayant été absent pour cause de maladie de manière continue pendant plus de 4 mois, par le biais de 12 certificats médicaux, totalisant 134 jours d’absence pour l’année 2016.

La Cour a retenu qu’une absence «aussi longue d’un salarié ayant occupé des fonctions à responsabilités constitue forcément et nécessairement une gêne pour l’employeur, qui doit pourvoir à son remplacement, et qu’elle engendre une désorganisation considérable au niveau du service que dirigeait le salarié».

Dans ce contexte, la Cour a considéré qu’un tel absentéisme «autorisait, en principe, l’employeur à se séparer de son salarié avec préavis, sauf si la maladie du salarié, à l’origine des absences fréquentes, était directement liée à l’activité professionnelle de ce dernier».

En effet, le salarié invoquait ici que son absentéisme était lié à une dépression causée par ses conditions de travail, le stress auquel il était soumis par l’employeur, et notamment sa surcharge de travail.

Suivant les tribunaux, la preuve que la maladie est directement liée à l’activité professionnelle incombe au salarié3.

En l’espèce, pour établir la preuve du lien de causalité entre la maladie et l’activité professionnelle, le salarié a produit un certificat médical de son médecin certifiant que ses troubles anxieux étaient concomitants à des difficultés professionnelles sur le lieu de travail.

La Cour a cependant retenu qu’un tel certificat médical ne faisait que rapporter les dires subjectifs du patient, et ne permettait pas – en l’absence d’autres éléments objectifs – d’établir le lien entre la maladie du salarié et son travail.

Le licenciement a dès lors été déclaré comme étant justifié, et le salarié a été débouté de l’ensemble de ses demandes.

La Cour avait adopté une approche similaire dans une décision rendue en 2017 concernant une salariée qui justifiait son absentéisme par une dépression consécutive à un changement d’affectation qu’elle estimait injustifié4. Là encore, la Cour avait estimé que la salariée n’avait pas rapporté la preuve que la maladie trouvait son origine dans ses conditions de travail, alors que celle-ci versait un seul certificat médical émis par son médecin généraliste, trois mois après son licenciement et 10 mois après le début de l’incapacité de travail.

Cependant, dans une autre affaire5 qui concernait l’absentéisme d’une salariée qui souffrait d’une dépression liée à un harcèlement moral, un tel lien de causalité entre la maladie et le travail a été retenu par la Cour. Dans cette affaire particulière, la salariée avait fait l’objet de plusieurs contre-examens médicaux auprès de médecins de contrôle à la demande de l’employeur, dont l’un faisait référence dans son avis médical à des «problèmes relationnels employeur–employé» (il est à relever que cet avis médical avait été porté à la connaissance de l’employeur).

En conclusion: dans l’hypothèse d’une dépression, il appartiendra au salarié – licencié du fait de son absentéisme habituel pour raisons de santé – de prouver le lien entre son état dépressif et ses conditions de travail.

Si une telle preuve semble difficile à rapporter (un certificat médical du seul médecin du salarié étant a priori insuffisant, selon la Cour), il n’en reste pas moins que si le salarié parvient à prouver un tel lien, le licenciement prononcé pour cause d’absentéisme habituel pourrait en principe – au vu de l’appréciation de la Cour – être considéré comme étant abusif.

En pratique, il restera difficile pour les employeurs d’anticiper de telles situations, notamment lorsque ces derniers n’ont pas connaissance, au moment du licenciement, d’un possible lien entre l’état de santé, respectivement la dépression du salarié, et son activité professionnelle, et ce, alors que le motif de l’absence du salarié n’est en principe pas renseigné sur le certificat médical.

Cour d’appel, 6 juin 2019, n°CAL-2017-00041 du rôle.

2 Cour d’appel, 13 juin 2019, n°45151 du rôle ; Cour d’appel, 22 novembre 2018, n°44891 du rôle ; Cour d’appel, 25 janvier 2018, n°43612 du rôle.

3 Cour d’appel, 13 juin 2019, n°45151 du rôle ; Cour d’appel, 29 mars 2018, n°43515 du rôle.

Cour d’appel, 11 mai 2017, n°43240 du rôle.

Cour d’appel, 19 avril 2018, n°44623 du rôle: dans cette affaire particulière, la salariée avait été licenciée avec effet immédiat en raison d’absences injustifiées suite à divers contre-examens médicaux dans le cadre desquels elle avait été déclarée apte au travail.