Lue entre les lignes, la rapide enquête élaborée par l’UEL avec l’appui de l’Ilres donne une première idée plutôt instructive de ce qui se profile du côté du patronat pour avancer dans la gestion de l’absentéisme au travail. La petite quinzaine de questions posées en ligne jusqu’au 19 juillet reprend en effet les principaux arguments déjà développés par les fédérations professionnelles depuis qu’un rapport de l’Inspection générale de la Sécurité sociale (IGSS) avait pointé, en fin d’année dernière, un taux d’absentéisme record de 5,2% en 2022, avec un bond de 0,8 point sur un an.
La Fedil avait tiré la première, quelques semaines plus tard, son ex-présidente , , évoquant «un phénomène préjudiciable à l’économie», dont le coût est estimé par l’IGSS au-delà du milliard d’euros, «qu’il convient de combattre efficacement». Mais «le coût réel des absences est beaucoup plus élevé», avait prévenu en parallèle le conseiller aux affaires juridiques et sociales Philippe Heck . À ce titre, Philippe Heck formulait quatre recommandations: l’introduction d’un jour de carence, une législation sur les contre-examens médicaux, un renforcement des contrôles administratifs et le gel des primes pour les salariés ne brillant pas par leur assiduité.
Contrôles et sanctions
Ces quatre items irriguent le questionnaire de l’UEL, qui dans l’ensemble s’intéresse moins aux racines du phénomène qu’aux moyens de le réfréner, y compris en allant vers davantage de répression. C’est même sa raison d’être. Une question touche aux facteurs expliquant ou «favorisant» l’absentéisme, mais c’est tout. L’enquête, en revanche, interroge les mesures déjà mises en place par les entreprises pour lutter contre l’absentéisme (ou celles qui pourraient l’être), que ce soit dans le domaine des sanctions ou du contrôle, ainsi que leur efficacité. «Selon vous, disposez-vous des moyens nécessaires pour contrôler le bien-fondé d’une période d’incapacité de travail d’un salarié?» est-il ainsi demandé. Une formulation à tout le moins «fermée» qui ne laisse que peu de suspense quant à la réponse qui sera apportée, et donc aux conclusions qui en seront tirées. Dans le même registre, il est également demandé aux patrons s’ils ont déjà eu «des doutes sur le bien-fondé d’un certificat d’incapacité de travail».
Certificat électronique
L’enquête, en revanche, ne fait aucune allusion directe à une autre proposition entendue en début d’année «en matière de suivi et de documentation», mais passée assez inaperçue. «La nécessité de disposer d’une base de données de santé anonymisée et exhaustive pour une compréhension plus complète et précise de la situation de la santé au travail au Luxembourg, dans une optique de réduction de l’absentéisme et de gestion de prévention, est indéniable», écrivaient en mars dernier Michèle Marques, Head of Social Security, et Fabienne Lang, Senior Adviser of Social Security, de l’UEL. «Une telle base de données permettrait de pousser l’analyse, prévenir les tendances de l’absentéisme et les raisons médicales des absences, ainsi que de subvenir davantage aux besoins de santé de la population assurée. Cela serait essentiel pour élaborer une politique de santé adaptée et efficace visant à améliorer la santé et le bien-être des salariés au Luxembourg.»
En conséquence, l’UEL réclamait «de mettre rapidement en place un certificat d’incapacité de travail unique électronique tant pour les résidents que les non-résidents avec des codes diagnostics uniformes et plus détaillés. Ceci est d’autant plus important au vu de l’analyse de l’IGSS qui montre que le taux d’absence des salariés frontaliers est supérieur à celui des salariés résidents du secteur privé.»
«Des données plus complètes permettraient également de mieux cibler les contrôles tant administratifs, opérés par la CNS, que médicaux, réalisés par le Contrôle médical de la sécurité sociale, des assurés», ajoutaient Michèle Marques et Fabienne Lang.
Dialogue politique
Dans le courriel qu’elle a adressé aux chefs d’entreprise pour les inciter à répondre au questionnaire de l’UEL, la Chambre de commerce leur explique que «leur participation est importante à deux égards. Premièrement, vos réponses permettront de mieux comprendre l’impact et les enjeux liés à l’absentéisme, notamment abusif. Deuxièmement, elles contribueront à étayer les analyses avec des données concrètes en vue d’identifier des solutions efficaces pour réduire l’absentéisme, et ainsi alimenter un dialogue constructif avec les décideurs politiques». La suite après l’été.