Elisabeth Franssen, legal adviser, et Camille Seillès, secrétaire général, tous deux à l’Association des banques et banquiers Luxembourg (ABBL). (Photo: ABBL)

Elisabeth Franssen, legal adviser, et Camille Seillès, secrétaire général, tous deux à l’Association des banques et banquiers Luxembourg (ABBL). (Photo: ABBL)

Les règles actuelles en matière de télétravail nuisent à l’attractivité du Luxembourg, a indiqué l’Association des banques et banquiers Luxembourg (ABBL).

Les seuils de télétravail pour les travailleurs frontaliers devraient être augmentés à deux jours par semaine, a déclaré l’Association des banques et banquiers Luxembourg (ABBL). Le champ d’application du cadre de sécurité sociale de l’UE récemment devrait être élargi pour permettre une certaine flexibilité, selon l’ABBL, afin de permettre le télétravail au-delà du pays de résidence d’un travailleur et d’harmoniser les règles régissant les seuils fiscaux, afin d’atteindre une cohérence pour tous les travailleurs frontaliers.

, secrétaire général de l’ABBL, et Elisabeth Franssen, legal adviser à l’ABBL, se sont entretenus avec Delano à la mi-décembre, à la suite d’une séance de travail de l’ABBL qui s’est tenue fin novembre et qui était fermée à la presse. Voici quatre points à retenir de cet entretien.

Des chiffres impressionnants

Camille Seillès a entamé la discussion en présentant des données publiques sur le télétravail, notamment le fait que 10,9% de la main-d’œuvre frontalière européenne se trouve au Luxembourg et que les travailleurs frontaliers représentent 47% de la main-d’œuvre totale au Luxembourg. Il a ajouté: «Une personne sur deux travaillant [au Luxembourg] réside dans un pays voisin et fait la navette vers son domicile le soir.»

«Nous sommes représentatifs du secteur bancaire. Nous estimons donc qu’une légère majorité des employés du secteur bancaire – 52% – sont d’abord des non-résidents. Pour nous, la dimension frontalière de la main-d’œuvre est très importante», a indiqué Camille Seillès.

Camille Seillès a expliqué l’impact sur la compétitivité, en identifiant les problèmes liés aux obstacles administratifs liés à cette situation de navette.

«Le travail à domicile est considéré par tous les membres de l’ABBL comme un élément important de l’offre qui peut être faite aux employés», a-t-il ajouté. «En fait, nous estimons que [pratiquement] toutes les banques au Luxembourg ont mis en place une politique de travail à domicile et qu’il existe des procédures détaillées pour réglementer ce mode de travail.»

Le télétravail, question clé en matière de recrutement

Camille Seillès a indiqué que lorsque les jeunes cherchent un emploi dans le secteur bancaire, l’une des toutes premières questions qu’ils posent est de savoir s’il existe une politique de télétravail. Et si c’est le cas, combien de jours de travail par semaine sont autorisés.

Il a expliqué que pour les résidents, la politique est simple et consiste essentiellement à se conformer aux règles fiscales et de sécurité sociale. Mais pour les non-résidents, en particulier les travailleurs frontaliers, des scénarios complexes se présentent, qui ont un impact sur l’attraction des talents au Luxembourg et posent des défis concurrentiels auxquels des centres financiers comme Paris ou Francfort ne sont pas confrontés. Les accords fiscaux entre le Luxembourg et les pays voisins visent à réglementer l’imposition des revenus.

Camille Seillès a déclaré que «nous devons augmenter les seuils [pour] les travailleurs frontaliers afin qu’ils puissent travailler à domicile deux jours par semaine, ce qui ferait passer le nombre de jours de 34 à 96 jours [par an]».

En résumé, pour mettre en œuvre les mesures souhaitées, nous proposons de relever le seuil autorisé pour permettre aux travailleurs frontaliers de pratiquer le télétravail jusqu’à deux jours par semaine. Cet ajustement signifierait une augmentation conséquente de la limite actuelle de 34 jours à une période prolongée de 96 jours, en supposant que mes calculs soient exacts.

L’accord sur la sécurité sociale crée la confusion

Elisabeth Franssen, legal adviser à l’ABBL, s’intéresse particulièrement au télétravail pour les employeurs frontaliers.

Le nouvel accord-cadre de sécurité sociale de l’UE, entré en vigueur le 1er juillet 2023, permet aux salariés d’affecter jusqu’à 49,9% de leur temps de travail total à des activités exercées dans leur pays de résidence tout en restant affiliés au système de sécurité sociale du pays de l’employeur. Le règlement n’entre pas en vigueur si l’employé exerce des activités professionnelles qui se déroulent à la fois dans son pays de résidence et qui ne répondent pas aux critères de télétravail tels que définis par son employeur.

Elisabeth Franssen a commenté: «L’idée d’augmenter [le seuil de télétravail de 25 à 50%] était bonne, et c’était en fait une demande. Mais la mise en œuvre pratique est discutable, en raison des éléments du cadre, le champ d’application de cet accord est vraiment limité.»

Elle explique ces limites par des exemples:

«Imaginons que vous résidiez en Allemagne et qu’en plus de votre travail de semaine à la banque, vous travailliez le samedi comme serveur: vous ne pouvez pas bénéficier de l’accord.»

Ou encore: «Vous avez une belle [ferme à la] campagne, vous avez des cultures et vous vendez du lait et des légumes sur le marché... vous n’êtes pas éligible non plus.»

Pourquoi? «Parce que l’accord n’est applicable que si le salarié effectue des travaux à domicile dans son pays de résidence, et pas au-delà. Par conséquent, si vous travaillez comme serveur dans un restaurant, si vous exploitez votre propre ferme en tant que hobby, vous ne pouvez plus bénéficier des avantages [du nouvel accord].»

Camille Seillès a déclaré à propos des nouvelles règles: «C’est une bonne nouvelle, mais son champ d’application est limité. En fin de compte, ce n’est pas une si bonne nouvelle.» Il pense que ces règles entraîneront une révision des accords de travail au niveau de l’UE, ajoutant: «Nous nous réjouissons que notre nouveau gouvernement ait indiqué dans l’accord de coalition son intention de poursuivre les discussions avec les pays voisins afin d’augmenter le nombre de jours annuels autorisés pour les travailleurs frontaliers. Plus généralement, il a également annoncé son intention d’améliorer le cadre fiscal et de sécurité sociale applicable afin de permettre un recours accru au télétravail. Mais tout cela reste à ce stade une déclaration d’intention et nécessiterait de nouvelles négociations avec les pays voisins.»

Les accords sur le télétravail sont pleins d’incohérences

«En tant qu’ABBL, nous avons dressé une liste d’incohérences dans les trois accords, que nous aimerions voir harmonisés. Nous avons déjà eu de bonnes discussions avec les autorités fiscales. Certains points avec certains pays ont déjà été réglés, mais beaucoup restent en suspens. Mais permettez-moi de vous donner un ou deux exemples où il n’y a pas d’harmonisation et où les règles diffèrent», a commenté Camille Seillès.

Le tableau montre un des exemples d’incohérence entre les accords-cadres de sécurité sociale signés par l’ABBL avec l’Allemagne, la Belgique et la France.

Camille Seillès a donné un autre exemple d’incohérence en posant la question suivante: «Que se passe-t-il si, avant de sauter dans votre voiture pour vous rendre au travail, vous consultez vos mails en sirotant un café dans votre cuisine? Est-ce que cela est considéré comme du travail à domicile?» Il a expliqué que l’accord avec l’Allemagne spécifie que tout travail de moins de 30 minutes n’est pas pris en compte, alors que pour la Belgique, l’accord stipule que le travail à domicile marginal n’est pas pris en compte.

Mais que signifie le terme «marginal»? 30 minutes... 60 minutes? C’est une question d’interprétation. En tant qu’entités réglementées, les banques n’aiment pas l’incertitude juridique, a-t-il souligné. «Elle ouvre la perspective de sanctions potentielles en cas de non-respect de règles qui ne sont pas claires.»

Cet article a été rédigé par  en anglais, traduit et édité par Paperjam en français.