En quoi consiste l’innovation pour une banque comme Spuerkeess?
Christophe Medinger. – «C’est de trouver les meilleurs moyens d’utiliser la technologie existante – que ce soient les systèmes d’information, les ordinateurs, les devices ou la couche logicielle – afin de rendre la vie plus facile aux employés en optimisant les processus et de fidéliser les clients. Un client qui apprécie les technologies qu’on lui met à disposition est un client qui reste.
Technologie et innovation sont-elles devenues des éléments différenciateurs entre banques, un critère de choix pour les clients?
«Si la question est de savoir si les clients viennent dans une banque pour ses produits bancaires traditionnels ou pour sa capacité à être innovante, je dirais que c’est un peu des deux. Il y a une catégorie d’âge pour qui l’innovation n’est pas un critère. Mais pour les nouvelles générations, le nom d’une banque ne veut plus dire grand-chose. Ce qui compte, pour elles, c’est de savoir si elles ont une bonne app et si elles peuvent gérer leurs finances d’une manière transparente et 24/7.
Comment cela se traduit-il chez Spuerkeess?
«Nous avons cette image traditionnelle que nous voulons conserver auprès de cette génération pour laquelle l’historique et la marque sont importants. Sans sacrifier notre volonté d’innovation. Selon moi, la technologie doit convenir à tous les âges. Il faut essayer de rester up to date avec les jeunes, avec des fonctionnalités comme Apple Pay, les prêts personnels en ligne, et proposer à tous des solutions qui facilitent la vie, comme la signature de documents en ligne. L’élément différenciateur, c’est de simplifier la vie de tous nos clients. L’innovation, aujourd’hui, ce n’est pas de réinventer la roue, mais de marier ce qui existe par ailleurs pour faire quelque chose de mieux.
Et qu’attendent vos employés de l’innovation?
«Ils expriment la même chose: que cela leur rende la vie plus facile. Ils ne veulent plus faire des tâches qui, selon eux, pourraient être faites par des ordinateurs à leur place. Ils veulent aller là où il y a besoin de réflexion, d’analyses, de décision. Vers les tâches qui apportent de la valeur.
Pour autant, les réticences à l’innovation et aux nouvelles technologies sont souvent internes. Qu’en est-il chez vous?
«Quand il y a du changement, il y a toujours des réticences. Cela dépasse le seul cas de la digitalisation. Il y a tout un travail de gestion du changement à faire. Nous avons fait beaucoup d’efforts en interne pour accompagner les employés lorsqu’ils doivent utiliser un nouvel outil ou expérimenter une nouvelle façon de travailler. S’ils sont bien encadrés, cela se passera bien. Mais il faut les écouter, les former…
Et qu’attend votre conseil d’administration sur le plan de l’innovation?
«La préoccupation première au niveau du conseil d’administration, c’est la sécurité. Il y a une peur véritable que l’on se fasse hacker, qu’il y ait une fuite de données ou que nous fassions l’objet d’une attaque de type ransomware, comme chez Enovos.
Mais il y a aussi la volonté que Spuerkeess montre l’exemple pour toute la Place en matière technologique. L’article 5 de la loi du 24 mars 1989 sur la BCEE – loi qui tient lieu de statuts à la banque – dispose que la banque a pour vocation de contribuer, par ses activités, au développement économique et social du pays dans tous les domaines. Cela inclut, pour moi, l’innovation.
Faisons un peu d’histoire: quelle a été, selon vous, l’innovation disruptive qui vous a fait changer d’ère?
«Pour moi, cela a été les prêts personnels full digital. On était en 2018, et nous avons été les premiers à octroyer des prêts via smartphone. Aucune banque ne le faisait avant et, même aujourd’hui, il y a peu de banques qui le font. Nous avons un modèle derrière qui, par rapport à ce que nous connaissons de nos clients, calcule le droit au prêt. Et, si le feu vert est donné, l’argent est mis à disposition sur le compte en cinq minutes.
Ce process a donné lieu à une grande discussion en interne où le fait de décaisser de l’argent sans intervention humaine n’allait pas de soi… Une fois cette mission menée à bien, toutes les portes étaient ouvertes pour que nous allions plus loin.
Entre user expérience, d’un côté, et sécurité et contraintes réglementaires, de l’autre, votre vie d’innovateur n’est-elle pas compliquée plus que de raison?
«Je viens du monde de l’IT. Monde où l’on parle souvent de la compliance et du légal comme autant de business prevention unit… Ce sont des contraintes qui ralentissent énormément les projets IT. Avec nos équipes en interne, nous pourrions livrer beaucoup plus et plus vite. Nous devons faire beaucoup de tests et d’assessments et prouver qu’il n’y a pas de risque pour la banque. La BCEE est une banque systémique, nous sommes donc très surveillés au niveau de nos infrastructures technologiques. C’est beaucoup plus de contraintes que pour une start-up. Mais la contrepartie est que l’argent de nos clients est en totale sécurité chez nous.
Le sujet d’actualité dans le monde de la technologie, c’est l’intelligence artificielle. Avez-vous des projets dans cette matière?
«Pour tout ce qui est modélisation, l’intelligence artificielle, comme on l’appelle, ou le machine learning font déjà partie des modèles. Ces modèles – qui, par exemple, définissent des ratings ou des lignes de crédit – utilisent des algorithmes qui viennent du monde du machine learning. Nous avons plusieurs équipes qui travaillent sur le sujet et qui essayent de trouver des use cases. Un peu comme nous avons fait la catégorisation de mouvement pour les clients, nous essayons d’optimiser des processus détectés: définir quel est le meilleur produit pour un client, par exemple, ou essayer de détecter les contraintes ou les risques qui pèsent sur une société.
Le battage médiatique sur le language processing à la ChatGPT est aussi arrivé au sein de la banque. Nous sommes en train de regarder où cela pourrait être utile. Sans oublier les contraintes réglementaires existantes: il est hors de question de mettre des données clients dans ChatGPT. Il va falloir trouver des cas d’utilisation neutres par rapport à nos obligations de confidentialité.»
Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de parue le 20 juin 2023. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.
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