Assis sur un sofa rouge, un homme brun d’une quarantaine d’années prend la pose mystérieusement. Sous ses sourcils fournis et son épaisse chevelure brune se cachent des yeux bleu clair. Les pieds nus, il porte sur son dos des habits de peau et de fourrure. Il s’agit de Loschi, alias l’«homme de Loschbour». Ou plutôt de sa reconstitution, à l’entrée du Musée national d’Histoire naturelle.
Son squelette, visible au premier étage, a été retrouvé en 1935 par Nicolas Thill, archéologue amateur, dans la région du Mullerthal. Il y avait été enterré il y a plus de 8.000 ans. Les différents examens (scanner, ADN…) ont permis de deviner son apparence physique et son mode de vie. Cet homme du Mésolithique devait avoir entre 34 et 47 ans, peser 60 kilogrammes et mesurer 1,60 mètre lors de son décès. Grâce au collagène issu de ses os et de ses dents, les chercheurs ont également déterminé son régime alimentaire – principalement de la viande (sangliers, cerfs, aurochs) et des fruits, noix et plantes sauvages. Les objets funéraires retrouvés près de lui sont également exposés au musée luxembourgeois.
La plus vieille Luxembourgeoise aurait 9.000 ans
«On peut dire que c’est ‘le plus vieil homme luxembourgeois’ jamais trouvé», précise bien Alain Faber, directeur du musée. Mais le «premier Luxembourgeois» est une femme, retrouvée plusieurs années après Loschi dans la même région, et «âgée de 1.000 ans de plus».
Leur état diffère, puisque la femme de Loschbour a été incinérée. Conséquence: «il ne reste pas grand-chose», à part quelques os et morceaux de crâne, explique Alain Faber. Pas encore exposés, ils sont étudiés depuis environ trois ans par le musée, en partenariat avec un laboratoire en Belgique.
Ces deux spécimens ne sont bien sûr pas les seuls du musée de la rue Münster. Il compte en tout 400.000 fossiles, 35.000 minéraux et roches, 3.500 oiseaux, 1.600 vertébrés naturalisés ou reconstitués, selon l’époque, et environ 3 millions d’insectes. Sans compter les 2 millions de données récentes sur la biodiversité, disponibles numériquement via une tablette. Le tout s’étend sur 1.400m2.
Pas à pas, on en apprend plus sur la création de la Terre, l’évolution des espèces, la formation des roches… On peut voir toutes sortes d’animaux et leur adaptation à la température, avec des parties internationales et luxembourgeoises. Quelques vestiges ici et là, comme une défense de mammouth retrouvée dans le pays, rappellent qu’«il y en a eu au Luxembourg», assure Alain Faber. Les couleurs, les lumières et les odeurs varient de pièce en pièce.
Mais d’où viennent les animaux exposés? Il y a plusieurs siècles, les riches voyageurs faisaient don de peaux et carcasses au musée, explique son directeur. Aujourd’hui, il récolte les animaux, déjà décédés, aux alentours, ou plus rarement dans des zoos partenaires. Le musée vient d’engager son propre taxidermiste. Avant, les spécimens étaient naturalisés à Trèves, en Allemagne.
Exposition à venir sur les pierres précieuses
«Nous avons trois missions», résume Alain Faber. «La collection: nous conservons les objets pour l’étude.» Scientifiquement, Loschi représente alors une pièce importante: «Son squelette est très complet, il y a très peu de trouvailles similaires du même âge. Dès qu’il y a des évolutions dans les techniques d’analyse, l’homme de Loschbour, comme d’autres, peut servir de matériel d’étude», raconte-t-il. Autre mission: le musée fait lui-même de la recherche. Une douzaine de personnes y sont dédiées parmi la centaine de salariés.
Enfin, «nous travaillons sur les pièces récentes concernant la biodiversité», poursuit Alain Faber. Le but: continuer de suivre leur évolution dans le temps. Il s’intéresse par exemple à la récente détection de frelons asiatiques à pattes jaunes au Luxembourg. «Nous demandons aux gens de nous faire part de leurs observations pour suivre leur répartition.»
Si vous décidez de vous rendre au «natur musée» ce week-end, vous trouverez le troisième étage, dédié aux expositions temporaires, en chantier. Les équipes sont occupées à monter la prochaine, qui se tiendra du 23 octobre 2020 au 6 juin 2021, «From Dark to Light». Elle présentera «le cheminement d’un minéral, du fond de la mine à la vitrine du bijoutier». On y parlera de diamants et autres pierres précieuses. En attendant, vous pouvez toujours profiter de l’entrée gratuite au musée. Les tarifs normaux (5 euros l’entrée adulte) reprendront en même temps que la prochaine exposition temporaire.
Bien que le Covid-19 ait permis au musée de se digitaliser, avec vidéos et conférences en ligne, il a subi une perte de 30 à 40% de fréquentation. En 2019, il avait enregistré 42.000 entrées, sans compter les visites scolaires. Alain Faber espère que les jours pluvieux ramèneront les visiteurs curieux.