La Blockchain and Crypto-assets core team de PwC Luxembourg. Debout: Anne-Sophie Mauffrey et Patrick Hennes. Assis, de gauche à droite: Michael Delano, Thomas Campione et Cyril Lamorlette. (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne)

La Blockchain and Crypto-assets core team de PwC Luxembourg. Debout: Anne-Sophie Mauffrey et Patrick Hennes. Assis, de gauche à droite: Michael Delano, Thomas Campione et Cyril Lamorlette. (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne)

PwC Luxembourg met les crypto-actifs sur le devant de la scène, à l’occasion d’un premier événement, organisé le 2 avril prochain. Tour d’horizon des opportunités et des enjeux liés aux monnaies virtuelles, ou encore à la blockchain.

Le chemin menant à l’adoption de masse du bitcoin, et plus généralement des cryptomonnaies et autres crypto-actifs, est encore long et semé d’embûches.

Outre l’absence d’une régulation robuste permettant de rassurer l’utilisateur, le premier frein au développement des cryptomonnaies est l’absence de réponse simple et largement diffusée à la question «Comment ça marche?».

Second frein, lié à l’apparente complexité d’usage: le faible niveau de confiance dans une monnaie non fiduciaire.

La perte de nos repères

«Combien vaut le bitcoin?», «Qui se porte garant des bitcoins en circulation?», «Comment puis-je être sûr que ces actifs immatériels sont bien à moi?», et surtout «Le resteront-ils?» sont autant de questions qui alimentent la défiance du grand public à l’égard de ces monnaies dites «virtuelles».

Ainsi, le chemin vers une adoption large des cryptomonnaies passe notamment par la diffusion, la communication, la compréhension et, dans une certaine mesure, l’apprentissage par le plus grand nombre de connaissances de base au sujet des cryptomonnaies. Il conviendra aussi de tordre le cou à bon nombre de clichés, contre-vérités et autres épouvantails.

Un système différent, et donc déconcertant.

Cyril Lamorlettepartner - PSF leaderPwC Luxembourg

Les cryptomonnaies devront également inspirer une confiance durable au grand public, une confiance dans un système différent, et donc déconcertant. Le gain de cette confiance sera en particulier, et dans une large mesure, conditionné par la capacité des acteurs du système à convaincre le détenteur d’un crypto-actif qu’il en est bel et bien le possesseur, le «propriétaire».

En effet, la notion de propriété est cruciale, et davantage dans le cas d’un actif non physique.  Quel est l’élément qui détermine le «propriétaire» d’un crypto-actif? S’agit-il, par exemple, d’un titre de propriété enregistré auprès d’une autorité compétente, comme c’est le cas dans le monde des marques déposées? Avant de répondre à cette question, il est sans doute utile de rappeler, sans rentrer dans une description triviale qui n’intéresserait pas le lecteur, certains éléments techniques liés aux cryptomonnaies et à la technologie blockchain.

Le concept de clé publique/clé privée

Le concept de cryptomonnaies est fondé sur un couple unique et indissociable de clé publique et clé privée. Si l’on se risque à une analogie avec le système bancaire traditionnel, la clé publique (également parfois appelée «adresse publique») matérialiserait en quelque sorte le numéro de compte (ou IBAN) où sont déposés les fonds.

La clé privée serait le mot de passe qui permet de prélever les fonds et de les envoyer vers une autre clé publique. Et pour ouvrir un compte «IBAN-crypto», pas besoin de banquier, chacun peut déterminer sa propre clé publique, seul, avec un minimum de connaissance informatique. L’analogie avec ce système bien connu s’arrête là.

En effet, dans l’univers des cryptomonnaies, il n’a pas été prévu de registre officiel et centralisé qui lie les numéros de compte (les clés publiques) à des personnes. Il n’y a pas de banque centrale du bitcoin, pas d’établissement de crédit, pas de teneur de registres qui centralise qui est le titulaire, et donc le «propriétaire», d’une clé publique.

Il n’y a pas de banque centrale du bitcoin.

Michael Delanopartner - Blockchain & Crypto leaderPwC Luxembourg

Il y a bien des acteurs spécialisés en matière de tracking, ou bien des plates-formes d’échange qui se chargent d’allouer des cryptomonnaies à leurs clients, mais il serait, à l’heure actuelle, exagéré de pousser plus loin la comparaison avec le système bancaire traditionnel.

En effet, la propriété de cryptomonnaies ne découle pas du témoignage d’un tiers de confiance, qui serait, par exemple, une banque centrale ou un gouvernement.

S’il n’existe pas de titulaire officiel et reconnu de l’adresse publique, existe-t-il en réalité un «propriétaire» des cryptomonnaies déposées sur l’adresse publique? La réponse est bien sûr positive. Ce qui est déconcertant, c’est la façon de définir le «propriétaire».

La clé publique serait un coffre-fort, son contenu serait le solde en cryptomonnaies lié à l’adresse publique.

Cyril Lamorlettepartner - PSF leaderPwC Luxembourg

Et la réponse est plutôt technique que juridique. Dans le monde actuel des cryptomonnaies, le «propriétaire» est en fait celui qui a la maîtrise opérationnelle des fonds déposés sur l’adresse publique, donc celui qui détient le mot de passe (la clé privée) qui correspond à la clé publique.

Pour démontrer que l’on détient la clé privée, et que l’on contrôle donc l’actif, on peut par exemple initier une transaction à partir de cette adresse publique, transaction qui sera validée via le processus de «mining», qui éprouvera la correspondance entre la clé publique qui a été fournie et la clé privée (et prélever une commission, au passage…).

Pour faire simple, la clé publique serait un coffre-fort, son contenu serait le solde en cryptomonnaies lié à l’adresse publique, et ce coffre-fort serait protégé par un clavier numérique sur lequel il faudrait taper un code pour l’ouvrir (ce code ou mot de passe étant la clé privée).

Propriétaire du coffre-fort ou gardien des clés?

D’un point de vue formel, initialement, ce coffre-fort n’appartiendrait à personne en particulier et à tout le monde en général, ce qui est l’essence même du concept de registre distribué. Le «propriétaire» serait donc in fine la personne qui connaît le mot de passe, qui peut ouvrir le coffre-fort, et qui aurait la capacité de contrôler le contenu du coffre-fort, c’est-à-dire de mouvementer les fonds déposés vers un autre coffre-fort.

Un des problèmes majeurs auxquels font face les acteurs traditionnels dans ce contexte est le suivant: si une contrepartie est facilement capable de démontrer qui est le «propriétaire» du coffre (en tapant son mot de passe et en ouvrant le coffre), comment est-elle capable de démontrer qui est le seul «propriétaire»? Comment est-elle capable de démontrer qui est la seule personne à connaître le mot de passe?

Il existe d’ores et déjà des pistes pour organiser la copropriété des crypto-actifs, telles que des systèmes de ‘multisig’.

Michael Delanopartner - Blockchain & Crypto leaderPwC Luxembourg

La réponse à cette question est une des clés de voûte du système. Car, si d’autres personnes connaissent le mot de passe, alors la notion de propriété devient extrêmement fragile. Si un autre «propriétaire» (ou plusieurs) existe, alors ce «copropriétaire» aura la capacité de mouvementer le contenu du coffre à tout moment.

Dans ce cas, même si je suis toujours un des «copropriétaires», qui est capable de m’assurer que le coffre n’est pas devenu un coffre vide? Notons qu’il existe d’ores et déjà des pistes pour organiser la copropriété des crypto-actifs, telles que des systèmes de «multisig» requérant, par exemple, la signature de deux «copropriétaires» sur trois (c.-à-d. un genre de système de signatures A et B, bien connu dans le monde financier).

Le concept de cryptomonnaies nous oblige à revoir en profondeur certains fondements de la notion de propriété.

Cyril Lamorlettepartner - PSF leaderPwC Luxembourg

Dans le même ordre d’idées, si le mot de passe (la clé privée) est perdu, si plus personne ne le connaît, le contenu du coffre-fort (les bitcoins) ne disparaît pas, son contenu reste visible à tous, mais plus personne n’y aura jamais accès. C’est ce qui arrive dans les cas où le détenteur de la clé privée disparaît sans laisser de back-up. Les médias relatent régulièrement de telles mésaventures portant sur des sommes faramineuses en déshérence.

Ainsi, le concept de cryptomonnaie nous oblige à revoir en profondeur certains fondements de la notion de propriété, et donc de conservation des avoirs, telle que nous la connaissons traditionnellement.

La notion de dépositaire de crypto-actifs à (ré)inventer

La redéfinition de la notion de propriété que nous imposent les crypto-actifs n’est pas sans poser d’énormes questions aux acteurs traditionnels qui offrent des services de garde d’actifs. En effet, l’environnement de contrôle interne actuel, ainsi que les processus de traitement mis en place au sein des banques dépositaires, ne permet pas d’envisager l’ensemble des spécificités de ce nouveau genre d’actifs.

Prenons l’exemple d’un fonds d’investissement qui souhaite détenir des bitcoins, ou tout autre type de crypto-actif. La banque dépositaire devra s’assurer de l’existence et de la propriété des bitcoins dans lesquels le fonds a investi.

Dans cette perspective, la banque dépositaire sera-t-elle la garante des crypto-actifs «déposés» sur l’adresse publique, ou simplement la gardienne des clés privées, ou les deux?

Outre les considérations réglementaires et juridiques, une partie de la réponse dépend de la façon dont les crypto-actifs sont détenus par le fonds d’investissement.

Michael Delanopartner - Blockchain & Crypto leaderPwC Luxembourg

Outre les considérations réglementaires et juridiques, qu’il reste encore largement à préciser, une partie de la réponse dépend de la façon dont les crypto-actifs sont détenus par le fonds d’investissement. Aura-t-il recours à un tiers spécialisé en matière de garde des crypto-actifs, tel que Xapo, BitGo ou itBit? Ou privilégiera-t-il une solution de «self-custody» en ayant recours à une large gamme d’outils permettant de conserver ses cryptomonnaies?

La plupart reposent sur des logiciels complexes, parfois alliés à des hardwares de type clé USB. Ainsi, le fonds pourra utiliser des portefeuilles physiques ou digitaux, connectés ou non, tels que Ledger, Trezor, Jaxx ou CoinPlus. Enfin, aura-t-il recours aux services de plates-formes crypto telles que Binance, Bitstamp, bitFlyer ou Coinbase? Voire à un mix de ces solutions? Quelles que soient les réponses à ces questions, nul doute qu’elles auront pour effet de transformer en profondeur et durablement le paysage actuel.

Il faudra compter avec cette technologie à l’avenir.

Cyril Lamorlettepartner - PSF leaderPwC Luxembourg

Ainsi, les fondements sur lesquels nous articulons notre réflexion sont, dans une certaine mesure, remis en cause par les nouveaux principes établis par la technologie blockchain. On le voit, beaucoup de questions n’ont pas encore de réponse définitive. Les États, les gouvernements, les acteurs économiques sont tous convaincus qu’il faudra compter avec cette technologie à l’avenir, et que son impact sur nos modes de fonctionnement sera très probablement considérable.

À risquer une ultime analogie, avec l’avènement de la blockchain, on se retrouverait presque dans une situation comparable à celle où la diffusion de la théorie de la relativité d’Einstein, en rupture avec les certitudes de l’époque, a bouleversé les principes établis par Newton.

Cet article a été rédigé par Cyril Lamorlette (partner, PSF leader) et Michael Delano (partner, Blockchain & Crypto leader), PwC Luxembourg.

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