Pour le directeur général de Rcarré, Jean-Guy Roche, si un GIE dédié à un cloud public luxembourgeois ne voit pas le jour, les données vont progressivement être hébergées ailleurs. (Photo: Rcarré)

Pour le directeur général de Rcarré, Jean-Guy Roche, si un GIE dédié à un cloud public luxembourgeois ne voit pas le jour, les données vont progressivement être hébergées ailleurs. (Photo: Rcarré)

Le lancement d’un cloud public luxembourgeois est essentiel au maintien, au Luxembourg, du marché de la donnée, assure le directeur général de Rcarré, Jean-Guy Roche, le «booster» de réunions qui ont commencé il y a un an et demi.

«Je fais partie des gens qui considèrent que la richesse du 21e siècle est la donnée. J’ai envie que cette donnée reste au Luxembourg.» À l’heure où le cloud privé est de plus en plus délaissé au profit du cloud public, les données s’envolent vers les centres de données des grands fournisseurs, surtout américains, «à Dublin, Amsterdam ou Berlin», ajoute le directeur général de Rcarré, Jean-Guy Roche.

Celui qui se définit comme le «booster» d’une initiative en discussion depuis maintenant 18 mois commence par reposer le contexte. «Nous avons été des enfants gâtés, au Luxembourg, avec l’arrivée de la fibre à peu près partout et des data centers qui étaient des facilitateurs de business pour toutes les SSII (sociétés de services en ingénierie informatique). Par rapport à nos confrères belges ou français, nous avons pu, il y a sept ou huit ans, commencer à vendre des solutions cloud. Le private cloud s’est bien développé sur le marché luxembourgeois. Dans les autres pays, quand vous avez 2 méga de bande passante, vous ne savez pas le faire, alors que nous étions à 30 ou 40 et pouvions avoir de bons résultats.»

Seulement, le périmètre a changé. À quoi bon avoir son propre centre de données, qu’il faut maintenir en parfait état de fonctionner? Les entreprises ont commencé à se tourner vers des solutions externalisées, ce qu’on appelle le cloud public.

Une fuite des données hors du Luxembourg

«Il y a une nouvelle accélération, c’est celle de l’arrivée du public cloud, avec Amazon et Azure (de Microsoft). Ils arrivent avec des catalogues de services au service des entreprises», explique l’entrepreneur. «Des choses qui sont assez incroyables, sur lesquelles nous ne sommes pas encore prêts, et des choses sur lesquelles nous restons compétitifs. Avec Microsoft 365 ou Google Mail, ils ont gagné. Pour 4 euros, vous ne faites rien d’autre.»

Quand les clients y souscrivent, dit-il, «nous avons une fuite des données du Luxembourg vers les autres pays. Mais cela n’est plus chez nous. Et de là à ce que, stratégiquement, les centres de décisions suivent la migration des données, il n’y a qu’un pas à faire… Des SSII comme les nôtres se posent la question: conserver mon private cloud, et, pour les demandes de public cloud, être un broker d’Amazon ou de Microsoft? Apprendre leurs techniques et voir ce qui se passe? Ou se demander s’il n’existerait pas l’opportunité d’un marché, au Luxembourg, pour avoir une solution de cloud public. Il n’y aura pas un catalogue de services qui reprenne tous les besoins, on ne sera pas un concurrent d’un géant – on ne peut pas –, mais on mise sur une approche qui permette d’être local, d’avoir du support local, du support en français, ou toute une série de choses qui plaisent aux gens. On peut se démarquer sur la question des services.»

Il y a 18 mois, il propose à Luxconnect d’examiner cette possibilité. Petit à petit, ce groupement informel grossit et comprend une quinzaine d’interlocuteurs autour de la technologie à adopter et de l’opportunité de marché.

«Technologiquement, on a un produit qui s’appelle OpenStack, un produit du libre qui permet de répondre à nos attentes», explique M. Roche. «Nous ne l’avions pas testé. Il marche, demain, l’embrayage, c’est de trouver assez de partenaires qui ont assez de crédibilité pour trouver le volume financier. C’est toujours la clé. Si même moi j’avais l’argent, quelle crédibilité aurais-je de faire cela tout seul? Il y a une démarche qui doit être nationale, même si nous ne sommes pas du tout allés voir le politique.»

Un GIE qui doit réunir le secteur

L’embrayage, comme il dit, c’est de créer un groupement d’intérêt économique (GIE). «Lu-Cix a montré toute la pertinence, dans un secteur comme le nôtre, pour des gens qui ont commercialement des intérêts différents, mais stratégiquement des intérêts équivalents, de passer d’être concurrents à devenir des confrères», détaille le directeur général de Rcarré.

«Maintenant, il faut étudier la possibilité de qui va être intéressé par l’idée de se lancer dans cette aventure et si on va trouver assez d’intérêt parmi nos partenaires, luxembourgeois ou de la Grande Région. On peut avoir trois types de clients, les prescripteurs, comme les Big Four, qui ont des intérêts, les consommateurs, qui peuvent nous amener dès le départ un volume qui nous permet de rentabiliser, et les SSII, qui vont pouvoir augmenter leurs catalogues de services ‘made in Luxembourg’.»

«Si toutes les données partent à Dublin ou Berlin, de quoi remplirons-nous nos data centers dans 10 ans? Un data center ne s’amortit pas en trois ans», prédit-il, avant d’estimer à 2 millions d’euros et du support bancaire le soutien nécessaire au lancement de ce GIE, à condition «de parvenir à convaincre le secteur de la nécessité de le faire d’ici la fin de l’année, sinon ce projet ne sera pas porté à son niveau national. Moi, je n’ai pas besoin de cloud. Nous utiliserons des data centers de Luxembourg, Luxconnect, EBRC, ceux qui existent. Nous n’allons pas refaire de la quincaillerie!»