La mesure prévoit d’interdire la mendicité de 7h à 22h. Elle concernera les parcs et les places publiques de la ville, ainsi qu’un certain nombre de rues, principalement situées en Ville-Haute, mais aussi dans le quartier de la Gare. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

La mesure prévoit d’interdire la mendicité de 7h à 22h. Elle concernera les parcs et les places publiques de la ville, ainsi qu’un certain nombre de rues, principalement situées en Ville-Haute, mais aussi dans le quartier de la Gare. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Info Paperjam. – Alors que les élections communales se profilent, le collège échevinal de Luxembourg-ville veut interdire la mendicité dans certaines zones de la capitale, estimant le phénomène de la mendicité organisée hors de contrôle. L’opposition dénonce une mesure symbolique et inapplicable.

Tentative de lutter contre le phénomène de mendicité organisée dans la capitale ou mesure purement symbolique? La majorité DP-CSV à la Ville veut modifier le règlement général de police afin d’interdire la mendicité dans certaines zones, ce qui ne manque pas de diviser politiquement. Un règlement en ce sens devrait être soumis au vote du conseil communal le 27 mars prochain.

«Le phénomène de mendicité organisée prend une ampleur que nous n’arrivons plus à contrôler», constate l’échevin (CSV). «Nous ne pouvons plus l’accepter.» L’interdiction est prévue de 7h à 22h et concernera les parcs et les places publiques de la ville, ainsi qu’un certain nombre de rues, principalement situées en Ville-Haute, mais aussi dans le quartier de la Gare, comme sur l’avenue de la Liberté ou l’avenue de la Gare.

La police devra par la suite contrôler et, le cas échéant, sanctionner d’une amende les personnes en situation d’infraction, sans d’ailleurs pouvoir les déplacer. Le procès-verbal sera ensuite envoyé au Parquet. Cela dit, en cas de non-paiement des amendes, la sanction qui en découlerait devrait être «la contrainte par le corps et un séjour en prison», selon le conseiller communal Tom Krieps (LSAP).

Une lutte difficile contre la mendicité organisée

Jusque-là, . Si la mendicité simple n’est pas interdite par la loi nationale, c’est bien le cas de la mendicité organisée. Mais prouver celle-ci est une gageure. «Les tribunaux sont très stricts dans leur appréciation de la mendicité organisée, qui est difficile à prouver», explique Tom Krieps.

Pour contourner cette difficulté, le collège échevinal tente donc une nouvelle approche, consistant à interdire toute forme de mendicité – sans distinguer si elle est simple ou organisée –, mais tout en se gardant bien d’en faire une interdiction généralisée. «Ce n’est pas une interdiction généralisée de la mendicité, mais seulement dans certains endroits de la ville», précise ainsi Laurent Mosar.

Par ce biais, le collège échevinal tente d’éviter la censure de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui avait condamné, dans un arrêt «Lacatus contre Suisse» de 2021, une législation du pays mettant en place une interdiction générale de la mendicité et des peines d’emprisonnement pour sanctions. La loi suisse avait par la suite été modifiée en ne limitant l’interdiction qu’à certaines zones. Le collège échevinal s’inspire donc du cas suisse, la CEDH n’ayant pas précisé si des interdictions localisées sont permises ou non.

Politique symbolique

À quelques semaines des élections communales, l’opposition dénonce «de la politique symbolique qui n’aura pas d’effet dans la réalité», selon les mots du conseiller communal (déi Gréng). «L’interdiction telle que proposée ne se justifie pas et sera difficile à appliquer», estime-t-il. De fait, «le règlement général de police comporte déjà aujourd’hui des dispositions qui interdisent la mendicité organisée», explique le .

Du côté du LSAP, il s’agit d’«un choix politique, pas juridique», selon Tom Krieps, pour qui la mesure est d’une «applicabilité discutable». Celle-ci consiste ainsi en une «voie détournée» qui n’est «pas digne d’un État de droit», estime celui qui est aussi avocat: «Ce n’est pas parce qu’il est difficile de prouver une infraction qu’il faut poursuivre sur la base d’une infraction inférieure», et donc impliquer les auteurs de mendicité simple, qui ne posent pourtant pas de problèmes, selon lui.

S’attaquer à la racine du problème

Cela se justifie d’autant moins que le règlement interdit la mendicité simple alors même que la loi nationale ne l’interdit pas, ce qui pourrait consister en une restriction illégitime des libertés individuelles. La majorité cherche surtout à «montrer aux gens que quelque chose est fait», juge-t-il, sans chercher à résoudre le problème.

François Benoy réclame ainsi «des actions concrètes qui s’attaquent à la racine du problème de la mendicité plutôt que de recourir à des mesures symboliques. Nous devons lutter contre la pauvreté et non contre les pauvres. La mendicité est un problème structurel». Celui-ci considère les mesures contre le sans-abrisme insuffisantes et constate qu’«alors qu’il y a dans la ville de Luxembourg, il n’y a par exemple que 28 personnes qui ont été accompagnées dans le cadre d’un projet Housing first».

Caractère dissuasif

«Le facteur le plus important est le caractère dissuasif de la mesure, ainsi que le signal donné: il est interdit de mendier dans les rues et sur les places publiques», défend de son côté Laurent Mosar, qui reconnait ainsi implicitement le caractère symbolique de la mesure.

L’échevin assure attendre avec impatience le débat au conseil communal lors du vote. «Nous ne sommes pas les premiers à prendre une telle mesure», explique-t-il. Il note que la première commune du pays à avoir adopté une règlementation similaire fut celle de Diekirch, dont la majorité est LSAP. Et que, parmi les deux autres, (dont Ettelbruck), on trouve une autre commune LSAP: Dudelange. Sans compter que la ministre de l’Intérieur, (LSAP), a dû valider de tels règlements avant leur application. «Si les socialistes votent contre, alors je me demande quelle est leur position sur le sujet», s’interroge donc Laurent Mosar.