Au sud-est d’Esch-sur-Alzette, tout près du parc Gaagebierg et de la gare, le quartier de Brill est, avec celui d’Uecht (plus à l’ouest), le plus ancien de la ville. Urbanisé et plutôt central, il abrite 5.283 habitants, soit environ 14,1% de la population de la ville. Ce qui en fait le deuxième quartier le plus peuplé. Sa démographie est d’ailleurs en croissance. Ces dix dernières années, 427 personnes sont venues s’y établir. Des habitants plutôt jeunes, avec un âge moyen de 37,1 ans. Ici et là dans les rues, les commerces lusitaniens sont nombreux, à l’image du quartier dans lequel les Portugais sont les plus nombreux. La part des Luxembourgeois augmente toutefois, ils sont 26,2% en 2022.
Dans la rue du Brill justement, une épicerie portugaise voit défiler les clients toute la matinée. Ana-Paula Oliveira dont la fille tient ce commerce, évoque un quartier tranquille dans lequel le quotidien est agréable. Mais dans cette artère qui porte le nom du quartier, elle regrette d’avoir vu «plusieurs restaurants fermer». Daniela, à la caisse de l’épicerie, confirme, mais nuance ce constat: «certains ferment, mais d’autres ouvrent (comme le Famous ou le Jolimar ndlr). On arrive à avoir tout à proximité, il y a la gare, le parc pas très loin, c’est agréable», note celle qui vit ici depuis dix ans.
Un peu plus loin, devant un restaurant justement, Olivier Perisse s’apprête à commencer son service. Le cuisinier du Domanni est originaire de Villerupt. Et comme beaucoup de Français vivant dans les communes rurales de la frontière, il a toujours été davantage tourné vers Esch que vers Thionville ou Metz. «Depuis que je suis jeune, je viens ici, je connais très bien. Depuis toutes ces années, je vois que le quartier a perdu pas mal de choses. Je pense que le développement de Belval a joué là-dedans», pense-t-il.
Du côté de la vie commerciale et économique, 69 faillites ont été recensées entre 2019 et 2022. Brill est d’ailleurs le quartier dans lequel on compte le plus de cellules vides (environ 75). Ce sont surtout les commerces (29,4%) et les activités de restauration et d’hébergement (17,1%) qui dynamisent le plus le quartier.
Consciente du besoin de revitalisation du quartier et plus généralement du centre-ville, la commune a lancé une initiative gratuite baptisée Claire et qui a pour but d’aider les propriétaires de locaux commerciaux vides à trouver de nouvelles utilisations. Pour cela, la ville propose un intermédiaire, une plateforme dédiée, un médiateur et un point de contact rue de l’Alzette. C’est d’ailleurs aussi dans cet esprit que fonctionne le pop-up ouvert un peu plus loin dans la rue de l’Alzette.
La rue de l’Alzette justement, est la principale artère du centre-ville. Sur près d’un kilomètre, elle traverse à la fois le quartier du Brill et celui d’Al-Esch. Philippe Eder, le patron de la boulangerie La Fournée luxembourgeoise évoque les prix des loyers comme un frein au développement du quartier. Comme dit plus tôt par un autre habitant: «tout a été fait pour Belval, et nous n’avons que les miettes. C’est le même problème qu’ailleurs avec les centres commerciaux. Mais la ville essaie de relancer les choses.»
Installé depuis 2007, il sert plutôt une clientèle d’habitués que de passage, et selon lui, la rue de l’Alzette serait plutôt épargnée par rapport à d’autres du quartier. Il souligne toutefois avoir constaté de nouvelles problématiques: «cela s’est un peu dégradé, car le soir surtout, le quartier est mal fréquenté». Ce que confirme la buraliste de l’autre côté de la place de la Résistance: «pour se détendre, les habitants vont en général ailleurs, mais ils ne restent pas pour profiter du quartier sur leur temps libre».
Des visites guidées sur différents thèmes
Pourtant il dispose de son lot de curiosités avec le Théâtre municipal et sa galerie d’art ou encore son Musée national de la résistance et des droits humains, pour l’instant fermé en vue de l’installation de la prochaine exposition. Il continue cependant de proposer . Les prochaines auront lieu le 26 août et le 2 septembre. Une exposition est également installée en ce moment sur l’esplanade devant le musée. À quelques pas, au 77 rue Zénon-Bernard, la façade de l’église du Sacré-Cœur – classée monument national en 2019 – invitera le passant à lever la tête. Son intérieur dévoile des vitraux d’art de Binsfeld, Linster et Schock et son orgue avait été présenté lors de l’exposition universelle de Bruxelles.
Le quartier, comme toute la ville plus généralement, constitue aussi «un véritable creuset de l’architecture européenne», note D’Escher Infofabrik, le bureau d’informations touristiques d’Esch. Il propose un circuit de promenade architecturale, avec une dizaine de points d’arrêts dans le quartier du Brill, pour admirer les plus belles maisons bourgeoises du quartier comme l’ancien hôtel du Parc et découvrir les spécificités des plus beaux bâtiments du quartier.
L’architecture du quartier et ses récents aménagements, comme celui de la Place de la Résistance, contribuent à garder un vent de modernité dans ce quartier historique, bien loin du «pré -humide» qu’il était dans les années 1900: «une grande friche s’étendait des rives de l’Alzette jusqu’à la frontière et qui se transformait souvent en un lac infranchissable du fait du débordement de la rivière» indique l’historique de la commune. Et il devrait encore évoluer. Le récent Plan national de mobilité 2035 dévoilé par le bourgmestre (CSV) prévoit la création d’une nouvelle gare Esch/Brill.
Des travaux prévus rue de l’Alzette
. Elle avait été originellement construite entre 1885 et 1911 au-dessus de l’Alzette canalisée. L’aménagement urbain tel qu’on le connait aujourd’hui date de 1992-93. En attendant sa cure de jouvence, on peut toujours la parcourir à bord d’une mini-navette autonome qui plait autant aux habitants du quartier, âgés ou non, qu’aux touristes curieux. Le patron du salon Coiffure by Tun ne voyait pas forcément en ces travaux une si grande urgence, et comme d’autres commerçants l’ont confié, il craint l’impact des travaux sur la fréquentation de son salon.
Lire aussi
«Je pense qu’il y avait d’autres priorités. On pourrait même imaginer laisser repasser des voitures de temps en temps et se garer, selon une organisation qui permette de redynamiser le quartier» suggère celui qui a à cœur de préserver l’image du quartier. «Il est vrai que l’image de marque du quartier a baissé, mais il reste quelques anciens commerces. Une mauvaise image est véhiculée, un peu à tort. Comme lorsqu’on dit qu’Esch est sale. C’est faux, il y a peut-être une rue ou deux un peu délaissées, mais c’est plutôt du fait des gens», et d’ajouter: «Nous sommes tout de même dans un quartier cosmopolite et où il fait bon vivre.»