Au CNA de Dudelange, c’est un domaine d’exploration artistique bien singulier qui se retrouve au centre de l’exposition «Collapsed Mythologies» d’Eline Benjaminsen, inaugurée le week-end dernier, et accessible jusqu’au 29 août dans la superbe Waassertuerm, où elle remplace «The Bitter Years» d’Edward Steichen le temps de quelques mois…
La jeune artiste norvégienne est une ancienne lauréate de la résidence du lieu, dédié aux photographes émergents, dont les bénéficiaires sont sélectionnés par un jury suite aux Portfolio Days et se voient ensuite offrir cette plateforme unique. C’est alors que Benjaminsen s’est intéressée aux mythes et aux éléments de langage, sinon secrets, en tout cas très «insiders», de la finance internationale par le biais, notamment, d’un lexique publié par Abstract Supply en 2018, le «Geofinancial Lexicon», qui contient une liste de termes et locutions utilisés dans le journal américain Financial Times (et quelques autres), se rapportant «aux conditions terrestres et matérielles présentes dans l’emploi quotidien du langage financier».
Des fleurs, des animaux et Goldman Sachs
Dans ce lexique, élément de base dont «Collapsed Mythologies» se veut une annexe visuelle, on retrouve en effet des références très naturelles. Ainsi, une «daisy chain», soit une jolie couronne de marguerites, signifie en fait, dans les plus hautes sphères de Wall Street, un groupe d’investisseurs peu scrupuleux qui spéculent seulement pour leur propre intérêt financier; tandis qu’un «fat cat», ce chat grassouillet qu’on aurait envie de câliner loin des affres des salles de marché, désigne un riche magnat qui s’enrichit par tous les moyens et bien au-delà de ce que le commun des mortels pourrait considérer comme «juste»…
Par contre, la comparaison devient plus acerbe et pertinente lorsqu’elle aborde la fameuse Goldman Sachs – et, a posteriori, d’autres grandes firmes financières du même acabit –, puisque cette dernière est un «vampire squid», bête tentaculaire terrifiante prête à saigner à blanc toute proie trop bête pour l’avoir approchée!
Un exposé conceptuel qui mérite développement
Si cet angle à la fois conceptuel, mais aussi très attractif, de l’interprétation photographique d’un des aspects les plus énigmatiques de l’économie mondiale séduit clairement sur le papier, son traitement final pour cette exposition au CNA aurait peut-être mérité d’être approfondi encore plus…
Que dirait un sémiologue quant au rapport à la nature, voire à la zoologie, pour la plupart de ces termes? Où le praticien d’une telle verve la rencontre-t-il pour la première fois? Dans les salles obscures et mystérieuses des grandes universités américaines de l’«Ivy League»? Lors d’afterworks initiatiques à Londres, Hong Kong ou New York? On aurait aimé que l’histoire se raconte davantage en même temps qu’elle ne se rappelle à nos yeux interloqués… Mais par son originalité et son approche très fraîche, «Collapsed Mythologies» constitue sans aucun doute une des sorties culturelles de cet été à ne pas louper!
«Collapsed Mythologies» d’Eline Benjaminsen, au CNA de Dudelange (Waassertuerm), du mercredi au dimanche, de 12h à 18h, en entrée libre.