Plafonné au Luxembourg, le prix du diesel est très variable en France, où l’État est aussi plus gourmand fiscalement. (Photo: Shutterstock)

Plafonné au Luxembourg, le prix du diesel est très variable en France, où l’État est aussi plus gourmand fiscalement. (Photo: Shutterstock)

À 1,50 euro le litre de diesel, le carburant «luxembourgeois» reste le moins cher de la Grande Région: le prix maximum est inférieur de 19 cents au prix de référence de la France et de 35 cents à celui de la Belgique. Et la gourmandise fiscale des États n’explique pas tout.

Le diesel n’a jamais été aussi cher au Luxembourg: 1,50 euro le litre ce jeudi 10 février au matin. De même que le super 98, à 1,645 euro, et le super 95, à 1,553 euro, non plus. Devant des prix à la pompe qui se lissaient ces dernières années, de nombreux automobilistes ont changé leur fusil d’épaule: depuis 2018, le parc de 200.498 voitures en circulation au Luxembourg compte plus de voitures à essence que de voitures au diesel (57,1%-38,49% en 2021), ce qui explique que les ventes de diesel soient restées stables en 2021 à 1,7 milliard de litres, contre une nette augmentation (18,67%) du volume d’essence, à 445 millions de litres l’an dernier. Il convient de prendre ces chiffres avec prudence, compte tenu du télétravail et des mesures à géométrie variable liées à la pandémie.

Pas sûr qu’ils regrettent vraiment leur choix. Ils doivent aujourd’hui payer 2,65 euros pour le même plein de 50 litres de super 95 et 7,25 euros de plus pour du super 98. Si une voiture diesel coûte encore plus cher à l’achat, elle est réputée consommer environ 15% de moins de carburant, pour autant que le conducteur effectue au moins 20.000 kilomètres par an. Mais si cette différence s’assume dans un des pays au pouvoir d’achat le plus élevé au monde, le plafonnement du prix relance l’intérêt du tourisme à la pompe.

Selon le ministère français de l’Économie, le prix du litre de diesel atteint 1,69 euro, et selon son alter ego belge, le prix maximum du litre en Belgique est de 1,816 euro. Soit une économie potentielle sur le même plein de 50 litres de 9,50 euros pour des Français et de 15,80 euros pour des Belges quand ils viennent jusqu’au Luxembourg. À la différence près que la France parle de prix moyens et la Belgique de prix maximums.

De 1,659 à 1,797 euro le litre en Lorraine

Nous avons d’ailleurs fait l’exercice pour un résident français. À moins de 50 kilomètres du Luxembourg, où a-t-il intérêt à aller chercher son diesel en Lorraine? Selon les prix enregistrés par 130 stations sur le site de la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes, Esso Hayange (1,659 euro le litre) l’emporte devant Cora Mondelange (1,669), Intermarché Aumetz (1,677), Carrefour Thionville (1,682) et Station U Nilvange (1,693), tandis que le roi de la publicité, Michel-Édouard Leclerc, a passé ce jeudi matin son litre de diesel à 1,70 euro… Toujours moins cher que la station Total du rond-point Merlin à Thionville, qui le vend 1,797 euro…

L’intérêt de ce rapide comparatif franco-français est de montrer que la gourmandise fiscale de l’État n’explique pas tout. Certes, avec 52% du prix d’un litre de diesel qui part dans les caisses de l’État, c’est nettement plus que le Luxembourg (44%), mais assez comparable avec les 50% belges.

Face aux prix réglementés au Luxembourg, qui permettent de découper le prix du litre en 15% de TVA, 29% d’accises (dont 0,014.1 euro de taxe carbone), 9% de logistique et 47% du produit lui-même, les distributeurs finaux décident eux-mêmes comment gérer leurs marges. Comme pour l’eau, toujours installée au fond du supermarché où se rendent les consommateurs, le carburant est un produit d’appel, même si la densité très élevée de supermarchés est de moins en moins déterminante: aller faire ses courses hebdomadaires ou mensuelles ne rime plus forcément avec aller faire son plein.

De grosses prises… de tabac

Situation qui ne vaut pas pour les transporteurs professionnels, note le conseiller énergie et environnement de la Fedil, Jean-Marc Zahlen. «L’augmentation de la taxe CO2 au 1er janvier a plutôt impacté négativement la compétitivité du Luxembourg avec ses pays voisins, notamment avec la Belgique et la France, qui n’ont pas de taxe CO2, mais qui ont des systèmes de remboursement des accises pour les transporteurs professionnels. Le Luxembourg était déjà plus cher pour les transporteurs professionnels avant l’augmentation de la taxe CO2 au 1er janvier.»

Le Luxembourg, qui voulait lutter contre le tourisme à la pompe (80% du volume en 2019), malgré les 3 milliards d’euros qui rentrent dans les caisses de l’État, voit l’effet de sa taxe carbone limité. Si le déplacement est moins rentable que lors des belles années, il faut toujours l’envisager dans sa globalité, c’est-à-dire avec cigarettes et alcool.

Depuis le début de l’année, on compte au moins trois «belles» prises des douaniers et policiers français ou belges: le 12 janvier, deux Bulgares avaient été interceptés avec 15.000 euros de tabac dans leur voiture à Limoges, dans le centre de la France; le 18 janvier, dans les Ardennes françaises, des gendarmes ont interpellé un homme résidant dans la région parisienne qui avait acheté 30 cartouches de cigarettes au Luxembourg; enfin, le 31 janvier, un Lyonnais a été arrêté sur l’A31 à côté de Nancy avec 38 kilos de tabac luxembourgeois.

Probablement beaucoup plus que ce que passent gentiment les frontaliers, le dimanche, depuis Dudelange, Rodange ou Mondorf, lors de la promenade dominicale.