La gestion des finances en temps de crise passe par un «real-time reporting» selon les experts invités lors de la table ronde digitale à ce sujet qui s’est déroulée le 23 avril. (Photo: Shutterstock)

La gestion des finances en temps de crise passe par un «real-time reporting» selon les experts invités lors de la table ronde digitale à ce sujet qui s’est déroulée le 23 avril. (Photo: Shutterstock)

Faire un reporting en temps réel grâce à des outils numériques semble essentiel pour gérer les finances d’une entreprise pendant la crise. Celui-ci servira à mettre en place plusieurs scénarios qui aideront le CEO à prendre les meilleures décisions possible pour la suite.

Les finances ne sont pas au beau fixe pour les entreprises en cette période de crise du coronavirus, et les risques de faillite peuvent survenir. Des spécialistes en gestion financière ont livré leurs recommandations pour anticiper et gérer au mieux l’après-coronavirus lors d’une table ronde digitale jeudi 23 avril.

1) Se concentrer sur la trésorerie

«La gestion de trésorerie est capitale aujourd’hui», rappelle Reginald Nobels, associate director chez EMAsphere, plate-forme d’analyses et de prévisions pour PME. «Le CFO doit avoir une analyse approfondie du flux de trésorerie actuel, du cash qui est entré et sorti, afin d’avoir déjà une certaine tendance.» Le suivi précis de son échéancier client-fournisseur est essentiel selon lui, pour «savoir ce qu’il est capable de payer ou non» et de voir son besoin en fonds de roulement à venir. Il conseille également de «reporter ses investissements afin de se focaliser sur son pur business».

En ce qui concerne l’endettement, surtout bancaire, «l’important est d’avoir un plan de trésorerie pour les prochains mois. Une fois qu’il est réalisé, le CFO peut commencer à discuter avec son banquier afin de revoir un plan d’échelonnement.»

2) Réaliser un bon reporting…

«Beaucoup de chefs d’entreprise n’ont pas toutes ces données comptables, elles sont réparties dans d’autres systèmes, ce qui entraîne la prise de mauvaises décisions», remarque-t-il. «Le point de départ, c’est d’avoir des données mises à jour, si possible au quotidien, ou au moins une fois par semaine. Celui qui aura un bon reporting passera plus facilement à travers cette crise», estime-t-il.

3) … Numérique et en temps réel

Même avec de bons chiffres, «trop d’entreprises sont bloquées sur le traitement de données sur des fichiers Excel ou différents logiciels qui ne se comprennent pas», constate Alex Dossche, managing director chez Sage pour la Belgique et le Luxembourg. Son groupe édite des logiciels de gestion financière pour les PME qui permettent de regrouper ces données. Il prêche pour sa paroisse: «Il est primordial d’avoir des datas en temps réel pour faire ensuite des prévisions.»

Révolution numérique ne rime pas avec gros travaux. «Il vaut mieux digitaliser pas à pas», pense-t-il. «Il y a des choses qui sont tellement évidentes, comme synchroniser les extraits bancaires dans la comptabilité de manière automatisée. Beaucoup d’entreprises les rentrent encore manuellement alors qu’elles pourraient gagner du temps et avoir un échéancier à jour.»

«Cette digitalisation dans l’entreprise s’avère nécessaire à tous les niveaux, que ce soit les ressources humaines ou la ‘supply chain’», complète Reginald Nobels.

4) Modéliser des scénarios

L’intérêt de tous ces chiffres? Prendre de meilleures décisions à l’avenir. Avec le suivi du cash, du risque client… Les entreprises peuvent «faire des projections à long terme et modéliser l’impact financier des différentes décisions qui peuvent être prises», explique Dominique Galloy, managing director chez Sigma Conso, qui propose des logiciels de consolidation financière. Ces scénarios doivent aussi prendre en compte les facteurs externes, comme les décisions du gouvernement sur l’après-crise ou encore celles des concurrents sur le marché. 

5) Un rôle de conseiller de la part des responsables financiers

Comptables ou directeurs administratifs et financiers occupent donc, plus que jamais, un rôle de conseiller stratégique auprès du CEO qui va prendre des décisions. «Le CFO doit pouvoir challenger la stratégie de l’organisation, faire du reporting du passé, comprendre ce qu’il se passe, mais aussi prédire le futur», détaille Alex Dossche. «Il doit regarder beaucoup plus par la vitre que dans le rétroviseur.»

De même pour le comptable. «Ce sera le défi des fiduciaires et cabinets comptables: se transformer en conseillers et laisser tomber les tâches qui peuvent être automatisées», selon Reginald Nobels, dont l’entreprise propose aussi des logiciels le permettant.

6) Faire le lien entre l’opérationnel et le financier

«Si on veut vraiment arriver à modéliser des scénarios, il faut intégrer des données opérationnelles de l’entreprise et de l’extérieur», insiste Dominique Galloy.

«Les données du cœur de l’entreprise se trouvent dans ces flux opérationnels», complète Reginald Nobels. Par exemple, pour un hôtel, le taux d’utilisation des chambres, ou pour une entreprise de construction, la marge brute d’un chantier.

7) Sécuriser ses données

Dominique Galloy cite l’exemple d’un malheureux client français qui vient de se faire hacker. «La combinaison de ce problème, où toutes les données ont été perdues, avec le Covid, le met en grande difficulté», alerte-t-il. «La sécurité de l’infrastructure informatique, qui est la base pour que le CFO ou le comptable puissent faire leur travail, est devenue un élément stratégique.» C’est notamment la mission du CIO, directeur des systèmes d’information.

8) Savoir où se trouvent les facteurs de risques

Pour bien gérer les risques pour la suite, il faut d’abord savoir où ils se trouvent. «Cela dépend du secteur, il peut être dans votre stock, chez vos clients, vos fournisseurs», illustre Reginald Nobels. Ensuite, connaître leur ampleur. «Sur cette base, on va mettre en place un plan pour les maîtriser.»

9) Et pourquoi pas en prendre

«Il faut parfois aussi savoir prendre des risques, même dans cette période», sourit Reginald Nobels. «Celui qui reprend un stock très bon marché et qui pourra faire fureur d’ici deux mois aura peut-être joué un très bon coup.»