Les résidents dépensent 526 dollars par personne et par an en médicaments au Luxembourg, soit un petit peu moins que la moyenne des pays de l’OCDE, qui pointe à 571 dollars. Dans 85% des cas, ces dépenses sont couvertes par l’assurance-maladie, ce qui les rend quasi indolores pour les patients. Il n’empêche, l’ardoise totale monte à 250 millions d’euros en 2020 pour les produits pharmaceutiques remboursables dans le cadre du régime d’assurance-maladie.
En Grande Région, c’est en France que le prix des médicaments est statistiquement le plus avantageux, . Ce dernier a analysé le marché et émis une série de recommandations pour dynamiser la concurrence dans ce secteur.
1. Revoir le système des prix maxima
Les prix maxima fixés par le ministère de la Sécurité sociale sont toujours suivis au Luxembourg, ce qui les transforme en prix fixes et exclut toute possibilité de concurrence, dénonce le rapport. Celui-ci préconise la fin de ce plafond tarifaire pour les médicaments en vente libre (Over the counter) conditionné à l’ouverture du monopole officinal de distribution.
2. Préférer la France à la Belgique
80% des médicaments vendus au Luxembourg proviennent de Belgique. Or, le tarif des médicaments princeps (non génériques) y est 10% supérieur au prix médian, selon les données de la société Medbelle datant de 2019. Sur un échantillon de 25 médicaments soumis à prescription, 16 s’avèrent plus avantageux en France qu’au Luxembourg, contre seulement deux en Belgique. Pour les produits en vente libre, 9 des 10 références considérées s’affichent moins chères outre-Zouftgen. Dans tous les scénarios, c’est en Allemagne qu’ils sont les plus onéreux. Pour le Conseil de la concurrence, se fournir via l’Hexagone permettrait de diminuer les prix.
3. Inciter aux médicaments génériques
Ils ne représentent que 12% du volume total des médicaments au Luxembourg contre 30% en France, 35% en Belgique et 83% en Allemagne: les médicaments génériques pourraient pourtant alléger les dépenses de la Sécurité sociale et atténuer les soucis de ruptures de livraisons. Voilà pourquoi le Conseil de la concurrence préconise leur promotion.
4. Créer une base de données pour lutter contre les ruptures de stock
Le projet de loi est actuellement en dépôt à la Chambre des députés, mais le Conseil de la concurrence insiste: créer une base de données centralisée dans les missions de l’Agence luxembourgeoise des médicaments et des produits de santé permettrait de contenir la prolifération des ruptures de stock de médicaments.
5. Faciliter les ouvertures de nouvelles pharmacies
Alors qu’en 25 ans, la population résidente et frontalière a cru de 80% au Luxembourg, le nombre de pharmacies n’y a progressé que de 29%. La faute au régime légal des concessions qui requiert une autorisation gouvernementale pour chaque ouverture d’officine. Le Conseil de la concurrence estime que «le nombre de concessions créées chaque année est insuffisant» et appelle au régime de libre établissement, de même qu’à l’abolition de la redevance de concessionnaire de 2%.
6. Ouvrir les deux monopoles luxembourgeois
Au Luxembourg, seul un pharmacien peut détenir une pharmacie, c’est le monopole officinal de détention. Conjugué au monopole officinal de distribution, à savoir que seules les pharmacies peuvent vendre des médicaments, cela limite la croissance du nombre d’officines, déjà affecté par la pénurie de concessions. Le Conseil de la concurrence préconise une ouverture – au moins partielle – de ces deux monopoles pour que des entreprises puissent détenir et exploiter des pharmacies, et que la vente de médicaments en vente libre puisse se faire dans d’autres établissements que des officines, sous le contrôle d’un pharmacien qualifié.
7. Faciliter la vente en ligne
Les barrières légales affectent aussi le développement de la vente en ligne des médicaments au Luxembourg. Pour le Conseil de la concurrence, d’autres acteurs pourraient pénétrer ce marché sous réserve de la libéralisation des prix des médicaments en vente libre.
8. Étendre les missions du pharmacien
Pour désengorger les cabinets médicaux, mais aussi accroître la polyvalence et donc l’attractivité du métier de pharmacien, le Conseil de la concurrence préconise d’étendre ses compétences à la vaccination, l’entretien pharmaceutique, la prise de tension artérielle, la prise du taux de glycémie, la prolongation d’ordonnance et le test rapide d’orientation diagnostique.
La préparation de ce rapport remonte à 2019, mais, crise sanitaire oblige, elle a été interrompue pour reprendre ensuite et intégrer des variables liées à la pandémie. Ce jeudi, le Syndicat des pharmaciens luxembourgeois (SPL) devrait examiner le rapport du Conseil de la concurrence et un avis officiel suivra.
«Chaque médicament vendu requiert un conseil pharmaceutique», commente une pharmacienne établie au Grand-Duché au sujet de l’ouverture du marché préconisée par le Conseil de la concurrence. Si la professionnelle salue certaines suggestions, comme l’extension des compétences en officine, elle émet aussi des réserves. «La libéralisation (de la vente des médicaments, ndlr) peut provoquer une surconsommation qui peut avoir un effet malsain sur la santé de tout un chacun.» Assurément, la pilule risque d’être difficile à avaler dans les officines.