Tous les TER sont à l’heure. Au tableau d’affichage de la gare de Thionville, le coronavirus a des effets «pervers» que peu de frontaliers auront eu le plaisir de remarquer.
Les parkings où ils abandonnent leur voiture sont aux trois quarts vides, comme les rues qui les amènent vers la gare sont désertes. Sous la pluie et dans le vent, le lundi de déconfinement est un dimanche de novembre.
Dans la gare où ne patientent que trois voyageurs, tandis que policiers et personnels de l’opérateur français plaisantent, une jeune femme de la SNCF distribue deux masques par personne, le sourire dans les yeux et dans la voix. «On en aura assez pour tout le monde», glisse-t-elle avec malice.
Les deux commerces sont fermés. L’espace central est rendu inaccessible par des barrières de chantier. Au sol, des cercles blancs invitent à respecter une distance de sécurité… jusqu’aux quais.
Ce lundi matin, le marquage est inutile: au lieu des centaines de passagers pour le TER le plus chargé, le 7h17, seuls 80 descendront à Luxembourg.
Les mains des huit voyageurs du wagon balaient les unes après les autres toute question. Chacun se tient à distance.
La configuration des sièges ne permet pas de respecter les deux mètres, mais la SNCF invite à condamner un siège sur deux: des autocollants ont été apposés sur toutes les fenêtres et les vitres. Et comme dans le hall de la gare, d’autres panneaux rappellent que «la protection buccale» est obligatoire dans les transports au Luxembourg.
Les parkings d’Hettange-Grande sont vides. Là où les passagers viennent habituellement tenter de trouver dix centimètres carrés pour arriver à l’heure sur leur lieu de travail n’entrent que deux passagers de plus.
Deux femmes de ménage montées à Bettembourg remplissent le wagon de leur conversation en portugais. Quelques rires et leurs mains gantées de plastique brisent la chape de plomb qui s’est emparée de ce train.
À l’arrivée, une jeune femme recroqueville une phalange de sa main gauche pour ouvrir la porte sans toucher le bouton.
Il n’y a plus de marquage au sol et, à part un panneau avant les escaliers, les consignes sont plutôt discrètes.
Le Quai Steffen est fermé, Oberweis et le bureau de tabac ouverts. Sous le regard des hommes de Dussmann, la police interpelle un homme d’une trentaine d’années. L’attraction ne dure pas longtemps.
Dehors, les travaux vont bon train dans le quartier de la gare. Du bâtiment de Post ne reste qu’une partie de la façade avant. Un avion, probablement de Cargolux, passe sous les nuages de «ce jour d’automne».
Le retour à la normale est un retour à l’anormal.