Andrea Albanese s’est intéressé, avec  Adrian  Nieto Castro et Konstantinos Tatsiramos, à l’impact de la naissance d’un premier enfant sur l’égalité entre les sexes. Un élément plus important quand on travaille loin de son domicile. (Photo: Andrea Albanese)

Andrea Albanese s’est intéressé, avec  Adrian  Nieto Castro et Konstantinos Tatsiramos, à l’impact de la naissance d’un premier enfant sur l’égalité entre les sexes. Un élément plus important quand on travaille loin de son domicile. (Photo: Andrea Albanese)

La naissance d’un premier enfant a un impact plus important sur le taux d’emploi des femmes que sur celui des hommes. Cette inégalité est encore plus forte pour les frontaliers, selon une étude du Liser qui se concentre sur les résidents de la province de Luxembourg.

Éducation, rémunération, secteur… . Les chercheurs Andrea Albanese, Adrian Nieto Castro et Konstantinos Tatsiramos publient cette fois une enquête sur l’impact d’une naissance sur l’égalité entre les sexes chez ces frontaliers.

Pourquoi vous êtes-vous intéressés à l’impact d’une première naissance sur l’égalité entre les femmes et les hommes au niveau de l’emploi?

Andrea Albanese. – «En faisant notre première étude sur les frontaliers belges, nous avons remarqué qu’il y avait moins de femmes qui travaillaient au Luxembourg que d’hommes. Nous avons alors vu que la différence apparaissait après la naissance du premier enfant. Nous avons donc dédié une étude à cela.

Avec pour résultat un impact plus important pour les femmes…

«Jusqu’à maintenant, les études ont montré que la naissance d’un enfant a un impact sur le taux d’emploi des femmes par rapport à celui des hommes. Mais ce que nous avons découvert, c’est qu’une grande partie de cet écart vient des emplois qui se trouvent loin du lieu d’habitation. On observe une chute du taux d’emploi des femmes dans des postes loin de leur résidence. Alors que nous savons, surtout dans le cas des frontaliers, que ces personnes peuvent trouver un meilleur salaire, de meilleures conditions en s’éloignant de leur domicile.

Quels sont les chiffres?

«75% de l’écart d’emploi entre les hommes et les femmes après la naissance d’un premier enfant est dû aux emplois non locaux (soit au fait que les femmes arrêtent davantage de travailler dans des emplois loin de leur résidence si on compare aux hommes, ndlr).

Comment l’explique-t-on?

«Les femmes prennent, aujourd’hui encore, plus de responsabilités dans la prise en charge des enfants. Elles sont donc plus facilement poussées du marché du travail lorsque le temps de trajet pour y arriver s’allonge.

Est-ce que ce sont des conséquences à court terme?

«Nous avons suivi les individus pendant sept ans, c’est quelque chose qui reste.

Vous demandez donc aux politiques de réagir. Comment?

«Peut-être en permettant un meilleur accès au marché, en améliorant les transports publics. En rendant le système de garde d’enfants le moins cher possible. Et, bien sûr, il y a ce qui se passe à l’intérieur de la maison, lors de la décision (quant à celui ou celle qui quittera son job peut-être mieux payé, mais éloigné, ndlr) entre l’homme et la femme.

Quelles sont les autres conclusions de l’étude?

«Après la première naissance, les parents arrêtent de déménager. Mais les hommes continuent de regarder à des postes plus éloignés, alors que les femmes se restreignent au marché du travail local.

Pourquoi avoir étudié la seule province de Luxembourg?

«Nous voulions étudier les comportements transfrontaliers et nous avions de bonnes données pour la Belgique, pas pour la France et l’Allemagne.

Pensez-vous que ces conclusions peuvent être transposées aux frontaliers français et allemands?

«Ce qu’on voit dans les données est tellement massif qu’il y a de fortes chances que l’impact soit similaire dans d’autres pays.

Comment avez-vous travaillé pour obtenir ces résultats?

«Nous avons observé 53.494 individus entre 2007 et 2017. Certains ont eu un premier enfant, d’autres non. Nous avons comparé le taux d’emploi des femmes avec et sans enfants. De même pour les hommes. Puis nous avons vérifié la variation du taux d’emploi dans les jobs locaux, puis dans les jobs lointains, c’est-à-dire en dehors de l’arrondissement de résidence/municipalité.

Est-ce que ce sont uniquement des salariés frontaliers?

«Les deux. Les comportements et l’écart sont les mêmes, que ce soit un job lointain en Belgique ou au Luxembourg.

Qu’en est-il de l’effet d’un deuxième enfant?

«Le fait que les effets négatifs sur l’écart entre les sexes persistent à long terme peut aussi venir de l’arrivée d’un deuxième enfant. Les data préliminaires montrent que le premier enfant a un impact plus important que le second. Peut-être dû au fait que les femmes avaient déjà quitté leur emploi.»